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Xavier Luffin (Traducteur)Abdelaziz Baraka Sakin (Autre)
EAN : 9782843049545
339 pages
Zulma (05/03/2020)
3.5/5   33 notes
Résumé :
Les Jango sont décidément impayables. Ils viennent depuis l'autre côté de la frontière cultiver le sésame, le blé et le sorgho, on les reconnaît à leur élégance tape-à-l'oeil un peu décatie, et à leur sens de la fête, dès que les moissons sont finies : tous leurs gains y passent, à s'enivrer de marissa et de femmes.
Les Jango sont l'aristocratie des travailleurs de la terre à al-Hilla, qui est pour eux le centre du monde.
C'est là que deux vieux amis ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un livre complètement immersif qui te plonge dans un Soudan contemporain à la frontière de l'Érythrée et de l'Ethiopie. Les Jango, pluriel de Jangawi, c'est une population de saisonniers qui viennent cultiver le blé, le sorgho ou le sésame, des travailleurs de la terre nomades :

«  Ils sautillent comme de vieux corbeaux dansant autour d'une proie. Ils portent des chemises neuves dont le col souillé par la transpiration, le soleil, le vent du Sud et la terre noire argileuse, témoigne d'une âpre lutte avec les lieux, les éléments, et la recherche de leur gagne-pain. Ils adorent les jeans avec la marque bien en évidence sur les poches : Cons, Want, Tube, Leeman, Winston, etc. Ils ne savent pas ce que cela veut dire mais ils les aiment plus que tout, et ils paient cher pour en avoir. Avec leur ceinture en simili-cuir, on les prendrait predque opour des créatures étrnagères, n'était cet airt de famille que leur silhouette partage avec les objets alentour, en particulier les bottes de sésame bien fagotées. »

La langue ( en arabe dans le texte original ) de Abdelaziz Baraka Sakin est belle et chatoyante, au diapason du bouillonnement de vie de cette comédie humaine à la soudanaise qui rebondit de personnage en personnage, de scène en scène, avec comme seul fil conducteur que celui de raconter ces Jango dont le coeur est la Maison de la Mère, mi-logeuse mi-maquerelle, où les Jango se retrouvent après le travail. C'est souvent savoureux et toujours tendre. Je retiens tout particulièrement le très beau personnage de Wad Amouna dont on découvre l'enfance en prison aux côtés d'une mère incarcérée, puis sa vie adulte d'homme raffiné et différent qui apprend à danser aux futures mariées.

Tendre mais sans concession. L'auteur sait moquer les travers truculents des Jango. Il sait aussi dire avec beaucoup de lucidité leur rapport à la religion, au sexe ou à la vie politique dans un pays autoritaire ( écrit en 2009 sous le régime d'Omar El-Béchir, tombée en 2019 suite à un soulèvement populaire ). Aucun tabou dans ce livre, ce qui lui a valu d'être censuré dans son pays pour « obscénité ». Comme un hommage universel à la liberté.

La littérature est faite pour élargir les horizons. Si j'ai apprécié la découverte de cet auteur et ce roman tourbillonnant, je suis tout de même restée spectatrice un peu lointaine de l'ensemble. Les scènes se visualisaient parfaitement dans ma tête mais je n'ai pas vibré pour les personnages qui les habitaient.
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Les Jango, ce sont ces saisonniers nomades, qui se déplacent en fonction des saisons agricoles : coupeurs de canne à sucre, planteurs de sésame… mais surtout hâbleurs, grands palabreurs et grands buveurs.
Buveurs, dans ce pays musulman ultra-strict ? Eh oui : produire des boissons fermentées semble être la principale source de revenus des femmes ; dont beaucoup, ici, vendent leur corps de surcroît.
Nous sommes à al-Hilla, au Sud du Soudan. Et le coeur battant de ce bourg, c'est la Maison de la Mère, autant dire : le bordel local.
C'est là que se logent les voyageurs, là que se négocient des mariages, là qu'on échange et qu'on cancane à n'en plus finir.
On y fait des rencontres touchantes : le narrateur, sorte de grand naïf amoureux ; le tendre Wad Amouna, grandi en prison où était détenue sa mère ; la courageuse Safia, qui attise les ragots et la convoitise par ses attributs mystérieux…
Et puis il y a des djinns, des superstitions, des légendes…
Et pour finir, il y a l'argent, celui qui manque aux Jango, celui que la banque déverse sur les plus riches propriétaires (La banque vous refuse un prêt ? Je vous suggère la mesure punitive mise au point par les Jango.)
Il y a beaucoup, beaucoup de choses dans ce roman. Peut-être un peu trop.
La fin rassemble tous les fils de la narration, encore faut-il arriver jusque là. Car cette profusion de noms, de souvenirs racontés comme autant de nouvelles dans le récit, m'a un peu perdue je dois l'avouer.
L'écriture est belle - et traduite avec fluidité par Xavier Luffin. Toutefois, j'ai dû aller chercher ailleurs des images et des infos pour m'évoquer la région, tant cette narration allusive, en se concentrant sur les dits des personnages, nous apprend peu sur les lieux et les paysages.
Je suis sans doute passée à côté de ce livre.
Challenge Globe-trotter (Soudan)
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Les Jango, ce sont celles et ceux qui passent les frontières pour travailler la terre contre salaire, puis pour le dépenser dans des festivités bacchiques quand la terre est ensuite au repos. Au gré des saisons, des mouvements, des vies de chacun, ce sont les Jango, mais pas seulement, que le narrateur vient nous conter à travers un roman polyphonique et polymorphe, d'une grande virtuosité narrative.

Le narrateur, c'est un homme qui décide un jour, avec un ami de longue date, de s'arrêter, au fil de leurs pérégrinations, à Al-Hilla, où ils découvriront un autre monde, celui des Jango justement, mais aussi celui de tous les autres habitants de la ville, ainsi que leurs histoires, parfois réelles, parfois inventées ou transformées, puisque dans ce lieu les colportages et rumeurs règnent en maître ; parfois réalistes, parfois pleinement merveilleuses ou fantastiques ; parfois sérieuses et graves, parfois emplies de dérision et de transgressions de tout ordre (sexe, religion, politique…) ; parfois d'une lenteur pesante, ou au contraire voluptueuse, parfois d'un rythme effréné, difficile à suivre ; histoires dans l'histoire qui ont, dans tous les cas, valu à son auteur, Abdelaziz Baraka Sakin, l'interdiction de son roman au Soudan, et son exil en Autriche. Histoires à la manière de contes parfaitement imbriqués dans l'intrigue principale qui prend, finalement, au fil de ses évolutions, des allures de récit d'apprentissage inattendu pour notre narrateur, jusqu'à la fin de ses bienheureuses aventures qui prendront le contrepied du reste.

En somme, un régal !
Lien : http://lartetletreblog.com/2..
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Intriguée par la couverture bariolée et la beauté de cet auteur soudanais sur le bandeau accompagnant le livre (il m'en faut peu), je n'ai pu résister à l'achat des Jango.

Je l'ai rapidement dévoré, et en suis ressortie comme d'un rêve, incertaine d'y avoir compris quoi que ce soit, mais dont le souvenir me fait sourire.

La narration est étonnante, faite de récits enchâssés, d'histoires rapportées, de rumeurs, de vérités mensongères puis déconstruites sur la ville soudanaise d'Al-Hilla, théâtre d'une vie de saltimbanques où se côtoient travailleurs saisonniers et femmes de tout horizon : Les Jangos entremêle les amitiés, les femmes, la joie de vivre, l'alcool, les fêtes, le café, les histoires, la rébellion contre la banque qui n'accorde de prêts qu'aux riches exploitants, détruisant peu à peu le gagne-pain des Jangos, qui décident de prendre les armes. L'Éthiopie et ses divines femmes n'est jamais loin, et sert parfois de refuge aux "insurgés".

J'ai été très surprise de la manière dont est abordée la sexualité dans cet ouvrage d'un auteur d'un pays musulman : on découvre celle quasi-absente d'un homme d'une quarantaine d'année sans expérience ; la communauté décrite et les liens tissés semblent tous subordonnés de prêt ou de loin aux femmes, qui régentent la vie des hommes.

Abdelaziz Baraka Sakin nous fait finalement découvrir un Soudan tolérant, loin des préjugés, où s'entremêlent les coutumes et les cultures à tel point que personne ne semble dépareillé dans cet univers empli de tendresse, de sensualité, d'insouciance et d'une formidable nonchalance empreinte de liberté. Un vrai coup de coeur pour cette lecture et cet auteur, dont il faut s'imprégner et non tenter de comprendre.
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Mille mercis aux éditions Zulma pour cet excellent moment de lecture!

Evasion garantie dans un Soudan totalement inattendu .

La variété de langues, d'identités, de coutume surprend : sont-ils Arabes,  Ethiopiens, Soudanais, Erythréens, ces Jangos, journaliers nomades qui récoltent le sésame, le sorgho ou le blé qui se déplacent pour chercher du travail à la saison? Sont-ils musulmans, chrétiens ou animistes? Foules de croyances magiques, au Coran et aux textes sacrés se mêlent des grimoires magiques. Même les sexes ne sont pas définis : Safia est-elle une femme, un homme ou hermaphrodite? Wad Amouna, à son propre sujet se pose la même question. Alam Gishi est-elle un Djinn? 

Au fil des anecdotes pittoresques, des aventures du narrateur ou de ses amis, se découvrent toutes les facettes des personnages. Conférences et séminaires bien arrosés sont le lieu de tous les racontars et de tous les commérages. le lecteur se régale.

Si vous aviez des préjugés sur le Soudan islamiste rigoureux, vous allez être surpris de la place des boissons alcoolisées, artisanales, sources de revenu des femmes, ou importées, ruine des Jango à la morte-saison. Chassez aussi les a-priori sur le rôle des femmes. Elles ont une forte personnalité et jouissent d'une liberté étonnante : prostituées ou mères, mariées ou divorcées, et même révolutionnaires!

Bien sûr, ces récits n'ont pas plu au pouvoir et le livre a été censuré!






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critiques presse (2)
Telerama
07 juin 2021
C’est avec sincérité et générosité qu’il parle de littérature comme une invitation au voyage… mêlant violence et humour.
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
12 novembre 2020
Dans « Les Jango », l'écrivain offre une immersion savoureuse, audacieuse et libre au cœur de la vie des saisonniers du Soudan.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Je voulais juste avoir un dialogue objectif à propos des religions, c'était une noble intention, simplement la mère Maryam m'a mal compris, elle a cru que j'étais un mécréant. Elle voulait parler avec moi en tant que musulman arabe, tandis que moi je voulais parler avec elle en tant qu'être humain qui aurait adopté l'ensemble du patrimoine spirituel de l'humanité, y compris le christianisme, Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche, le Livre des notices de Wad Dayfallah et toutes sortes d'autres textes, importants et moins importants.
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Tous les peuples que j'ai cités ne sont que des noms, tellement ils se sont mélangés les uns aux autres, c'est juste que chacun s'attache à la tribu de son père, ce qui est absurde puisque tout vient de la mère : la sang, l'âme - le père, il apporte quoi à part la semence ?
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Parler des femmes, c'est comme manger de la mouleita : c'est aigre, piquant mais délicieux, d'une saveur sans cesse renouvelée, peut-être parce que ça remue chez les hommes la nostalgie d'une mère perdue dans un lointain pays, le souvenir d'une sœur qu'on n'a pas complètement oubliée, cachée dans un recoin de la mémoire, à la fois proche et lointaine, ou alors une fille qu'on n'a pas pu voir naître, d'une épouse ou une amante, d'une amie dont on ne se souvient plus exactement des traits, et que tous ont laissée chez eux, loin d'ici.
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Adalia n'avait encore jamais raconté cette histoire à personne, sauf au marabout Ali al-Zaghrad, qui eut tôt fait de la raconter à tout le monde, dans le plus grand secret.
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Au moment du repos du guerrier, nous sirotions notre café au gingembre, tandis qu'elle me parlait de tout et de rien avec son léger accent, aussi tonifiant que le parfum du café éthiopien, le matin qui se lève sur la berge du fleuve ou le soupir d'une Abyssine amoureuse.
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