C'est toujours un plaisir enfantin de déballer le paquet qui contient le livre espéré. Celui-ci s'est fait un peu attendre, mais il arrive à temps, juste avant mon départ.
A peine sorti de son écorce de papier, je découvre sa belle couleur bleue qui évoque le lagon, la vague, et puis la courbe du bateau et l'entrelacement de chanvre torsadé qui fait l'objet du livre.
Les bateaux sont toujours une source d'inspiration pour les photographes, pour leur formes, leur caractère, la lumière qui les accompagne. Ici, on s'intéresse à un élément humbe et discret, presque banal, mais tellement indispensable aux marins. Sans lui, le voilier erre sans direction, les voiles pendent misérablement, rien ne va plus.
Je vous parle de cet élément que vous avez peut être tenu en main sur votre petit voilier, sans y penser, le bout.
Il a enfin trouvé quelqu'un qui a su le regarder et nous le faire voir, dans tous ses états. Une série de photos, de portraits, qui sentent le sel et le varech, qui nous prouve que le bout mérite notre respect, pour son utilité, certes, mais aussi pour son élégance et sa noblesse.
Un seul regret: j'aurais aimé trouver en fin d'ouvrage un petit lexique pour connaitre tous les noms de ces beaux cordages qui ont accompagné l'histoire de la Marine à Voiles.
Merci aux Editions La Trace de nous faire partager cette émotion marine.
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UNION
Libre
D’amour et de chanvre,
dans un enlacement créateur,
deux corps sinueux se tordent telle une vigne,
les lignes courbes se serrent et s’étreignent,
entraves accouplées pour mieux se défaire.
Simples amarres, au bas de la chaîne,
toujours à poste et au labeur,
déjà, vous aspirez à quelque noblesse,
sera-ce une aussière, une écoute,
ou encore une drisse,
qui sait...
Dans la brume mensongère,
les haubans chantent le long des mâts,
emplis d’un orgueil de circonstance,
ils toisent ceux de la rive, ceux du quai,
ceux qui restent...
Mais vous savez depuis toujours
que naîtra l’or de l’épissure,
promis à l’aventure d’une destinée
que le large appelle,
porté par quelque navire
aux vergues immortelles.
[en regard du texte, une photo illustre une pierre bleue, petit granit patiné par le temps, sur laquelle est fixé un anneau d’acier rouillé. A cet anneau sont attachés des entrelacs de cordages tissés en chanvre et effilochés, tantôt couleur blanc terne, tantôt couleur bleu marine]
L’AMOUReux
Délicatement lové autour de ta promise,
tout ton être tend vers l’amour espéré,
ta rose des vents bien au chaud,
au creux de tes bras tendres et forts à la fois.
Par ton chanvre, enivrées,
les aiguilles de ta belle vacillent,
elle en perd le nord comme le sud,
tandis qu’infatigable amoureux,
tu l’étreins de tes fibres noueuses.
Docile et fidèle, elle se laisse enlacer,
alors même qu’un jour viendra, elle le sait,
où la main de l’homme vous séparera,
chacun d’entre vous s’en retournant à sa charge,
elle, guidant inlassablement le marin sur les flots,
toi, en quête d’un autre béguin,
fièrement accroché à ton mât, roide et raide...
[en regard du texte, une photo illustre une proue de chaloupe au bois vert, une lanterne trônant au bout de l’embarcation et une boussole autour de laquelle est enroulé le cordage tressé en de nombreux ronds concentriques]
Sur un navire digne de ce nom, il n'y a qu'une seule "corde", celle de la cloche, certes de quart, mais cloche tout de même...
Jugez vous-mêmes par cet aphorisme qui se transmet depuis des lustres entre ponts et pontons : "Sur un bateau, il n'y a qu'une seule corde, celle de la cloche, et qu'une seule ficelle, celle du saucisson"...
Il est agréable de songer aux drisses, aux bras, aux écoutes, aux hale-à-bord ou aux hale-bas ; de nommer les estropes, les bastaques, les balancines ; de vanter les qualités pratiques d'un cartahu ou d'une bosse, lorsque nez au vent, on déambule sur un quai. Cet inventaire à la Prévert résonne comme ces comptines enfantines que l'on n'oublie jamais et qui nous assurent que tout est possible.
Dans la brume mensongère,
les haubans chantent le long des mâts,
emplis d'un orgueil de circonstance,
ils toisent ceux de la rive, ceux du quai,
ceux qui restent...
Mais vous savez depuis toujours
que naîtra l'or de l'épissure,
promis à l'aventure d'une destinée
que le large appelle,
porté par quelque navire
aux vergues immortelles.