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EAN : 9781142912734
326 pages
Nabu Press (11/01/2010)
2.83/5   3 notes
Résumé :
En écrivant à ses heures perdues les Odes funambulesques, l’auteur n’avait pas cette fois essayé de créer une manifestation de sa pensée ; il cherchait seulement une forme nouvelle. Aussi pensait-il que sa signature ne devait pas être attachée à ce petit livre. La critique en a décidé autrement, et l’auteur accepte son arrêt. Avec une merveilleuse intuition, ses juges ont tout d’abord deviné ses intentions les plus secrètes ; et, devenus maîtres de sa pensée intime,... >Voir plus
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Le critique en mal d’enfant.

Ce critique célèbre est mort en mal d’enfant.
Quel critique ! Il était fort comme un éléphant,
Vif et souple comme une anguille.
S’il étirait un peu ses membres avec soin,
Il enjambait la mer, et savait au besoin
Passer par le trou d’une aiguille.

Au spectacle c’était charmant. Comme il jasait !
L’article Frédérick, l’article Déjazet
Pour lui ne gardaient pas d’arcanes.
Quant à ce qu’on appelle en ce temps-ci : des mots,
Il en laissait toujours au milieu des marmots
Sept ou huit au bureau des cannes.

Il avait de l’esprit comme Jules Janin
Et comme Beaumarchais ; le sourcil léonin
De ce Jupiter de la rampe
Faisait tout tressaillir, Achilles, Arlequins
Et Gilles ; devant lui ces porte-brodequins
Étaient comme le ver qui rampe.

Ce n’était qu’or et pourpre à tous ses dévidoirs.
Des myrtes qu’il avait cueillis dans les boudoirs
On eût chargé vingt dromadaires.
Certes il s’en fallait peu qu’il ne mît à bas
La Presse, La Patrie et même Les Débats
Par ses succès hebdomadaires !

On disait : « Prémaray, ce divin bijoutier,
A pourtant le ciseau moins agile, et Gautier
La touche moins fine et moins grasse ;
Saint-Victor et Méry, coloristes vermeils,
Ne peignent pas si bien les cheveux des soleils :
Janin lui-même a moins de grâce. »

Il n’était pas heureux pourtant. Devant son feu
Où parfois en silence il voyait d’un œil bleu
Mourir en cendre un demi-stère,
Des spectres noirs, sortis du fond de l’encrier,
Le talonnaient. C’est bien le cas de s’écrier
Ici : « Quel est donc ce mystère ? »

Ou bien il était triste en même temps que gai,
Mêlant De Profundis avec Ma mie, ô gué !
Telle en ces paysages qu’orne
Une blanche fontaine aux paillettes d’argent,
La lune, astre des nuits, folâtre mais changeant,
Montre ensemble et cache une corne.

Tel vous pouvez le voir gravé par Henriquel ;
Et voici le fin mot : le malheur pour lequel,
Poussant des plaintes étouffées,
Il laissait tant languir son âme en désarroi,
C’était de n’avoir pas d’enfants, comme ce roi
Qu’on voit dans les contes de fées.

Parfois contemplant seul, le front chargé d’ennuis,
Les clous de diamants sur le plafond des nuits,
Il invoquait les Muses, l’une
Ou l’autre, et leur disait : « Érato, mon trésor !
Thalie ! ô Melpomène à la chaussure d’or ! »
Il disait à la Lune : « O Lune !

Ne m’inspirerez-vous aucun ouvrage ? rien ?
Quoi ! pas même un nouveau système aérien ?
Un livre sur l’architecture ?
Un vaudeville, grand de toute ma hauteur ?
Ne deviendrai-je point ce qu’on nomme un auteur
Dans les cabinets de lecture ?

Oui, la gloire est à moi, j’ai su m’en emparer ;
Et, ne produisant rien, je puis me comparer
Aux filles qu’on marie honnêtes ;
Je reste magnifique autant que paresseux,
Oui, mais ne pouvoir être à mon tour un de ceux
Qui montrent les marionnettes !

Ce Lesage, hélas ! ni cet abbé Prévost !
Ni ce vieux Poquelin sur qui rien ne prévaut !
Ni ce Ronsard, ni ce Malherbe !
Danser toujours, pareil à Madame Saqui !
Sachez-le donc, ô Lune, ô Muses, c’est ça qui
Me fait verdir comme de l’herbe !

Oh ! que ne puis-je, enflant cette bouche, hardi,
Hurler ces drames noirs que signe Bouchardy,
Ou bien par un grand élan d’aile,
Faire enfin, n’étant plus un eunuque au sérail,
Des romans comme ceux de Ponson du Terrail
Ou du ténébreux La Landelle ! »

Il le faut, tôt ou tard un dénouement a lieu.
Or, la nymphe d’une eau thermale, ou quelque dieu
Mettant le nez à la fenêtre,
Voulut prendre en pitié l’illustre paria.
Notre homme devint gros, et chacun s’écria :
« Quelque chose de fort va naître. »

Lui se tordait avec mille contorsions
De gésine. Ébloui par les proportions
Vertigineuses de sa taille,
Le prenant pour un mont, Préault disait : « Oh ! ça,
C’est Pélion, ou bien son camarade Ossa :
Allez-vous-en, que je le taille ! »

Et l’attente dura dix ans. Les médisants,
Comme un chœur de vieillards, répétèrent dix ans
A la foule, en s’approchant d’elle :
« Tu prépares ton clair lorgnon, mais vainement.
Va plutôt voir Guignol que cet événement :
Le jeu n’en vaut pas la chandelle ! »

Enfin, pour accoucher le moderne Pança,
On prit tout bonnement une épingle : on pensa
Le vider comme un œuf d’autruche.
Il ne sortit pas même, ô rage ! une souris
De ce ventre dont l’orbe excita nos souris :
Le critique était en baudruche !
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La ville enchantée.

Il est de par le monde une cité bizarre,
Où Plutus en gants blancs, drapé dans son manteau,
Offre une cigarette à son ami Lazare,
Et l’emmène souper dans un parc de Wateau.

Les centaures fougueux y portent des badines ;
Et les dragons, au lieu de garder leur trésor,
S’en vont sur le minuit, avec des baladines,
Faire un maigre dîner dans une maison d’or.

C’est là que parle et chante avec des voix si douces,
Un essaim de beautés plus nombreuses cent fois,
En habit de satin, brunes, blondes et rousses,
Que le nombre infini des feuilles dans les bois !

Ô pourpres et blancheurs ! neiges et rosiers ! L’une,
En découvrant son sein plus blanc que la Jung-Frau,
Cause avec Cyrano, qui revient de la lune,
L’autre prend une glace avec Cagliostro.

C’est le pays de fange et de nacre de perle ;
Un tréteau sur les fûts du cabaret prochain,
Spectacle où les décors sont peints par Diéterle,
Cambon, Thierry, Séchan, Philastre et Despléchin ;

Un théâtre en plein vent, où, le long de la rue,
Passe, tantôt de face et tantôt de profil,
Un mimodrame avec des changements à vue,
Comme ceux de Gringore et du céleste Will.

Là, depuis Idalie, où Cypris court sur l’onde
Dans un coupé de nacre attelé d’un dauphin,
Vous voyez défiler tous les pays du monde
Avec un air connu, comme chez Séraphin.

La Belle au bois dormant, sur la moire fleurie
De la molle ottomane où rêve le chat Murr,
Parmi l’air rose et bleu des feux de la féerie
S’éveille après cent ans sous un baiser d’amour.

La Chinoise rêveuse, assise dans sa jonque,
Les yeux peints et les bras ceints de perles d’Ophir,
D’un ongle de rubis rose comme une conque
Agace sur son front un oiseau de saphir.

Sous le ciel étoilé, trempant leurs pieds dans l’onde
Que parfument la brise et le gazon fleuri,
Et d’un bois de senteur couvrant leur gorge blonde,
Dansent à s’enivrer les bibiaderi.

Là, belles des blancheurs de la pâle chlorose,
Et confiant au soir les rougeurs des aveux,
Les vierges de Lesbos vont sous le laurier-rose
S’accroupir dans le sable et causer deux à deux.

La reine Cléopâtre, en sa peine secrète,
Fière de la morsure attachée à son flanc,
Laisse tomber sa perle au fond du vin de Crète,
Et sa pourpre et sa lèvre ont des lueurs de sang.

Voici les beaux palais où sont les hétaïres,
Sveltes lys de Corinthe et roses de Milet,
Qui, dans des bains de marbre, au chant divin des lyres,
Lavent leurs corps sans tache avec un flot de lait.

Au fond de ces séjours à pompe triomphale,
Où brillent aux flambeaux les cheveux de maïs,
Hercule enrubanné file aux genoux d’Omphale,
Et Diogène dort sur le sein de Laïs.

Salut, jardin antique, ô Tempé familière
Où le grand Arouet a chanté Pompadour,
Où passaient avant eux Louis et La Vallière,
La lèvre humide encor de cent baisers d’amour !

C’est là que soupiraient aux pieds de la dryade,
Dans la nuit bleue, à l’heure où sonne l’angelus,
Et le jeune Lauzun, fier comme Alcibiade,
Et le vieux Richelieu, beau comme Antinoüs.

Mais ce qui me séduit et ce qui me ramène
Dans la verdure, où j’aime à soupirer le soir,
Ce n’est pas seulement Phyllis et Dorimène,
Avec sa robe d’or que porte un page noir.

C’est là que vit encor le peuple des statues
Sous ses palais taillés dans les mélèzes verts,
Et que le chœur charmant des Nymphes demi-nues
Pleure et gémit avec la brise des hivers.

Les Naïades sans yeux regardent le grand arbre
Pousser de longs rameaux qui blessent leurs beaux seins,
Et, sur ces seins meurtris croisant leurs bras de marbre,
Augmentent d’un ruisseau les larmes des bassins.

Aujourd’hui les wagons, dans ces steppes fleuries,
Devancent l’hirondelle en prenant leur essor,
Et coupent dans leur vol ces suaves prairies,
Sur un ruban de fer qui borde un chemin d’or.

Ailleurs, c’est le palais d’Italie et de Grèce
Où s’éveillent les dieux couronnés de lotus,
Pour lequel Titien a donné sa maîtresse,
Où Phidias a mis les siennes, ses Vénus !

Et maintenant, voici la coupole féerique
Où, près des flots d’argent, sous les lauriers en fleurs,
Le grand Orphée apporte à la Grèce lyrique
La lyre que Sappho baignera dans les pleurs.

Ô ville où le flambeau de l’univers s’allume !
Aurore dont l’œil bleu, rempli d’illusions,
Tourné vers l’Orient, voit passer dans sa brume
Des foyers de splendeur étoilés de rayons !

Ce théâtre en plein vent bâti dans les étoiles,
Où passent à la fois Cléopâtre et Lola,
Où défile en dansant, devant les mêmes toiles,
Un peuple chimérique en habit de gala ;

Ce pays de soleil, d’or et de terre glaise,
C’est la mélodieuse Athènes, c’est Paris,
Eldorado du monde, où la fashion anglaise
Importe deux fois l’an ses tweeds et ses paris.

Pour moi, c’est dans un coin du salon d’Aspasie,
Sur l’album éclectique où, parmi nos refrains,
Phidias et Diaz ont mis leur fantaisie,
Que je rime cette ode en vers alexandrins.
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A un ami.

Mon ami, n’allez pas surtout vous soucier
De la lettre qu’on vous apporte ;
Ce n’est qu’une facture, et c’est un créancier
Qui vient de sonner à la porte.

Parcourant sans repos, dernier des voyageurs,
Les Hélicons et les Permesses,
Pour payer mes wagons, j’ai dû chez les changeurs
Escompter l’or de vos promesses

Vérité sans envers, que l’on nierait en vain,
Car elle est des plus apparentes,
L’artiste ne peut guère, avec son luth divin,
Réaliser assez de rentes.

Ainsi que la marmotte, il se sent mal au doigt
A force de porter sa chaîne :
Toujours il a mangé le matin ce qu’il doit
Toucher la semaine prochaine.

A moins qu’il soit chasseur de dots, et fait au tour,
Dieu sait quelle intrigue il étale
Pour ne pas déjeuner, plus souvent qu’à son tour,
Au restaurant de feu Tantale !

Moi qui n’ai pas les traits de Bacchos, je ne puis
Compter sur ma beauté physique.
Je suis comme la Nymphe auguste dans son puits ;
Je n’ai que ma boîte à musique !

Ainsi, j’ai beau nommer l’Amour " my dear child ",
Être un Cyrus en nos escrimes,
Et faire encor pâlir le luxe de Rothschild
Par la richesse de mes rimes,

Je ne saurais avec tous ces vers que paiera
Buloz, s’il survit aux bagarres,
D’avance entretenir des filles d’Opéra,
Ni même acheter des cigares.

Oui, moi que l’univers prendrait pour un richard,
Tant je prodigue les tons roses,
Je suis, pour parler net, semblable à Cabochard,
Je manque de diverses choses.

Le cabaret prétend que Crédit est noyé,
Et, si ce n’est chez les Osages,
Je m’aperçois enfin que l’argent monnoyé
S’applique à différents usages.

Je sais bien que toujours les cygnes aux doux chants,
Près des Lédas archiduchesses,
Ont fait de jolis mots sur les filles des champs
Et sur le mépris des richesses ;

Monsieur Scribe lui-même enseigne qu’un trésor
Cause mille angoisses amères ;
Mais je suis intrépide : envoyez-moi de l’or,
Je n’ai souci que des chimères !
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Nadar.

Les soirs qu’au Vaudeville, en ce moment sauvé,
On donne une première
Représentation ; quand le gaz relevé
Couvre tout de lumière ;

Et, pour mieux éblouir de feux les vils troupeaux
Aux faces inconnues,
Quand, les littérateurs déposant leurs chapeaux,
On voit leurs têtes nues ;

Chez tous ces rois à qui la notoriété
Enseigne ses allures,
Oh ! quel spectacle étrange en sa variété
Offrent les chevelures !

Les unes ont l’aspect de l’ébène ; voici
Les châtaines, les fauves,
Et les beaux fronts de neige, et l’on remarque aussi
Le bataillon des chauves.

C’est le brun Lherminier, Sasonoff et Murger,
Et Lemer, doux lévite.
Leurs cheveux peuvent dire en chœur avec Burger :
« Hurrah ! les morts vont vite ! »

Louis Boyer, qui prit plus d’une Alaciel
A plus d’un roi de Garbe,
Dissimule son nez, organe essentiel,
Sous de grands flots de barbe.

Son visage pourtant n’est pas seul envahi
Comme celui d’un Serbe,
Et de Goy, dont les mots ont un parfum d’Aï,
N’est pas non plus imberbe !

Car le Temps, qui sourit de se voir encensé
Par ceux dont il se joue,
Met, comme un lierre épars, ce feuillage insensé
Autour de notre joue !

Louis Lurine, habile à bien lancer les dards,
En a les tempes bleues.
Asselineau pourrait fournir des étendards
Aux pachas à trois queues.

Méry, chêne au milieu d’arbustes rabougris,
A vaincu les épreuves ;
Il est majestueux et fort sous son poil gris
Comme les dieux des fleuves.

Dumas, qui pourrait seul, mage éthiopien,
Chanter la sage Hélène,
Abrite des éclairs son crâne olympien
Sous des touffes de laine.

Mirecourt dans son ombre, antre de noirs projets,
Tente de noyer Planche,
Et René Lordereau dans ses boucles de jais
Garde une mèche blanche.

Villemessant, mêlé, comme les vieux railleurs,
De faune et de satyre,
Se coiffe en brosse. Et puis j’en passe, et des meilleurs !
Mais qui pourrait tout dire ?

Théo, roi de l’azur où la Muse le suit,
Amant de la Chimère,
En secouant sa tête, à l’entour fait la nuit,
Comme un héros d’Homère,

Et Barrière, qui va cherchant la vérité
Sans songer à sa gloire,
Montre pleins d’ouragans des yeux d’aigle irrité
Sous une forêt noire.

A côté d’eux on voit les blonds : c’est Dumas fils,
Dont l’ample toison frise ;
C’est Gaiffe, dont la joue est neige, ivoire et lys,
Et la lèvre cerise.

C’est Castille aux anneaux crêpés ; ses yeux ont lui
Pour quelque étrange rêve,
Et son chef lumineux brille comme celui
De notre grand’mère Ève.

Voillemot resplendit comme un jeune Apollon.
Fabuleux météore,
Sa tête radieuse au milieu d’un salon
Fait l’effet d’une aurore.

Arsène Houssaye, à qui souvent, le cœur troublé,
Rêvent les jeunes filles,
A des cheveux pareils à ceux des champs de blé
Tombant sous les faucilles.

Ils sont d’or pâle ; ceux du poëte nouveau
Qui, dans des vers bizarres,
A nommé le public : « Bête à tête de veau, »
Sont jaunes, fins et rares.

La Madelène est rose, et Marchal est vermeil
D’une façon hardie,
Mais Nadar sur son front aux comètes pareil
Arbore l’incendie !
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La tristesse d'Oscar.

Jadis le bel Oscar, ce rival de Lauzun,
Du temps que son habit vert pomme était dans un
État difficile à décrire,
Et qu’enfin ses souliers, vainqueurs du pantalon,
Laissant à chaque pas des morceaux de talon,
Poussaient de grands éclats de rire ;

Du temps que son coachman, pâle comme un navet,
Se recourbait en plis tortueux, et n’avait
Plus de collet d’aucune sorte,
Aucun collet, pas même un collet... né Révoil,
Et que son vieux chapeau, tout dépourvu de poil,
Prenait des tons de colle-forte ;

O misère ! du temps que, tournant au lasting,
Son pantalon, pareil aux tableaux de Drolling,
Avait ce vernis dont tu lustres
Le gilet fabuleux de Fontbonne et son frac,
Le bel Oscar disait à Paulin Limayrac,
Publiciste âgé de deux lustres :

« Dieu ! que ne suis-je assis dans le Palais-Bourbon !
Quand pourrai-je appeler Ledru-Rollin : Mon bon !
Et dire en voyant Buloz : Qu’est-ce ?
Et puis n’entendre plus dans quelque affreux recoin
Ce monstre me crier : Tu n’iras pas plus loin !
Quand je veux passer à la caisse.

Paulin ! si je payais le cens, ah ! tu le sens,
Je connaîtrais aussi ces billets de cinq cents
Qui sont les pommes de nos Èves,
J’aurais le rameau d’or qui dompte les tailleurs,
Et je verrais enfin des chemises ailleurs
Que parmi l’azur de mes rêves !

Oui ! je ferais remettre un verre à mon lorgnon !
Paulin, j’échangerais ma panne et mon guignon
Contre l’aisance fantastique
Du baron de Rothschild, et, gagnant à ce troc,
Je peignerais alors mes moustaches en croc
Et j’y mettrais du cosmétique !

Je dînerais chez Douix ! J’aurais des gants serins
Pour poser au balcon des théâtres forains,
Et, profitant de son extase,
J’abreuverais de luxe et de verres de rhum
Une divinité, reine des Délass-Com,
De Montmartre ou du Petit-Laze ! »

Ainsi parlait Oscar, l’âme et les sens aigris,
Du temps qu’il arborait ces vastes chapeaux gris
Empruntés à d’anciens fumistes,
Et que, plein d’amertume, il nettoyait ses gants
Avec ces procédés beaux, mais extravagants,
Qui sont la gloire des chimistes.

Il parlait, et ses yeux imitaient des poignards.
Aujourd’hui, grâce aux voix de cinq cents montagnards,
Le voilà sorti de l’ornière
Et Bignan le célèbre en d’officiels chants ;
C’est la rosette rouge et non la fleur des champs
Qui fleurit à sa boutonnière.

Il rayonne, il est mis comme un notaire en deuil.
Et cependant toujours parmi l’or de son œil
Brille une perle lacrymale ;
Il erre, les regards cloués sur les frontons,
Triste comme un bonnet, ou comme ces croûtons
De pain que nous cache une malle !

Quel rêve peut troubler ce moderne Samson,
Qui sur le nez des siens pose, comme l’ourson,
Des discours carrés par la base,
Qui d’un pantalon vert couvre ses tibias,
Et qui dans les divers patois charabias
Éclipse Charamaule et Baze ?

Ah ! quelque fiel toujours gâte notre hydromel !
Oui, quelque chose encore attriste ce Brummel
Qui, mettant chaque Amour en cage,
Effaçait les exploits du chevalier d’Éon !
Voilà ce qui l’agace : hier à l’Odéon
Un voyou l’a pris pour Bocage !
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