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Critique de michfred


Il n'y a pas de bonnes histoires : il n'y a que de bons conteurs ! L'histoire du chevalier Des Touches ne serait qu'un épisode sanglant et mouvementé de la Chouannerie cotentinoise sans son conteur exceptionnel.

Ou plutôt sa conteuse, si l'on peut affecter ce féminin à quelqu'un qui , de son propre aveu, n' a jamais été femme « que sur les fonts de (son) baptême, et qui, hors de là, ne (fut) toute (sa) vie qu'un assez brave laideron, dont la laideur n'avait pas plus de sexe que la beauté du chevalier Des Touches n'en avait! » .

Barbe-Petronille de Percy, dite « le major » entreprend de conter l'histoire épique et violente du chevalier Des Touches, que l'on croyait mort, et dont on vient de croiser l'inquiétante silhouette dans le village, une nuit de veillée où elle reçoit dans son salon aristocratique retrouvé tout décati après l'Emigration, ses vieux amis – son frère l'abbé de Percy, le baron de Fierdrap, féru de chasse, deux antiques jumelles pâlottes et discrètes , les demoiselles Touffedelys- tout un programme !- et la très sourde et encore belle Aimée de Spens, héroïne, bien malgré elle, de cette histoire pleine de sang et de fureur.

Comme Aimée n'entend rien et fait benoîtement sa tapisserie au petit point, la conteuse et son public s'adonnent sans retenue aux charmes du récit et de ses interruptions –digressions, toujours hautes en couleurs !

Tout le plaisir de la lecture est dans cette atmosphère de veillée, son parler d'autrefois, volontiers gaillard, plein de couleur locale- celle du Cotentin de Barbey !

Un enfant traîne aussi dans les parages : c'est Barbey, justement, qui, des années après ce récit inoubliable mais incomplet- clos sur son mystère- lui apportera la dernière touche..(la dernière touche de Des Touches, il fallait y penser) , et elle est rouge comme le sang, cette touche, rouge comme le moulin sanglant, rouge comme les fleurs de l'asile d'aliénés et rouge comme la pudeur quand on la risque héroïquement !

Mais je n'en dirai pas plus : enfoncez-vous dans la bergère, là, près du feu qui chauffe, et écoutez Barbe-Pétronille aux prénoms pleins de mâles frémissements, mais femme pourtant, ex Chouanne de choc, ex major sur le front royaliste , vous raconter avec sa verve flamboyante et sans mâcher ses mots, l'histoire d'un chouan trop beau, trop féminin, surnommé la Guêpe, guerrier sans peur et sans pitié, grand chevaucheur de vagues, ravitaillant en armes venues d'Angleterre le maquis royaliste de la Chouannerie cotentinoise, qui fut pris par les Bleus, délivré par les siens au prix d'un grand massacre et sauvé in extremis par une femme…

Une histoire aux couleurs de cette République honnie par Barbey d'Aurevilly : blanc comme la fleur de lys , comme la virginité, blanc comme les habits de blatiers- vareuses blanches et larges chapeaux blancs dits « couvertures à cuve » , tout saupoudrés de poussière de farine- dont se travestissent les Douze, corps d'élite des Chouans dans leur opération contre la prison de Des Touches ; bleu comme l'habit de ces soldats républicains détestés, bleu comme leur moulin; rouge comme ce même moulin après l'expiation de son crime, rouge comme les joues de la belle Aimée - quand elle entendait encore, et qu'on prononçait devant elle le nom du Chevalier Des Touches…



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