J'ai toujours été fasciné par l'énigme de l'évolution des langues vivantes. En particulier, je m'intéresse à l'origine de français. On dit souvent: le roman (ancêtre du vieux français) provient du latin vulgaire. L'auteur de ce livre montre que cette affirmation est un raccourci discutable. le latin parlé "cultivé" (c'est-à-dire non "vulgaire"), présentait lui-même plusieurs niveaux; la différence entre ces deux types de latin est donc moins évidente qu'on ne le suppose souvent.
Michel Banniard pointe aussi que, dans les textes de l'époque classique, on découvre parfois l'emploi de certains prépositions a priori inutiles (les substantifs se déclinaient et l'usage du cas ad hoc suffisait). Ces pratiques, d'abord exceptionnelles, se sont par la suite généralisées et font partie intégrante de notre langue actuelle. Un autre exemple: l'usage de démonstratifs latins "forts" (c. à. d. emphatiques) comme « ille », d'abord rares, s'est généralisé et le sens s'est affaibli au fil des siècles, donnant finalement naissance à notre article défini « le ». Même remarque au sujet de l 'ultra-simplification des déclinaisons latines qui, dans la langue romane, vont se réduire au "cas sujet" et au "cas régime". Ce sont de simples exemples, mais ils conduisent à considérer que, très tôt, "le ver était dans le fruit": les particularités de notre langue proviennent de l'emploi (abusif) de formes existant déjà dans le latin écrit "cultivé".
Ceci étant noté, je dois reconnaitre que ce court ouvrage dépasse largement mes compétences. Il est beaucoup plus précis et complet que les livres de vulgarisation d'
Henriette Walter, qui m'avaient passionné mais qui n'entrent dans aucun détail.
Michel Banniard a beau donner des définitions aux mots précis qu'il utilise, ça passe mal (pour moi, du moins !). Il étudie très sérieusement l'évolution de la langue - ce qui, pour le profane, est assez fastidieux. Malgré cette difficulté (pour moi), je ne regrette pas ma lecture. J'ai glané quelques conceptions stimulantes.