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Critique de Cricri124



A 65 ans, Alex Cleave, acteur de théâtre plus ou moins en retraite, exhume les fantômes de son passé et de son présent (!) : celui de Mme Gray, son premier amour, dont il aimerait probablement retrouver l'émerveillement des premiers émois et autres sensations oubliées. Elle avait 35 ans et lui 15. C'était la mère de son meilleur ami. Et celui de sa fille Cass, décédée 10 ans plus tôt, qu'une troublante proposition cinématographique pour interpréter le rôle d'Axel Vandel (vous notez l'étrange anagramme entre Alex et Axel ?) au côté d'une célèbre actrice, va raviver.

La première partie se déploie comme un jeu de miroirs qui se réfléchissent les uns dans les autres. Ses souvenirs se cherchent et se heurtent au mur du présent et du passé, d'un paragraphe à l'autre. C'est éblouissant! le rythme est lent, introspectif, nostalgique. Sous la plume de John Banville, la relation entre Mme Gray et Alex est évoquée avec beaucoup pudeur et de tendresse. A 65 ans, Alex, le narrateur, confronte son regard à celui de son alter égo immature de 15 ans, avec quelques petites touches d'autodérision. Et surtout il ne cesse de réévaluer les effets du temps sur sa mémoire. Il s'interroge sur la réalité de ses souvenirs, sur leurs zones d'ombre et de lumière, les revisite. Nous ne savons jamais jusqu'à quel point ses souvenirs sont réels ou édulcorés. La mémoire est parfois si trompeuse et arrangeante. Et nous avançons dans le labyrinthe de sa mémoire, en nous demandant si nous allons y rencontrer le minotaure…

La seconde partie en revanche est plus sombre. Alex se lance dans une sorte de quête où il m'a semblé de plus en plus marcher à côté de sa vie, se laisser porter par les évènements et les rencontres, comme s'il en était extérieur. La solitude des personnages est également plus pesante. Cela m'a parfois fait penser à certains tableaux d'Edward Hopper, ces personnages esseulés dans la lumière crue d'une réalité perdue. Pourtant, cette seconde partie ne m'a pas convaincu. J'ai souvent eu l'impression de tourner en rond, comme si l'un des miroirs s'était brisé et qu'on ne savait plus où porter notre regard. On trouve des longueurs et des passages dont on pourrait croire qu'ils vont déboucher sur quelque chose, mais non, rien! Dommage. J'ai finalement refermé ce livre avec un sentiment étrange, mitigé et un peu décalé. C'est peut être un peu réducteur de le dire ainsi car d'un bout à l'autre tous les événements sont enchevêtrés, mais autant le souvenir de Mme Gray exerce un certain rayonnement, autant celui de sa fille m'a parfois entrainé dans un trou noir.

Ce livre n'en demeure pas moins une superbe plongée dans les méandres de la mémoire, et de ceux qui ne cesseront de vivre en nous, dans notre coeur et nos souvenirs, le tout servi par une très belle écriture poétique et mélancolique.

« Les morts sont ma matière noire, ils comblent imperceptiblement les vides du monde. »
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