Si nous persistons dans notre aveuglement, ce pourquoi les pays traversés par l'Amazone et la forêt qui l'entoure ne sauraient être considérés comme seuls responsables, à considérer nos ressources comme illimitées, à disposer comme de notre bien individuel et selon notre seule volonté des arbres, des êtres vivants, pensants, voire des peuples, alors, c'est nous-mêmes que dans notre folie nous condamnons.
Une ultime nuit au creux du hamac. Le Negro est un fleuve de naphte. Pas une ride. Le ciel se mire dans l'eau jonchée d'étoiles, troublée par des bandes de poissons volants qui jouent à saute-pirogue. L'Amazone ouvre sur l'infini. C'est un secret bien gardé.
La nuit, sur le fleuve, le concert des animaux de la forêt atteint un niveau sonore inimaginable. S'il est difficile le jour d'apercevoir quelque créature vivante hormis des papillons, par milliers, quelques lézards intrépides, des oiseaux ou un paresseux pour les plus chanceux, il suffit que la nuit tombe pour que les créatures de la forêt déclenchent leur tintamarre.
Nous sommes à un tournant. Chacun peut agir à son propre niveau, et point n'est besoin d'être amazonien pour cela. L'Amazone offre la transversalité nécessaire à notre propos. Montrer l'atteinte est une nécessité. Mais montrer la beauté de ce monde-là qui peut encore être sauvé est une obligation. Parce que l'Amazonie est un monde en suspens.
Souvent, nous nous posons en donneurs de leçons. Nous avons pourtant à l'égard de l'Amazonie les mêmes devoirs que nos voisins, les mêmes obligations, auxquels nous nous dérobons, comme eux, régulièrement. Il nous appartient donc de nous interroger sur la nécessité d'intervenir là où nous le pouvons, et sans doute, nous le devons.
Perluète #07 - interview de l'invité : Patrick Bard, journaliste, auteur, photographe. Quelle que soit sa forme, le travail de Patrick Bard s'inscrit dans la réalité de notre monde. Il a signé en 2020 un essai biographique sur l'américain Piero Heliczer, artiste aussi important qu'oublié, qui vécut dans le Perche, comme lui.
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