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sur 1104 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
N'avez-vous jamais ressenti la tentation intempestive, lors d'un déjeuner en famille, un de ces dimanches de printemps, attablé entre votre vieille tante dévote et face à votre cousine compassée, de tenir un propos malaisant et d'une obscénité telle qu'il ferait suffoquer votre vieille tante et défaillir votre pauvre cousine ?

Eh bien ! Sous couvert de prêcher le mal pour en dégoûter les bons dévots, Barbey d'Aurevilly nous lègue six nouvelles énigmatiques et licencieuses à souhait, pour le seul « plaisir aristocratique de déplaire » comme l'eût dit Baudelaire.

Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas d'un roman cru ou érotique à la Pierre Louÿs, Apollinaire ou D.H. Lawrence. Mais si l'on se glisse un instant sous la soutane d'un sympathisant jésuite de la fin du XIXème siècle on peut imaginer la subtile indécence de ces nouvelles.

D'ailleurs, cet ouvrage, archétype du dandysme littéraire, ne manque ni d'espièglerie, ni d'effronterie, tant et si bien que le Parquet de Paris songea à intenter une action pour atteinte à la morale publique.

C'est que derrière le plaisir coupable de mettre en scène ces femmes à la morale jugée dissolue, le lecteur découvre un écrivain minutieux à la plume sophistiquée. Outre l'éminente qualité littéraire, le lecteur est saisi par la sensualité qui, puisant sa source dans l'encrier, afflue le long de la plume et se distille sur les feuillets pour enfin innerver toute la langue « aurevillienne ».

En fait d'architecture, ces nouvelles sont d'anatomie comparable (à l'exception de « la vengeance d'une femme ») : le narrateur rencontre un personnage masculin, Don Juan (lui-même), un athée repenti ou un militaire en fin de carrière, qui lui confesse un évènement dont il fut acteur ou témoin et impliquant une femme. La « diabolique » est dépeinte de l'extérieur et à aucun moment le lecteur n'accède à ses pensées, ses ressorts, ses mobiles. C'est un personnage distancié dont la silhouette, cachée derrière un rideau cramoisi, reste ambiguë.

Le charme réside également, genre littéraire oblige, en une chute plus sibylline que le récit lui-même.

Ce n'est pas à dire que le récit ne présente pas d'intérêt car, si certains critiques ici jugent le style trop verbeux et l'action peu haletante, cette indéniable et volubile nonchalance est finalement repêchée par la malice du verbe et l'esthétisme de la forme.

Il nous faut à présent dire un mot de la dernière nouvelle, coup de coeur personnel, « la vengeance d'une femme », dont la structure est quelque peu différente. Première différence notable, les prolégomènes dandys des premières pages passent à la trappe au profit salutaire d'une narration à la mécanique plus accrocheuse. Seconde singularité, le lecteur accède enfin au discours direct d'une « diabolique » car il ne s'agit plus de propos rapportés mais d'un personnage principal féminin qui s'exprime pour son compte.

Il ne tient qu'à vous désormais d'entreprendre le périple jusqu'à la Normandie natale de Barbey, sur les traces de ces Diaboliques dont certains villageois, autour d'une partie de whist, susurrent encore les méfaits.
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Je lis pour découvrir des ambiances, des cercles que je ne connaîtrai jamais. La littérature est un véhicule tout terrain / tout airain qui parcourt les prairies vallonnées des histoires infinies. Elle nous permet d'observer à distance, à l'abri derrière les fils de phrases barbelés, une faune plus ou moins sauvage, antique ou contemporaine, réelle ou fictive.

Les diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly est un recueil de 6 nouvelles dont la forme oratoire restituent des conversations. Il y est fait état d'êtres singuliers, hommes, femmes ou couples qui ont croisé la vie d'un narrateur et que ce dernier essaie de décrire à son auditoire dans toutes leurs singularités.

Que cela soit à un compagnon de voyage dans un carrosse cahotant ou devant une assistance d'hommes faits, anciens militaires, prêtres defroqués et notables de chef-lieux, autour d'une longue tablée ; les méandres sont celles de ces discussions que l'on suit au fil de leurs rebondissements et méplats.

Le premier titre pressenti pour ces nouvelles qu'il commença à faire paraître dans le journal "La Mode" en 1850 était d'ailleurs Ricochets de conversations.


Le style est enlevé, plein de cette salive qui graisse une langue bien pendue.
Cette dernière sent bien son XIXème siècle et laisse transparaître les effluves de la décomposition. L'odeur âcre mais entêtante d'un monde qui meurt mais veut rester debout. Une aristocratie provinciale balayée par la Révolution et qui n'arrive plus à regarder L Histoire qui se repaît de sa lente agonie. Quelque chose de foutu et de désespéré qui m'a flatté l'oeil.

D'aurevilly voit ce microcosme d'un oeil attendri. Il loue ces nobles qui font honneur à leur rang en endurant le destin qui les frappe de manière stoïque et grandiose. Car ici peu ou pas de roturiers. Partout des titres de noblesses qui traînent derrière eux - comme des cadavres gonflés de cavaliers empêtrés dans leurs étriers - les restes de ces noms de familles dont la renommée s'est perdue dans la poussière des temps.

D'Aurevilly sort de ce creuset dont il s'est extrait dans sa jeunesse parisienne, banni volontaire parti pour la bamboche (à gauche la débauche) et ses frasques. Il y reviendra quelques années plus tard, ruiné et repenti dans un mouvement rétrograde typique de beaucoup de biographies. Chrétien fervent qui voit à nouveau la Vierge, lui qui n'en croisait plus guère. (à droite la vie droite...mmh mmh)

Les récits sont inégaux, allant de "bien" à "captivant". En conteur rusé, Barbey nous assomme dès le seuil avec le rideau cramoisi au rebondissement inattendu et dont je me souviendrai longtemps. Son symbolisme iconique moiré d'érotisme morbide est un fer rougi sur le front du lecteur indolent.

Il nous finit par une botte de sa composition, fidèle à son titre honorifique de Connétable des lettres : la vengeance d'une femme. Ne vous laissez pas avoir par son titre à l'air de téléfilm de M6 du dimanche 15h. Son côté scandaleux fonctionne encore sur le lecteur du XXIème siècle que je suis et qui en a pourtant vu et lu des vertes et des pas bien mûres.

Seul le dernier amour de Don Juan fut une dépressurisation. Un ennui modéré qui m'a d'autant plus fait apprécié la suite et le précédent. Là encore, une tactique ? Un instinct d'auteur qui place là, à dessein, son enfant qu'il sait le plus moche pour nous faire nous extasier sur le reste de sa progéniture ?

Allons bon !!!

"Les dessous de cartes d'une partie de Whist" mais surtout le superbe "Le bonheur dans le crime" et "À un dîner d'athées" sont bien là pour raviver le feu du récit.


Il y a des fulgurances. Des traits brillants qui fendent l'air jusqu'aujourd'hui. On sent le Barbey salonnard - pour ne pas dire salopard - qui devait jouter dans ces lieux et créer la sensation de son verbe haut et grandiloquent. Il y a dû avoir des blessé(e)s. Des egos décapités gisant sur les tapis persans de ces cercles ouatés de mondanités mesquines et concentriques.

On sent la lame acérée. Celle d'un critique abhorré de ses ennemis littéraires qu'il éreintait dans les journaux et qui fut sa principale activité à son grand dam. Zola, Hugo, ont pris le tarif. Ils ne se sont pas fait prier, ces mécréants, pour lui rendre la monnaie des pièces qu'il leur taillait.

Allez pour la plaisir et parce que j'adore ces duels (eh non Booba, tu n'as rien inventé), un petit panier garni qui vous donnera, je l'espère, envie de découvrir le tireur d'élite caché derrière ces balles pas perdues du tout :

Sur L'Assommoir de Zola, en effet il a sorti le maillet : "M. Émile Zola, l'auteur de L'Assommoir, cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias et qui y ajoute !… M. Émile Zola croit qu'on peut être un grand artiste en fange comme on est un grand artiste en marbre. Sa spécialité, à lui, c'est la fange. Il croit qu'il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte…" (ce n'est qu'un extrait, un échantillon) Je vous laisse trouver la réponse de Zola, tout en précision et en conclusion rationnelle. Ce n'est pas moins violent mais à fleuret moucheté.

Sur l'homme qui rit d'Hugo : "Victor Hugo s'est mis à pointiller les choses les plus vastes : la mer, les espaces, le Léviathan, les montagnes, comme le pendu de son livre, dont il fait voir, par un enragement de description mêlé à une étourderie supérieure, jusqu'aux poils de barbe, du haut de sa potence et dans la plus épouvantable nuit. Entassement puéril des plus petites chiures de mouches"

Mais revenons à nos sublimes et dangereux animaux de papier.


Ces diaboliques sont souvent des femmes. On ne niera pas une misogynie assumée de l'auteur. Pourtant, ce sont ces personnages féminins qui marquent mon esprit. Leur démesure, leur mystère, leur passion. Ce sont elles qui flottent encore entre mes yeux. Barbey leur a donné une savane où leurs pelages peuvent luire sous la lune pleine de leurs tragédies. J'avoue que les personnages masculins sont moins intéressants, quand ils ne sont pas carrément vides comme un frigo au retour des vacances. Comme quoi, on peut être une cruche avec une paire de...euh une belle paire d'anses.


Et merci Barbey pour ce choix de noms effervescents qui ont ajouté à mon plaisir. Que je les aime ces noms que les auteurs trouvent à propos et qui en disent tant dans leurs sonorités sur l'homme ou la femme qui les portent en sautoir !!

Jugez donc : le vicomte de Brassard, le comte Jules-Amédée-Hector de Ravila de Ravilès (encore un Jules-Amèdée, décidément...le prénom à la mode du 19ème. Barbey se faufile dans ses habits à n'en pas douter), le docteur Torty, Delphine de Cantor, le comte Serlon de Savigny, Sophie de Revistal, Marmor de Karkoël (rhaaa ce nom...), Hermine Tremblay de Stasseville, le chevalier de Mesnilgrand, Travers de Mautravers, l'abbé Reniant (le bien nommé), commandant Sélune dit "le Balafré", le major Idow, La Rosalba, dite "La Pudica", Robert de Tressignies, Don Esteban marquis de Vasconcelos, Don Christoval d'Arcos, duc de Sierra Leone y otros ducados et Sanzia Florinda Concepcion de Turre Cremata, duchesse d'Arcos de Sierra Leone. Pour finir, ma préférée la vénéneuse et envoûtante Haute-Claire Stassin.

J'ai vraiment goûté cette impression impudique d'observer à la jumelle de superbes fauves. de loin et dans le calme clair de ma lecture.

Ces nouvelles sont matinées de quelques notes de fantastique (le rideau cramoisi) voire d'un romantisme gothique où le glauque et la mort ne sont pas absents. J'ai souvent pensé à un Edgar Poe dans les ambiances et dans l'effraction brutale de l'horreur dans le calme plat du réel.

Il a frôlé le procès pour outrages aux bonnes moeurs le filou. Incompréhensible, ce chrétien affirmé qui plonge son lecteur dans la fange, la mort, l'adultère, la prostitution, le vice le plus complet ?

La réponse d'Aurevilly est dans cet envers de médaille. L'Enfer, le sublime dans le mal c'est le Paradis en creux. Pour être épouvanté, il faut bien avoir une idée de Dieu ? Il n'y a blasphème que si il il y a croyance. Les Diaboliques sont donc un avertissement aux bons catholiques.

Bien joué l'artiste.

Je vais donc continuer à lire ce Barbey qu'Hugo appelait excellemment "Bardé d'or vieilli". A tort selon moi même si la formule est géniale. Je languis de lire ses critiques qui doivent être un champ de tir à la mesure de son extravagance.

Le personnage est détonnant. "Contrasté" dit-on dans les milieux universitaires pour ne pas dire "carrément chiant" pour ses ennemis littéraires. le contraire d'un homme à système qui n'a suivi que son goût et ses détestations. Paradoxal et donc de ce fait intéressant.

Barbé doré, vil lit.
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Je n'ai d'abord connu de Barbey d'Aurevilly qu'un nom qui fleure bon son XIXème ( siècle hein, pas arrondissement, pour les parisiens qui me lisent). J'aurais eu du mal à le situer, poète, romancier, même peintre qui sait...

Et puis, ses Diaboliques se sont imposées à moi à deux reprises : pendant la lecture de l'Homme aux gants de toile de Jean de Varende, où l'auteur invente même une septième Diabolique et l'insère dans le roman; quelques jours plus tard, dans une émission de radio, où l'oeuvre est évoquée et encensée comme une lecture majeure. En littérature comme en amour, les signes sont essentiels, et je les ai donc suivi.

Ce qui frappe tout d'abord, c'est le style, recherché, intelligent, raffiné. J'ai lu notamment qu'il compte de nombreux héritiers dans la littérature française... dont Proust, qui n'est pas le moindre. Ce style s'enrobe d'un ton ironique, volontiers provocateur. L'auteur a beau chercher à se justifier dans son avant-propos en donnant un soi-disant objectif moral à ses histoires, le lecteur n'est pas dupe. On sent dans ses mots un plaisir immense à choquer, à trouver la tournure qui saura aller piquer au vif son époque. J'ai parfois eu l'impression de me retrouver devant un chroniqueur télévisé caustique dont le but est avant tout de faire le buzz. Et quand on regarde la biographie de l'animal, on découvre qu'il a surtout été connu comme critique littéraire avec notamment des mots très durs contre Flaubert ou Zola. On apprend aussi qu'il a théorisé le dandysme avant Baudelaire, et qu'est-ce qu'un dandy sinon un mondain volontiers dédaigneux de ses contemporains.

Il faut également parler de l'image de la femme qu'il renvoie. Dans son avant-propos, il reconnait que le titre de son livre pourrait très bien convenir aux femmes qu'il décrit. Même s'il promet d'écrire en contrepoint un recueil pour glorifier les femmes sages et de l'appeler les Célestes, il ironise immédiatement sur le fait qu'il aura peut-être du mal à en trouver... Il se fait sans doute le reflet du machisme de son époque, mais cherche surtout à faire rire son lectorat masculin, par des blagues de connivence virile.

Les aventures sexuelles sont le coeur de ses récits, même s'il prend beaucoup de précautions littéraires (il répugne ainsi à utiliser le mot putain dans La vengeance d'une femme, préférant utiliser la périphrase "Elle se rima elle-même en tain, comme un crocheteur qui l'aurait insultée"). Mais c'est sans doute dans ses moqueries de l'aristocratie et de la religion qu'il aura le plus choqué son époque. La nouvelle A un dîner d'athées lui permet ainsi toutes les plaisanteries anti cléricales possibles, tout en se plaçant lui-même d'un point de vue extérieur et critique qui sauve les apparences. Il utilise d'ailleurs à chaque fois le biais de l'anecdote racontée par un tiers, ce qui lui permet de mettre à distance le propos, grâce au "On m'a dit que" et en même temps, de renforcer la vraisemblance de chaque récit, car il précise régulièrement qu'il a changé les noms mais que tout est vrai.

On pourrait penser que ce sarcasme en continu tout au long des six nouvelles serait à force lassant... mais l'expérience est finalement assez réjouissante, le ton moderne alors que Zola lui reprochait d'avoir deux ou trois siècles de retard. L'éclairage donné sur son siècle est original et c'est ce que relève Proust qui va surtout y chercher le monde unique révélé par l'artiste. Les signes étaient donc postés là pour me faire découvrir une vraie voix de son temps, que je projette de découvrir via un roman pour voir si son ironie trouve sa place dans une forme plus longue.

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Six nouvelles diaboliques et donc pas très catholiques. Ce qui a valu à son auteur un procès pour immoralité en 1874. Pourtant fervent catholique, Barbey, c'est vrai, se lâche souvent dans ces nouvelles afin, dit-il, de "terroriser le vice". Il semble alors se complaire dans la description de personnages aux moeurs pas très délicates.
Je trouve qu'il y parvient très bien avec un suspense hitchcockien.

Le rideau cramoisi
Un jeune soldat est hébergé dans une chambre chez un vieux couple. Leur fille arrive un soir et sa vie bascule.

Le plus bel amour de Don Juan
A 50 ans, Don Juan retrouve 12 anciennes maîtresses lors d'une soirée et leur raconte son plus bel amour.

Le bonheur dans le crime
Hauteclaire est belle et donne des leçons d'escrime. le comte de Savigny, bien que fraîchement marié, ne manque pas de venir l'admirer jusqu'à ce qu'elle disparaisse.

La vengeance d'une femme
Robert de Tressignies se promène tard un soir et rencontre une prostituée.

Bien que je ne sois pas parvenu à lire "Le dessous de cartes" et "A un dîner d'athées" parce qu'elles m'ennuyaient, les 4 nouvelles citées plus haut sortent du lot et méritent le coup d'oeil.
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Dans ce livre, recueil de six nouvelles plus ou moins longues, Barbey d'Aurevilly nous parle de toutes ces femmes aux multiples facettes, pouvant être froides, méprisantes, impassibles, comédiennes, vengeresses, cruelles, manipulatrices, même démoniaques, au choix… Tout en étant d'un autre côté fougueuses, maladroites, amoureuses, passionnées… au choix… Ici les femmes sont les dominantes, celles qui ont le dernier mot, et les hommes sont les pauvres victimes d'un ensorcellement, d'un pouvoir magnétique de la femme, comme la mante religieuse. Ce qui n'empêche pas de trouver aussi des hommes cruels, meurtriers, vengeurs. de la simple vengeance au meurtre, à la folie, où sont les limites ? Des souvenirs parfois glaçants pour ces hommes qui en ont croisées, dans l'admiration pour certains.

Ici le narrateur est toujours le témoin d'une histoire qu'on le lui a racontée et le retranscrit au lecteur. Nous sommes au 19ième siècle et l'on y croise donc l'aristocratie, les dandies, les prostituées, l'adultère… Barbey d'Aurevilly est un très bon conteur, sait nous tenir en haleine et nous surprendre. Il a fait le choix de traîner en longueur, faut-il encore l'apprécier. Pour ma part j'ai senti parfois que c'était trop, trop de bavardages qui peuvent me lasser. Mais c'est une époque et on le lit comme tel. Entre le rideau cramoisi, le plus bel amour de Don Juan, le bonheur dans le crime, le dessous de carte d'une partie de Whist, A un dîner d'athées et La vengeance d'une femme, ma préférence se porte sur le plus bel amour de Don Juan pour la description de cette femme et cette fille où là le faux-semblant est à son paroxysme ainsi que la perfidie, comme beaucoup dans ce recueil, mais j'ai aimé ces portraits. Je dois dire que le bonheur dans le crime m'a séduite aussi par l'aplomb de cette autre femme et l'effacement dont elle a pu faire preuve.

Des portraits brossés avec un talent littéraire indéniable, savoureux, de l'ironie (et ça j'adore !) d'une psychologie très juste mais paradoxalement assez caricaturale, ce qui est sans doute voulu. Il met en exergue les possibilités sans limites de la partie sombre des êtres, surtout des femmes évidemment, Les Diaboliques, et de l'amour sous toutes ses formes, du plus perfide au plus meurtrier et écoeurant. Des descriptions très longues, mais qui permet d'avoir des personnages fouillées autant physiquement que moralement et psychologiquement. Des énigmes, des questions en suspens. J'ai adoré ces histoires mais cela ne peut être un coup de coeur car l'approche par le bavardage n'est pas dans ce que je préfère. C'est difficile à définir, j'ai aimé sans être totalement charmée, charmée par les mots, l'histoire mais pas par l'esprit « bavard ».
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Curieux catholique que ce Barbey, qui comme artiste, a compris que seuls le Diable et ses prestiges pouvaient faire de bonne littérature. Crimes parfaits, vices cachés, bonheurs superbement étrangers à toute morale, sont les sentiments et situations que l'on rencontre dans les nouvelles de ce recueil. Pour ne pas les déflorer, disons que Barbey reprend à Balzac l'art de la longue exposition, où narrateur (surtout le narrateur) et personnages sont bien campés avant d'agir, l'un en racontant et en faisant souvent l'étalage de sa verve et de son esprit, les autres pour jouer le drame muet ou secret de la passion. du mal, l'auteur tire des effets littéraires magnifiques, suivant les leçons de son grand modèle Baudelaire. Avec Balzac et Baudelaire, on est sûr d'évoluer dans la bonne littérature.

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Dans Les Diaboliques, on plonge dans les abîmes de la conscience humaine, entre criminels irrécupérables et apparences parfaitement sauves. Les horreurs dépeintes y sont machiavéliques, leurs auteurs rarement confondus, et la vie continue sans encombre.
Vision assez noire de la bonne société du 19ème siècle, ces nouvelles sont assez agréables à lire cependant.
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Les Diaboliques/Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889)
C'est toujours un plaisir de relire un écrivain comme Barbey d'Aurevilly qui vous raconte des histoires incroyables dans un style merveilleux qui s'illustre en de belles phrases bien construites de mots bien choisis.
La première des six nouvelles intitulée « le rideau cramoisi » met en scène le vicomte de Brassard, un dandy de la cinquantaine, capitaine à la retraite qui voyage avec le narrateur. Un homme porté sur les femmes ce vicomte :
« Je lui ai connu sept maîtresses, en pied, à la fois, à ce bon bragard du XIX é siècle. Il les intitulait poétiquement les sept cordes de sa lyre. »
Alors qu'il a dix sept ans, jeune soldat pensionnaire chez des bourgeois, apparaît à table un beau soir Alberte leur fille, dix sept ans également, telle l'infante du tableau de Velasquez, calme, réservée et impassible.
Et notre jeune militaire va connaître son premier galon d'aventure, une aventure peu ordinaire qui va mettre à l'épreuve son audace et son impudeur. La toute jeune et belle Alberte va le mener par le bout du nez à tel point que bien que sachant que les femmes nous font tous plus ou moins valeter, il n'imaginait pas une telle histoire :
« Elle me tenait éveillé cette Alberte d'enfer, qui me l'avait allumé dans les veines, puis qui s'était éloignée comme l'incendiaire qui ne se retourne pas … J'avais l'expérience des spasmes voluptueux d'Alberte, et quand ils la prenaient, ils n'interrompaient pas mes caresses… »
À noter que cette nouvelle est autobiographique et que le vicomte n'est autre que Barbey d'Aurevilly lui-même.
Dans la seconde nouvelle, « le plus bel amour de Don Juan », une ténébreuse adolescente se rêve enceinte de l'amant de sa mère dont elle est secrètement amoureuse.
« …ces jeunesses vert tendre, ces petites demoiselles qui sentent la tartelette et qui, par la tournure, ne sont encore que des épluchettes, mais tous étés splendides et savoureux, plantureux automnes, épanouissements et plénitudes, seins éblouissants battant leur plein majestueux au bord découvert des corsages, et sous les camées de l'épaule nue, des bras de tout galbe… ». Quel style !
Le meilleur régal du Diable, c'est l'innocence !
Dans la nouvelle intitulée « le bonheur dans le crime », Hauteclaire la bretteuse empoisonne l'épouse de son amant avant de goûter avec lui le bonheur parfait dépourvu de tout remords.
Dans « À un dîner d'athées », l'auteur nous convie en l'hôtel particulier de M. de Mesnilgrand où se déroule tous les vendredis des dîners pas très catholiques, c'est le moins que l'on puisse dire : au cours de ces repas, « on mariait fastueusement le poisson à la viande, pour que la loi d'abstinence et de la mortification prescrite par l'Église fût mieux transgressée.
Cela assaisonnait le dîner du vieux M. de Mesnilgrand et de ses satanés convives de faire gras les jours maigres, et, par-dessus leur gras, de faire un maigre délicieux. Un vrai maigre de cardinal !»
Des odalisques et des femmes telle que Rosalba, l'épouse du sieur Ydow, fréquentent et animent ces soirées, une femme dont on peut dire sans risque de se tromper « qu'il y a plus loin à son premier amant que de son premier à son dixième » !
« C'était sûrement le Diable qui dans un accès de folie avait créé Rosalba, pour se faire plaisir, du Diable, de fricasser, l'une après l'autre, la volupté dans la pudeur et la pudeur dans la volupté, et de pimenter, avec un condiment céleste, le ragoût infernal des jouissances qu'une femme puisse donner à des hommes mortels…On était toujours au début avec elle, même après le dénouement ! Elle fût sortie d'une orgie de bacchantes, comme pâmée, à demi-morte, on retrouvait la vierge confuse, avec la grâce toujours fraiche de ses troubles et le charme auroral de ses rougeurs… »
Jusqu'au jour où Ydow, son époux, ouvre les yeux et se vautre dans l'abjection et la bourbe avec Rosalba dans un scène plutôt gore.
La dernière nouvelle de ce recueil, « La vengeance d'une femme » met en scène une femme de noble ascendance italienne qui mariée par convention à un grand d'Espagne, le duc de Sierra Leone, va connaître le plus platonique des amours avec un certain don Esteban.
Mais après maintes péripéties, la duchesse finira par vengeance à l'encontre de son mari qui se débarrassera horriblement de don Esteban, dans les bas-fonds de Paris où en qualité de duchesse elle offrira inexorablement aux hommes son corps magnifique. Pour le déshonneur.
« Les Diaboliques », publiés en 1874, content six histoires de femmes pécheresses, animées de passions inavouables ou adultérines pouvant aller jusqu'au crime au cours de saturnales d'un autre temps.
Les six histoires sont basées sur des faits vrais.
L'auteur fut cependant accusé d'outrages aux bonnes moeurs. C'est Gambetta qui plaida la cause de Barbey d'Aurevilly auprès du gouvernement et l'affaire fut étouffée.
Auteur d'un style somptueux et luxuriant , Barbey d'Aurevilly ne peut résister à se fourvoyer dans de nombreuses digressions et allusions à la mythologie ou des personnages peu connus qui alourdissent le propos.



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Un beau titre, qui a pu inspirer la belle chanson de Juliette "Le diable est une femme".
Car oui, les "diaboliques", ce sont d'abord des diablesses, des femmes vouées à l'enfer pour leurs pêchés, bien plus que les sept péchés capitaux d'ailleurs. Oui, il y a de la luxure autour d'un Don Juan moderne entouré de douze apôtres féminins dans un repas qui reproduit la Cène - mais c'est un souper fin dans un boudoir, de quoi satisfaire la gourmandise. Les relations entre mère et fille sont placées sous le signe de la colère dans deux histoires différentes, lorsqu'elles s'aperçoivent qu'elles aiment le même homme. Et la vengeance, qui est le nom d'un récit, n'est-ce pas une forme suprême de colère ? Il y a de l'envie et de la jalousie, quand une femme, Hauteclaire, assassine l'épouse de son amant pour pouvoir l'épouser au grand jour, pleine d'orgueil de sa beauté, plus fière qu'une panthère. Alberte, elle, ne fait-elle pas preuve de paresse en prenant pour amant le locataire de ses parents ?
Et il y a aussi du blasphème, entre impiété, vol, adultère, infanticide, assassinat... Mais pour que ces femmes soient coupables, c'est qu'il y a un homme dans l'histoire. Chaque récit commence d'ailleurs paradoxalement par le portrait d'un homme, souvent d'un homme fort, homme à femme et soudard, ou cynique et impie. Les diaboliques, ce sont donc aussi les hommes pour qui les femmes se rendent coupables.
Quelques récits marquants avec des portraits féminins de femmes qui aiment, désirent, cherchent leur plaisir. Des images marquantes assez glaçantes même.
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Ce recueil de six nouvelles qui parut en 1874 est entièrement consacré au Mal que Jules Barbey d'Aurevilly s'obstina à observer, selon le mot de Léon Bloy, "par un trou d'aiguille". Ces six nouvelles étonnent d'abord par l'art de la narration : des personnages profonds, un rythme lent qui épouse un vocabulaire riche et pourtant simple, une vive accélération à la fin de la nouvelle avant le dénouement final. Par petites touches, Barbey d'Aurevilly dresse le portrait d'une société française encore très hiérarchisée, marquée durablement par l'ère napoléonienne, dans laquelle s'est immiscé un enfer devenu quotidien.
Le Mal est multiple et s'insinue dans tous les pores de chaque personne : depuis le jeune militaire qui craint que l'on découvre la mort de sa jeune maîtresse en pleins ébats jusqu'à la fillette qui accuse un homme superbe de lui avoir fait un enfant. Il y a aussi des histoires affreuses dont des contextes terribles, des jalousies et des vengeances, immédiates ou longues, des histoires de coeurs qui saignent et de coeur que l'on tranche. C'est le blasphème, la débauche, la violence physique, l'immoralité : un Mal dont Barbey d'Aurevilly veut se prémunir puisqu'il n'apporte que la mort.
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