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Citations sur Odes Funambulesques (30)

A un ami.

Mon ami, n’allez pas surtout vous soucier
De la lettre qu’on vous apporte ;
Ce n’est qu’une facture, et c’est un créancier
Qui vient de sonner à la porte.

Parcourant sans repos, dernier des voyageurs,
Les Hélicons et les Permesses,
Pour payer mes wagons, j’ai dû chez les changeurs
Escompter l’or de vos promesses

Vérité sans envers, que l’on nierait en vain,
Car elle est des plus apparentes,
L’artiste ne peut guère, avec son luth divin,
Réaliser assez de rentes.

Ainsi que la marmotte, il se sent mal au doigt
A force de porter sa chaîne :
Toujours il a mangé le matin ce qu’il doit
Toucher la semaine prochaine.

A moins qu’il soit chasseur de dots, et fait au tour,
Dieu sait quelle intrigue il étale
Pour ne pas déjeuner, plus souvent qu’à son tour,
Au restaurant de feu Tantale !

Moi qui n’ai pas les traits de Bacchos, je ne puis
Compter sur ma beauté physique.
Je suis comme la Nymphe auguste dans son puits ;
Je n’ai que ma boîte à musique !

Ainsi, j’ai beau nommer l’Amour " my dear child ",
Être un Cyrus en nos escrimes,
Et faire encor pâlir le luxe de Rothschild
Par la richesse de mes rimes,

Je ne saurais avec tous ces vers que paiera
Buloz, s’il survit aux bagarres,
D’avance entretenir des filles d’Opéra,
Ni même acheter des cigares.

Oui, moi que l’univers prendrait pour un richard,
Tant je prodigue les tons roses,
Je suis, pour parler net, semblable à Cabochard,
Je manque de diverses choses.

Le cabaret prétend que Crédit est noyé,
Et, si ce n’est chez les Osages,
Je m’aperçois enfin que l’argent monnoyé
S’applique à différents usages.

Je sais bien que toujours les cygnes aux doux chants,
Près des Lédas archiduchesses,
Ont fait de jolis mots sur les filles des champs
Et sur le mépris des richesses ;

Monsieur Scribe lui-même enseigne qu’un trésor
Cause mille angoisses amères ;
Mais je suis intrépide : envoyez-moi de l’or,
Je n’ai souci que des chimères !
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Le critique en mal d’enfant.

Ce critique célèbre est mort en mal d’enfant.
Quel critique ! Il était fort comme un éléphant,
Vif et souple comme une anguille.
S’il étirait un peu ses membres avec soin,
Il enjambait la mer, et savait au besoin
Passer par le trou d’une aiguille.

Au spectacle c’était charmant. Comme il jasait !
L’article Frédérick, l’article Déjazet
Pour lui ne gardaient pas d’arcanes.
Quant à ce qu’on appelle en ce temps-ci : des mots,
Il en laissait toujours au milieu des marmots
Sept ou huit au bureau des cannes.

Il avait de l’esprit comme Jules Janin
Et comme Beaumarchais ; le sourcil léonin
De ce Jupiter de la rampe
Faisait tout tressaillir, Achilles, Arlequins
Et Gilles ; devant lui ces porte-brodequins
Étaient comme le ver qui rampe.

Ce n’était qu’or et pourpre à tous ses dévidoirs.
Des myrtes qu’il avait cueillis dans les boudoirs
On eût chargé vingt dromadaires.
Certes il s’en fallait peu qu’il ne mît à bas
La Presse, La Patrie et même Les Débats
Par ses succès hebdomadaires !

On disait : « Prémaray, ce divin bijoutier,
A pourtant le ciseau moins agile, et Gautier
La touche moins fine et moins grasse ;
Saint-Victor et Méry, coloristes vermeils,
Ne peignent pas si bien les cheveux des soleils :
Janin lui-même a moins de grâce. »

Il n’était pas heureux pourtant. Devant son feu
Où parfois en silence il voyait d’un œil bleu
Mourir en cendre un demi-stère,
Des spectres noirs, sortis du fond de l’encrier,
Le talonnaient. C’est bien le cas de s’écrier
Ici : « Quel est donc ce mystère ? »

Ou bien il était triste en même temps que gai,
Mêlant De Profundis avec Ma mie, ô gué !
Telle en ces paysages qu’orne
Une blanche fontaine aux paillettes d’argent,
La lune, astre des nuits, folâtre mais changeant,
Montre ensemble et cache une corne.

Tel vous pouvez le voir gravé par Henriquel ;
Et voici le fin mot : le malheur pour lequel,
Poussant des plaintes étouffées,
Il laissait tant languir son âme en désarroi,
C’était de n’avoir pas d’enfants, comme ce roi
Qu’on voit dans les contes de fées.

Parfois contemplant seul, le front chargé d’ennuis,
Les clous de diamants sur le plafond des nuits,
Il invoquait les Muses, l’une
Ou l’autre, et leur disait : « Érato, mon trésor !
Thalie ! ô Melpomène à la chaussure d’or ! »
Il disait à la Lune : « O Lune !

Ne m’inspirerez-vous aucun ouvrage ? rien ?
Quoi ! pas même un nouveau système aérien ?
Un livre sur l’architecture ?
Un vaudeville, grand de toute ma hauteur ?
Ne deviendrai-je point ce qu’on nomme un auteur
Dans les cabinets de lecture ?

Oui, la gloire est à moi, j’ai su m’en emparer ;
Et, ne produisant rien, je puis me comparer
Aux filles qu’on marie honnêtes ;
Je reste magnifique autant que paresseux,
Oui, mais ne pouvoir être à mon tour un de ceux
Qui montrent les marionnettes !

Ce Lesage, hélas ! ni cet abbé Prévost !
Ni ce vieux Poquelin sur qui rien ne prévaut !
Ni ce Ronsard, ni ce Malherbe !
Danser toujours, pareil à Madame Saqui !
Sachez-le donc, ô Lune, ô Muses, c’est ça qui
Me fait verdir comme de l’herbe !

Oh ! que ne puis-je, enflant cette bouche, hardi,
Hurler ces drames noirs que signe Bouchardy,
Ou bien par un grand élan d’aile,
Faire enfin, n’étant plus un eunuque au sérail,
Des romans comme ceux de Ponson du Terrail
Ou du ténébreux La Landelle ! »

Il le faut, tôt ou tard un dénouement a lieu.
Or, la nymphe d’une eau thermale, ou quelque dieu
Mettant le nez à la fenêtre,
Voulut prendre en pitié l’illustre paria.
Notre homme devint gros, et chacun s’écria :
« Quelque chose de fort va naître. »

Lui se tordait avec mille contorsions
De gésine. Ébloui par les proportions
Vertigineuses de sa taille,
Le prenant pour un mont, Préault disait : « Oh ! ça,
C’est Pélion, ou bien son camarade Ossa :
Allez-vous-en, que je le taille ! »

Et l’attente dura dix ans. Les médisants,
Comme un chœur de vieillards, répétèrent dix ans
A la foule, en s’approchant d’elle :
« Tu prépares ton clair lorgnon, mais vainement.
Va plutôt voir Guignol que cet événement :
Le jeu n’en vaut pas la chandelle ! »

Enfin, pour accoucher le moderne Pança,
On prit tout bonnement une épingle : on pensa
Le vider comme un œuf d’autruche.
Il ne sortit pas même, ô rage ! une souris
De ce ventre dont l’orbe excita nos souris :
Le critique était en baudruche !
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Le saut du tremplin.

Clown admirable, en vérité !
Je crois que la postérité,
Dont sans cesse l’horizon bouge,
Le reverra, sa plaie au flanc.
Il était barbouillé de blanc,
De jaune, de vert et de rouge.

Même jusqu’à Madagascar
Son nom était parvenu, car
C’était selon tous les principes
Qu’après les cercles de papier,
Sans jamais les estropier
Il traversait le rond des pipes.

De la pesanteur affranchi,
Sans y voir clair il eût franchi,
Les escaliers de Piranèse.
La lumière qui le frappait
Faisait resplendir son toupet
Comme un brasier dans la fournaise.

Il s’élevait à des hauteurs
Telles, que les autres sauteurs
Se consumaient en luttes vaines.
Ils le trouvaient décourageant,
Et murmuraient : « Quel vif-argent
Ce démon a-t-il dans les veines ? »

Tout le peuple criait : « Bravo ! »
Mais lui, par un effort nouveau,
Semblait roidir sa jambe nue,
Et, sans que l’on sût avec qui,
Cet émule de la Saqui
Parlait bas en langue inconnue.

C’était avec son cher tremplin.
Il lui disait : « Théâtre, plein
D’inspiration fantastique,
Tremplin qui tressailles d’émoi
Quand je prends un élan, fais-moi
Bondir plus haut, planche élastique !

« Frêle machine aux reins puissants,
Fais-moi bondir, moi qui me sens
Plus agile que les panthères,
Si haut que je ne puisse voir
Avec leur cruel habit noir
Ces épiciers et ces notaires !

« Par quelque prodige pompeux,
Fais-moi monter, si tu le peux,
Jusqu’à ces sommets où, sans règles,
Embrouillant les cheveux vermeils
Des planètes et des soleils,
Se croisent la foudre et les aigles.

« Jusqu’à ces éthers pleins de bruit,
Où, mêlant dans l’affreuse nuit
Leurs haleines exténuées,
Les autans ivres de courroux
Dorment, échevelés et fous,
Sur les seins pâles des nuées.

« Plus haut encor, jusqu’au ciel pur !
Jusqu’à ce lapis dont l’azur
Couvre notre prison mouvante !
Jusqu’à ces rouges Orients
Où marchent des Dieux flamboyants,
Fous de colère et d’épouvante.

« Plus loin ! plus haut ! je vois encor
Des boursiers à lunettes d’or,
Des critiques, des demoiselles
Et des réalistes en feu.
Plus haut ! plus loin ! de l’air ! du bleu !
Des ailes ! des ailes ! des ailes ! »

Enfin, de son vil échafaud,
Le clown sauta si haut, si haut,
Qu’il creva le plafond de toiles
Au son du cor et du tambour,
Et, le cœur dévoré d’amour,
Alla rouler dans les étoiles.
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Ballade de la vraie sagesse.

Mon bon ami, poëte aux longs cheveux,
Joueur de flûte à l’humeur vagabonde,
Pour l’an qui vient je t’adresse mes vœux :
Enivre-toi, dans une paix profonde,
Du vin sanglant et de la beauté blonde.
Comme à Noël, pour faire réveillon
Près du foyer en flamme, où le grillon
Chante à mi-voix pour charmer ta paresse,
Toi, vieux Gaulois et fils du bon Villon,
Vide ton verre et baise ta maîtresse.

Chante, rimeur, ta Jeanne et ses grands yeux
Et cette lèvre où le sourire abonde ;
Et que tes vers à nos derniers neveux,
Sous la toison dont l’or sacré l’inonde,
La fassent voir plus belle que Joconde.
Les Amours nus, pressés en bataillon,
Ont des rosiers broyé le vermillon
Sur le beau sein de cette enchanteresse.
Ivre déjà de voir son cotillon,
Vide ton verre et baise ta maîtresse.

Une bacchante, aux bras fins et nerveux,
Sur les coteaux de la chaude Gironde,
Avec ses sœurs, dans l’ardeur de ses jeux,
Pressa les flancs de sa grappe féconde
D’où ce vin clair a coulé comme une onde.
Si le désir, aux yeux d’émerillon,
T’enfonce au cœur son divin aiguillon,
Profites-en ; l’Ame, disait la Grèce,
A pour nous fuir l’aile d’un papillon :
Vide ton verre et baise ta maîtresse.


ENVOI

Ma muse, ami, garde le pavillon.
S’il est de pourpre, elle aime son haillon,
Et me répète à travers son ivresse,
En secouant son léger carillon :
Vide ton verre et baise ta maîtresse.
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La sainte Bohème.

Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l’âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
Ils ravissent le paysage
De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain, qui bat des ailes,
Se mêle au vol de leurs baisers :

Avec nous l’on chante et l’on aime,
Nous sommes frères des oiseaux.
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux,
Et vive la sainte Bohème !

Fronts hâlés par l’été vermeil,
Salut, bohèmes en délire !
Fils du ciseau, fils de la lyre,
Prunelles pleines de soleil !
L’aîné de notre race antique
C’est toi, vagabond de l’Attique,
Fou qui vécus sans feu ni lieu,
Ivre de vin et de génie,
Le front tout barbouillé de lie
Et parfumé du sang d’un dieu !

Avec nous l’on chante et l’on aime,
Nous sommes frères des oiseaux.
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux,
Et vive la sainte Bohème !

Pour orner les fouillis charmants
De vos tresses aventureuses,
Dites, les pâles amoureuses,
Faut-il des lys de diamants ?
Si nous manquons de pierreries
Pour parer de flammes fleuries
Ces flots couleur d’or et de miel,
Nous irons, voyageurs étranges,
Jusque sous les talons des anges
Décrocher les astres du ciel !

Avec nous l’on chante et l’on aime,
Nous sommes frères des oiseaux.
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux,
Et vive la sainte Bohème !

Buvons au problème inconnu
Et buvons à la beauté blonde,
Et, comme les jardins du monde,
Donnons tout au premier venu !
Un jour nous verrons les esclaves
Sourire à leurs vieilles entraves,
Et, les bras enfin déliés,
L’univers couronné de roses,
Dans la sérénité des choses
Boire aux Dieux réconciliés !

Avec nous l’on chante et l’on aime,
Nous sommes frères des oiseaux.
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux,
Et vive la sainte Bohème !

Nous qui n’avons pas peur de Dieu
Comme l’égoïste en démence,
Au-dessus de la ville immense
Regardons gaîment le ciel bleu !
Nous mourrons ! mais, ô souveraine !
O mère ! ô Nature sereine !
Que glorifiaient tous nos sens,
Tu prendras nos cendres inertes
Pour en faire des forêts vertes
Et des bouquets resplendissants !

Avec nous l’on chante et l’on aime,
Nous sommes frères des oiseaux.
Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux,
Et vive la sainte Bohème !
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A Augustine Brohan.

Thalie, amante des grands cœurs,
Voix éloquente et vengeresse,
J’ai bu les amères liqueurs :
Prends mes chansons, bonne Déesse.

Berce-les au bruit des grelots !
Muse au beau front, nymphe homérique,
De ta lèvre coule à grands flots
Notre inspiration lyrique.

Ton rire, comme un clair soleil,
Épanouit les gaîtés franches,
Pourpre vive, rosier vermeil,
Éblouissement de dents blanches !

Que de fois, chancelant encor
Sous le mal dont je suis la proie,
Tes accents de cristal et d’or
M’ont rendu la force et la joie !

Oh ! que de fois j’ai mendié
L’enthousiasme et l’ironie
Sur le théâtre incendié
Par les éclairs de ton génie !

C’est pourquoi, ne dédaigne pas
Le pur diamant de mes rimes,
Nymphe, dont j’ai baisé les pas
Sur la neige des grandes cimes.

Car sur ton front céleste a lui
L’ardent rayon qui me déchire,
Et nous nous aimons en Celui
Qui nous a légué son martyre.

O spectacle trois fois divin
De voir une telle écolière
Tremper sa bouche dans le vin
Dont s’enivra le grand Molière !

Toi qui le charmes au tombeau,
Thalie, Augustine, âme élue
Pour ce délire encor si beau,
L’Ode est ta sœur, et te salue.
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Méditation poétique et littéraire.

On écrivait encore, en ces temps romantiques
Où les chants de Ducis étaient des émétiques,
Où, sans pourpoint cinabre, on se voyait banni,
Où Prudhomme, ravi de tomber avec grâce,
Était jeté vivant dans une contre-basse
Pour avoir contesté les vers de Hernani.

On écrivait, tandis que maintenant on gèle.
Où sont les Antony, les Ruy-Blas, les Angèle,
Et ces jours, morts, hélas !
Où Frédérick, faisant revivre Aristophane,
Sous le mépris des sots et la robe d’un âne
Cachait Tragaldabas ?

On écrivait, au sein de l’antique Bohème
Où le chat de Mimi brillait sur le poëme,
Où Schaunard éperdu, dédaignant tout poncif,
Si quelqu’un devant lui vantait sa pipe blonde,
Lui répondait : « J’en ai pour aller dans le monde
Une plus belle encore, » et devenait pensif.

Aujourd’hui Weill possède un bouchon de carafe,
Arsène a des maisons, Nadar est photographe,
Véron maître-saigneur,
Fournier construit des bricks de papier, et les mâte,
Henri La Madelène a fait du carton-pâte :
Lequel vaut mieux, Seigneur ?
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Monselet d’automne.

L’automne est doux ; adieu, libraires !
L’oiseau chante dans le sillon.
Monselet dit à ses confrères :
« Êtes-vous or pur ou billon ? »

L’oiseau chante dans le sillon,
Le ciel dans les vapeurs s’allume.
« Êtes-vous or pur ou billon ?
Répondez, soldats de la plume. »

Le ciel dans les vapeurs s’allume :
Ma mie, il faut aller au bois.
« Répondez, soldats de la plume,
Ne parlez pas tous à la fois. »

Ma mie, il faut aller au bois,
Là-bas où la brise soupire.
« Ne parlez pas tous à la fois :
Lequel de vous est un Shakspere ? »

Là-bas où la brise soupire,
Il fait bon pour les cœurs souffrants :
« Lequel de vous est un Shakspere ?
Lequel est Balzac ? Soyez francs. »

Il fait bon pour les cœurs souffrants.
Sur la mousse je veux qu’on m’aime.
« Lequel est Balzac ? Soyez francs.
― « Balzac ? dit chacun, c’est moi-même. »

Sur la mousse je veux qu’on m’aime,
De la seule étoile aperçu.
― « Balzac ? dit chacun, c’est moi-même. »
Monselet rit comme un bossu.

De la seule étoile aperçu,
Qu’un baiser de feu me dévore !
Monselet rit comme un bossu.
Bon biographe, ris encore !

Qu’un baiser de feu me dévore !
Hélas ! le bonheur est si court !
Bon biographe, ris encore,
On n’entendra plus Mirecourt.

Hélas ! le bonheur est si court !
O désirs vains et téméraires !
On n’entendra plus Mirecourt,
L’automne est doux : Adieu, libraires !
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Monsieur Coquardeau.

Roi des Crétins, qu’avec terreur on nomme,
Grand Coquardeau, non, tu ne mourras pas.
Lépidoptère en habit de Prudhomme,
Ta majesté t’affranchit du trépas,
Car tu naquis aux premiers jours du monde,
Avant les cieux et les terres et l’onde.
Quand le métal entrait en fusion,
Titan, instruit par une vision
Que son travail durerait la semaine,
Fondit d’abord, et par provision,
Le front serein de la Bêtise humaine.

On t’a connu dans Corinthe et dans Rome,
Et sous Colbert, comme sous Maurepas.
Mais sur tes yeux de vautour économe
Se courbait l’arc d’un sourcil plein d’appas,
Et le sommet de ta tête profonde
A resplendi sous la crinière blonde.
Que Gavarni tourne en dérision
Tes six cheveux ! Avec décision
Le démêloir en toupet les ramène :
Un Dieu scalpa, comme l’Occasion,
Le front serein de la Bêtise humaine.

Tu te rêvais député de la Somme
Dans les discours que tu développas,
Et, beau parleur grâce à ton majordome,
On te voit fier de tes quatre repas.
Lorsqu’en s’ouvrant ta bouche rubiconde
Verse au hasard les trésors de Golconde,
On cause bas, à ton exclusion,
Ou chacun rêve à son évasion.
Tu n’as jamais connu ce phénomène ;
Mais l’ouvrier doubla d’illusion
Le front serein de la Bêtise humaine.

Comme Pâris tu tiens toujours la pomme.
Dans ton salon, qu’ornent des Mazeppas.
On boit du lait et du sirop de gomme,
Et tu n’y peux, selon toi, faire un pas
Sans qu’à ta flamme une flamme réponde.
Dans tes miroirs tu te vois en Joconde.
Jamais pourtant, cœur plein d’effusion,
Tu n’oublias ta chère infusion
Pour les rigueurs d’Iris ou de Climène.
L’espoir fleurit avec profusion
Le front serein de la Bêtise humaine.

A ton café, tu te dis brave comme
Un Perceval, et toi même écharpas
Le rude Arpin ; ta chiquenaude assomme.
Lorsque tu vas, les jambes en compas,
On croirait voir un héros de la Fronde,
Ou quelque preux, vainqueur de Trébizonde.
Mais, évitant avec précision
L’éclat fatal d’une collision,
Tu vis dodu comme un chapon du Maine,
Pour sauver mieux de toute lésion
Le front serein de la Bêtise humaine.


ENVOI

Prince des sots, un système qu’on fonde
A son aurore a soif de ta faconde.
Toi, tu vivais dans la prévision
Et dans l’espoir de cette invasion :
Le Réalisme est ton meilleur domaine,
Car il charma dès son éclosion
Le front serein de la Bêtise humaine.
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Ballade des travers de ce temps.

Prudhomme, fier de montrer son bon goût,
Quand il écrit des lettres, les cachète
D’un casque d’or où flotte un marabout ;
Camellia prend des airs de Nichette,
Et le docteur arbore une brochette.
Dès l’an passé, Montjoye eut ce travers
D’aller au bal en bottes à revers ;
Sur votre front Courbet met des verrues,
Nymphe aux yeux d’or, Sirène aux cheveux verts :
Voici le temps pour les coquecigrues.

Anges bouffis et vermeils, que partout
L’humble passant peut appeler : « Bichette, »
Dès que Plutus dresse quelque ragoût,
Cent Dalilas apportent leur fourchette.
Amour les guide au bruit de sa pochette.
Par le marteau forgé tout de travers,
C’est un jupon d’acier qui sert d’envers
Aux fiers appas de ces femmes ventrues,
Et ce rempart terrasse les pervers :
Voici le temps pour les coquecigrues.

On n’a plus d’or que pour Edmond About
Au Moniteur ainsi que chez Hachette ;
C’est pour lui seul que la marmite bout
Chez Désiré comme au Café Vachette ;
C’est lui qu’on prise et c’est lui qu’on achète.
Pourtant Venet écrit à l’Univers ;
Machin (du Tarn) dans des recueils divers
Offre au public des lignes incongrues,
Et Champfleury veut supprimer les vers :
Voici le temps pour les coquecigrues.


ENVOI

Mon cher François, vers la Touraine et vers
Vos lys, mes chants volent aux bosquets verts.
Je sais qu’ils ont des rimes un peu crues :
C’est que depuis ces dix ou douze hivers,
Voici le temps pour les coquecigrues.
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