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Critique de beatriceferon


Alban Hefin, la fête celte du solstice d'été. Dupin et Claire en ont bien profité et n'ont pas quitté l'Amiral avant deux heures du matin. Alors, quatre heures quarante-neuf, ce n'est pas le bon moment pour tirer notre commissaire du lit, surtout pour aller voir un cadavre jeté dans une benne à ordures pleine de « déchets de poissons, entrailles, estomacs, intestins » dégageant une odeur pestilentielle. Pourquoi avoir réservé ce sort affreux à une pêcheuse sans histoire de l'île de Sein ? Et ce n'est pas fini. D'autres corps attendent notre policier.
Voilà un bout de temps que je l'attendais, ce nouvel épisode d'un de mes personnages préférés (je les achète en format poche).
L'histoire commence mal, évidemment, et pas seulement parce qu'on découvre le corps d'une jolie jeune femme, égorgée et jetée comme un déchet parmi les restes de poissons, dont on a l'impression de sentir l'affreuse odeur, mais parce que le pauvre Dupin n'a presque pas dormi. Il n'est pas au mieux de sa forme pour investiguer.
Ce solstice d' été est une fête celte qui place d'emblée l'aventure sous le signe des sortilèges et maléfices. L'épigraphe : « Le diable... ou un miracle ? » pose la question qui perturbe le lecteur (et les personnages) tout au long d'une enquête qui, une fois n'est pas coutume, sera bouclée en deux jours seulement. Eh oui, ce pauvre Dupin, comme d'habitude, il est harcelé. Mais, pour une fois, ce n'est pas par l'horrible préfet. Retenu, celui-ci n'est pas pressé de voir se dénouer l'affaire : « D'ici lundi matin, je ne pourrai donc donner aucune conférence de presse pour annoncer l'issue victorieuse de l'enquête. », ce qui donne envie de l'assommer, comme tous ces supérieurs qui ne font rien et, selon la tournure des événements, soit s'attribuent à eux seuls les lauriers d'une réussite, soit font retomber les reproches d'un échec sur le dos de leurs subordonnés. Je fulmine, car une telle attitude est loin d'être une simple fiction !
Non, cette fois, c'est Madame Dupin qui sature de messages le téléphone de son fils. Depuis un an, elle prépare une cérémonie pour son anniversaire, et, telle une Louis XIV en jupons, elle ne veut pas entendre parler de problèmes ou de boulot. Aucune considération pour le travail de Dupin, qui, le jour J, présidera la fête à ses côtés, même si, pendant ce temps, la terre est en train d'exploser.
Est-il étonnant que notre commissaire, dans un état semi-comateux, flotte entre rêve et réalité ? Ces quarante-huit heures vont être terriblement éprouvantes pour lui qui n'a pu bénéficier que d'un sommeil réduit.Aussi ne saurons-nous pas s'il est dans le fantasme ou la réalité, lorsque, par exemple, il croit compter sept tombes au lieu de six dans le cimetière des cholériques, au grand effroi de le Ber et de Madame Coquil qui y voient un sombre présage.
A cette étrange atmosphère de contes et légendes, Jean-Luc Bannalec a mêlé de graves problèmes bien réels et d'actualité : le réchauffement climatique : « Prenez le cabillaud, ce poisson si apprécié : la température a tellement augmenté que les poissons doivent se déplacer toujours plus loin vers le nord pour y déposer leurs oeufs, car ils pondent dans les eaux froides. Mais ils n'y trouvent pas assez de nourriture, si bien qu'ils meurent aussitôt après l'éclosion. ». La surpêche ou celle d'espèces protégées, l'utilisation de filets qui emprisonnent et noient les dauphins, la contrebande, notamment de cigarettes.
L'auteur ne manque pas de nous instruire en nous racontant des épisodes historiques, tels la création de la première conserverie (Connétable), encouragée par Napoléon Ier, ou des anecdotes surprenantes comme celles des dauphins qui se droguent en « avalant le poison d'un poisson-lune. Ils se le passaient comme si c'était un joint. »
Bien sûr, il nous régale aussi de nombreuses légendes : celle du roi Gradlon et de sa fille Dahut, celle de Merlin et Arthur, où le roi blessé est sauvé par « Velléda, la druidesse (…) [qui] le fit revenir à la vie sans que même Merlin sût comment. », celle de la tombe de Tristan et Iseut, et, partout, le monde magique d'Ys, la cité engloutie.
Pour se tenir éveillé, Dupin a, plus que jamais, besoin de café fort, et on apprend que les autochtones utilisent divers noms pour ce breuvage : « un vrai café de nonne (…) en parlant d'une lavasse. le café fort, lui, s'appelait le torré. Pour désigner un café vraiment imbuvable, les Bretons avaient des expressions plus corsées : pisse de bardot ou Kafe sac'h, qu'on pouvait traduire par "jus de chaussette" »
Au fil de cette enquête, Dupin sillonne en tous sens la cité de Douarnenez, où on a découvert le premier corps. Il nous en décrit la criée avec des accents à la Zola, dans « Le ventre de Paris » : « D'énormes lottes aux gueules grandes ouvertes semblant sortir de la nuit des temps, des maquereaux scintillant dans la lumière, des homards bleus prêts au combat, des calamars gris foncé entremêlés, d'innombrables langoustines, toutes sortes de poissons plats, de magnifiques bars (…) des rougets succulents, des araignées de mer géantes, des crabes énormes au regard sombre. »
Est-il utile de préciser que j'ai adoré cette cinquième aventure ?
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