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Critique de michfred


̈Régler ses comptes et trouver la juste distance pour que le parler vrai reste ouvert,et que puisse s'y inscrire, progressivement , le visage de l'absente et sa part de liberté.

Jusqu'à ce que le "tu" blessé et meurtri devienne un "tu" empathique et fraternel. Et que se renoue au-delà de la mort, le lien fort et fragile de la filiation.

C'est le pari -réussi- d'Anaïs Barbeau-Lavalette qui, dans un roman très documenté, - elle a même mis une détective privée sur ses traces- écrit une longue lettre à la grand'mère qui les a abandonnees, elle et surtout sa mère, retrouvant ou imaginant les étapes de sa vie dans le Quebec rétrograde de Duplessis, secoué par les ruades de " Refus Global" , mouvement automatiste et artistique contestataire où s'illustrèrent Claude Gauvreau le dramaturge, Muriel Guibault la comédienne, Jean- Paul Riopelle et Marcel Barbeau les peintres, et Paul-Emile Borduas, leur maître à tous.

Tout cela sans recourir au pathos de l'autobiographie- tu nous as abandonnées, ma mère et moi, vois nos blessures- , ni aux ficelles usées de la biographie d'une "scandaleuse" - elle abandonne ses enfants et mène une vie dépravée au sein de la bohème artistique quebecquoise puis new yorkaise.

La "femme qui fuit" s'appelle Suzanne Meloche. Elle a été la femme de Marcel Barbeau, en a eu deux enfants, qu'elle abandonne, elle-même abandonnée à Montréal par son compagnon. Elle part tenter sa chance et tente de trouver sa place jusque dans les bus de l'integration affrontant le Ku-Klux-Klan. Elle va peindre, écrire, aimer, des hommes, une femme. Mais jamais trouver le repos ni la reconnaissance.

Plus qu'une fuite, j'ai vu dans ce livre puissant, charnel et intense, une quête inlassable de soi. Souvent âpre, jamais contentée, toujours déchirée. Celle d'une femme en avance sur son temps, lancée dans l'aventure de la liberté comme la petite chèvre de Monsieur Séguin dans la montagne!

La langue de l'auteure a la verdeur, la fraîcheur et l'originalité de bien des romanciers québécois :elle est la digne petite-fille de Suzanne, la poétesse des "Aurores Fulminantes"! Sincère sans être mièvre, poétique sans être empruntée, lumineuse sans être éthérée.

Suzanne et Anaïs ont entre elles plus qu'une filiation: un langage, une entente, et la plus jeune offre à l'autre la place qu'elle a vainement cherchée.

Elle lui permet d'être "libre ensemble", selon sa belle formule.
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