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Les déracinés tome 4 sur 4
EAN : 9782365695633
432 pages
Editions Les Escales (08/04/2021)
4.19/5   518 notes
Résumé :
Depuis son retour à Sosua, en République dominicaine, Ruth se bat aux côtés d’Almah qui n’a rien perdu de son énergie, pour les siens, pour la mémoire de sa communauté, pour contribuer à faire de sa terre natale le pays dont elle rêve, alors que les touristes commencent à déferler sur l’île.
Gaya, sa fille, affirme son indépendance et part faire des études de biologie marine aux États-Unis, où Arturo et Nathan mènent leurs vies d’artistes. Comme sa mère, elle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (63) Voir plus Ajouter une critique
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Ainsi s'achève cette tétralogie s'étendant sur 83 longues années étalées sur deux siècles.
De ce dernier tome, j'ai aimé, avant tout, son titre emprunté à une citation de Camus « Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible »
( L'Eté- 1954- Retour à Tipasa 1954). Il résume si bien la saga de cette famille, de chacun de ses membres et du cercle de ses amis , qui a dû affronter la peine, la tristesse, la guerre, l'exil, la mort et la vie qui continue, l'apaisement, l'amour qui ressurgit dans les moments les plus insidieux, les plus poignants, qui a surpassé le froid douloureux de l'hiver , symbole du mal, du désespoir, de la violence, des heures sombres, pour retrouver la lumière sublime de l'été, métaphore du bonheur, de la joie de vivre…
Une famille qui a su, grâce à ses valeurs, et comme Camus, faire de sa vie son métier d'Homme et de Femme «  J'avais fait mon métier d'homme et d'avoir connu la joie tout un long jour ne me semblait pas une réussite exceptionnelle, mais l'accomplissement ému d'une condition qui, en certaines circonstances, nous fait un devoir d'être heureux. » (Camus, Noces à Tipasa 1938).
Catherine Bardon a, une fois de plus, avec justesse et intelligence, croisé et intégré les évènements marquants ou un peu moins qui ont jalonné les 33 ans racontés dans ce dernier livre.
Une réussite littéraire.
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«On construit de mots la chair du passé» (Aragon)

Catherine Bardon met un terme à la saga des Déracinés avec cet invincible été qui couvre la période 1980-2013. L'occasion de retrouver avec plaisir et émotion les rescapés de cet exil forcé et leurs descendants. Et de faire gagner la vie sur l'adversité!

Quoi de mieux qu'une fête de famille pour ouvrir le dernier volet d'une saga entamée en 2018 avec Les Déracinés? À Sosúa, ce village de République dominicaine où une poignée d'hommes et de femmes persécutés par les nazis ont trouvé refuge et tenté de sa construire un avenir, on fête la Quinceañera, c'est-à-dire les quinze ans de Gaya, la fille de Ruth et de Gabriela, son amie d'enfance. Les deux adolescentes ressentent toutefois bien différemment ce rite de passage. La première a l'impression de participer à une mascarade à laquelle elle se soumet pour faire plaisir à ses parents et à sa grand-mère, soucieuse du respect des traditions, pour la seconde c'est l'occasion de fêter joyeusement cette étape qui la fait «devenir femme».
Pour Almah, la patriarche de cette tribu, c'est aussi l'occasion de voir le chemin parcouru. Pour sa fille Ruth tout semble aller pour le mieux. Elle a surmonté le chagrin de la perte de son amie Lizzie en mettant au monde Tomás, le fils conçu avec Domingo qui partage désormais sa vie. Un bonheur simple qu'elle aimerait voir partagé par Arturo, le musicien installé à New York, avec lequel elle aime tant correspondre. Mais quelques mois plus tard, c'est du côté de la tragédie qu'il va basculer. Victime d'un accident de moto, il est hospitalisé avec son passager, son ami Nathan, danseur à la carrière fulgurante, beaucoup plus gravement atteint que lui. À son chevet Ruth va découvrir que les deux hommes formaient un couple depuis longtemps et ne sait comment soulager leur peine. Car Nathan ne dansera plus jamais.
Il faudra un séjour à Sosúa pour qu'un coin de ciel bleu ne déchire son univers très noir et n'ouvre au couple un nouvel horizon.
Gaya, la fille de Ruth, a choisi de quitter la République dominicaine pour aller étudier les baleines à l'université de Wilmington en Caroline du nord. Elle ne sait pas encore que ce ne sera là qu'une première étape d'un exil qui passera notamment par les Galápagos.
Mais n'en dévoilons pas davantage, sinon pour évoquer un autre projet qui à lui seul témoigne du demi-siècle écoulé, l'ouverture du musée juif de Sosúa, voulu par Ruth avec le soutien d'Almah. L'occasion de nouvelles retrouvailles et d'un hommage à toutes ces vies qui, par «leur détermination, leur goût de l'effort, leur âpreté au travail, leurs renoncements, leur dignité magnifique devant l'ineffable, s'étaient faufilés dans les lézardes de l'histoire pour écrire ici une page essentielle, sans laquelle rien d'autre n'aurait pu advenir. Ils étaient des rocs, de la race des vainqueurs, et la présence de chacun ici, aujourd'hui, témoignait de ça: ils étaient victorieux et indestructibles.»
En parcourant le destin de cette communauté de 1980 à 2013 la romancière, comme elle en a désormais pris l'habitude, raconte les grands événements du monde. Elle va nous entraîner à Berlin au moment où s'écroule le mur ou encore à New York lorsque les deux tours du World Trade center s'effondrent. Sans oublier la mutation politique et économique de ce coin des Caraïbes menacé par les tremblements de terre – comme celui d'Haïti à l'ouest de l'île qui poussera Ruth, Domingo et Gaya sur la route en 2010 – et le réchauffement climatique.
Bien plus qu'un hommage à cette communauté et à cette histoire qui aurait sans doute disparu dans les plis de l'Histoire, Catherine Bardon nous offre une formidable leçon de vie. Elle a en quelque sorte mis en scène la citation d'Henry Longfellow proposée en épilogue «… nous aussi pouvons rendre notre vie sublime, et laisser derrière nous, après la mort, des empreintes sur le sable du temps.»


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Quatrième opus de la saga "Les déracinés"
Nous suivons la famille Rosenheck-Soteras des années 80 à l'année 2013. Ruth qui ne regrette pas d'être revenue vivre en République Dominicaine, va au cours de ces années voir ses enfants grandir et se disperser pour suivre chacun leur chemin.
Le roman débute alors que Gaya fête ses 15 ans, un événement qui réunit tous les proches et qui est très important pour la famille.
Gaya étant l''aînée, va être la première à quitter la famille pour poursuivre ses études aux États-Unis, sous la protection de Georges son grand-père qui n'a plus qu'elle à présent et compte bien profiter de cette petite-fille découverte sur le tard.
Elle se passionne pour la biologie et en particulier, les baleines ce qui va la mener bien loin de son île. Gaya a un caractère très fort qui ne manque pas de nous rappeler celui de sa grand-mère et elle fait la fierté de sa famille. Mais son départ est une véritable souffrance pour Ruth qui se révèle être devenue, une vraie "maman juive", fragilisée par le départ de sa "nichée". Mais heureusement il lui reste ses deux fils, David qui va lui aussi bientôt prendre son envol, et le petit Tomas qui vient de naître.
Ruth continue à faire vivre la mémoire des pionniers de Sosúa, avec l'aide d'Almah et de Markus. Elle va s'engager de plus en plus pour son pays et se sentir de jour en jour davantage dominicaine.
Elle continue néanmoins à rêver de partir un jour en Europe avec sa mère, pour visiter Vienne, et marcher dans les pas de ses parents. Mais Almah a tourné la page, elle veut rester avec ses souvenirs, n'accepte aucun dédommagement pour ce qu'elle a vécu ou pour ce que les nazis lui ont pris, même quand il s'agit des tableaux de son père qu'elle aimait tant.
Arturo et Nathan vont vivre un drame mais ils sauront rebondir pour mettre à exécution leurs rêves. Bientôt Nathan à défaut de pouvoir danser lui-même, va être porté aux nues grâce à son ballet "Terre promise", dans lequel il retrace l'histoire et l'exil de la famille.
Almah quant à elle, malgré son âge avancé, reste toujours le pilier de la famille, celle qui sait panser les plaies, donner espoir d'un avenir meilleur et avancer contre vents et marées.
Comme toujours, en parallèle de leur vie de famille, des drames et des petits bonheurs de leur quotidien, de leur engagement pour diverses causes importantes, la grande Histoire les rattrape. Les tours jumelles s'effondrent alors que David, y travaille depuis peu, un terrible séisme dévaste Haïti et Ruth va s'y rendre avec Domingo pour aider les sinistrés...et la République dominicaine voit se soulever de terribles émeutes.

Ce quatrième opus termine la saga en beauté et m'a permis de renouer avec tout ce que j'avais aimé dans le premier. L'émotion est bien au rendez-vous dans ce dernier tome.
Il est normal que selon notre propre sensibilité chaque lecteur ait davantage aimé telle ou telle partie de l'histoire, mais dans chacun j'ai aimé l'écriture toute en finesse et délicatesse de l'auteur.
J'ai aimé aussi la manière dont elle restitue la grande Histoire en l'intégrant dans le vécu de ses personnages.
Dans celui-ci ce sont les pages où Ruth découvre les carnets de son père, les photos de famille, les souvenirs que j'ai trouvé les plus émouvantes. J'ai été également très touchée par les dialogues entre Almah et son petit-fils David, traumatisé par ce qu'il a vécu à New York.
Dans ce tome encore une fois, la famille n'est pas épargnée. Elle va vivre des drames, des remises en question, des séparations mais chacun doit suivre son propre chemin et laisser la place aux nouvelles générations.
Ceux qui vieillissent s'interrogent sur ce qui restera après eux de tout ce qu'ils ont créé, ce dont les nouvelles générations se souviendront d'heureux ou de moins heureux les concernant.
Ils se questionnent aussi sur l'emprise du tourisme sur leur île, un tourisme qui permet aux uns de s'enrichir et au pays de survivre économiquement, mais un projet dans lequel la nature sauvage paradisiaque n'a pas de place ou sera détruite à jamais.
En terminant la série je me suis dit que j'avais beaucoup de regrets de quitter cette famille, de dire adieu à ceux qui ne sont plus et que j'aurais encore aimer savoir ce que les plus jeunes allaient devenir à leur tour.
C'est donc un livre un peu nostalgique, qui voit partir certains des personnages qui ont marqué la famille, comme Almah qui restera cependant jusqu'au bout une figure forte et tellement présente pour tous.
J'ai beaucoup aimé cette saga car l'auteur a la faculté de nous décrire avec beaucoup de réalisme des personnages profondément humains.
J'ai aimé en particulier...
- Les portraits de femmes fortes ou fragiles, indépendantes ou profondément attachées à leur famille (l'un n'empêchant pas l'autre d'ailleurs).
- L'importance de l'amitié et de l'amour dans leur vie.
- La sincérité des relations humaines, l'entraide, la générosité dont ont fait preuve ces colons de la première heure après toutes les souffrances vécues.
J'ai aimé aussi les dialogues magnifiques entre Almah et les personnes qu'elle aime, amis, enfants, petits-enfants : elle trouve toujours les mots justes et émouvants pour les réconforter.
J'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais sur l'histoire de la République dominicaine, et sur l'exil de ces autrichiens juifs qui ont créé cette petite communauté de Sosúa qui je le rappelle a réellement existé. Les principaux événements qui ont marqué le 20e siècle sont bien mis en avant et parfaitement documentés. L'auteur a fait des recherches considérables pour les retracer avec beaucoup de minutie et de patience. On sent qu'elle aime profondément ce pays.
Tout cela fait de cette saga, une lecture passionnante à ne pas rater car à la fois historique, romantique, instructive et terriblement émouvante.
Un seul conseil lisez-là dans l'ordre chronologique.
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"Ne cherchez pas à savoir où est la réalité et où est la fiction. Car dans cette histoire tout est vrai."
Ainsi se termine ce roman; il clôt la saga ou plutôt la fresque romanesque "Les déracinés", (4 tomes) qui raconte depuis 1930 les tribulations d'une famille juive bourgeoise autrichienne.
Fuyant l'Allemagne nazie, cette famille pense émigrer aux US, Ellis Island ne les verra débarquer que pour voguer vers la République dominicaine , émigrés involontaires "accueillis" par le dictateur de l'époque Trujillo.
Ils s'installent à Sesua sur la côte nord, relèvent les manches et reconstruisent leur vie.
Avec la mort d'Almah, la grand-mère, se termine l'épopée, et puis avec le temps la famille Rosenheck, disséminée un peu dans le monde se diluera doucement.Cet invincible été fait la part belle aux femmes de la famille ,toutes des femmes fortes, Almah, Ruth, sa fille, c'est elle qui raconte et Gaya la petite fille qui promet également.Les hommes , un peu en retrait sont des hommes bienveillants toujours prêts à aider jusqu'en Haïti, pays frontalier pauvre et toujours plus atteint par les calamités climatiques surtout. un roman bien agréable à lire.

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Et voilà, la formidable aventure se termine.
De 1980 à 2013, la suite de la vie de la famille Rosenheck
Hannah aura vécu 101 ans.
Ruth vieillit mais a toujours des projets.
La descendance est assurée par Gaya l'indépendante et les autres.
Ce dernier tome est la conclusion parfaite d'une saga remarquable.
Catherine Bardon réussit à terminer en douceur, ne nous laissant aucune frustration.
J'ai tout apprécié dans ces merveilleux tomes successifs.
La qualité de l'écriture.
La personnalité des personnages.
Le talent pour nous faire partager l'histoire de la République dominicaine.
Les enchaînements impeccables.
Le respect du lecteur dans les rappels au début de chaque tome, le souci de la chronologie, les chapitres courts et aérés..........
La sensibilité des personnages, la beauté des lieux, la cohérence de l'histoire, tout est parfait.
C'est vraiment un sans faute.
Je ne suis pas prête d'oublier cette histoire.
Et je mets cinq étoiles pour l'ensemble de la saga.
Il me reste juste un rêve un peu fou : aller en République dominicaine pour prolonger l'aventure.
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Si tu te soucies de ce que les gens pensent de toi, tu seras toujours leur prisonnière (Lao Tseu)
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Tant de choses étaient advenues, tant de vies s'étaient construites ici, des bonheurs, des drames aussi, cela donnait le vertige. J'oubliais les petites jalousies, les rancœurs, les mesquineries, pour ne garder que les sourires. Avec leur détermination, leur goût de l'effort, leur âpreté au travail, leurs renoncements, leur dignité magnifique devant l’ineffable, ils s'étaient faufilés dans les lézardes de l’histoire pour écrire ici une page de leur vie, la page essentielle, celle sans laquelle rien d'autre n'aurait pu advenir. Ils étaient des rocs, de la race des vainqueurs, et la présence de chacun ici, aujourd’hui, témoignait de ça: ils étaient victorieux et indestructibles.
La synagogue n'avait pu accueillir tout le monde pour le service religieux et les invités piétinaient sur la pelouse en une cohue compacte.
Il y eut des embrassades, des accolades, des rires, des congratulations, des confidences, des séances de photographie, des toasts, des libations, des agapes, des chants, des danses, des gueules de bois, et des larmes, beaucoup de larmes. p. 165-166
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Première Partie
La force de la jeunesse
Quinceañera
Janvier 1980
Ce qui lui plaisait le plus, plus que son absurde robe longue froufrouteuse, plus que sa coiffure aux boucles sophistiquées raides de laque, plus que son diadème, plus que l’énorme pièce montée de choux à la crème commandée par sa mère, c’était que toutes ses amies étaient là. Sur leur trente et un, plus jolies les unes que les autres. Il y avait aussi les garçons, bien sûr, les indispensables cavaliers. Mais par-dessus tout, la présence de son aréopage d’amies, et surtout celle de Gabriela, mettait Gaya en joie.
Pour sa quinceañera, Gaya aurait préféré une fête intime. Sa mère était encombrée par un ventre plus volumineux de jour en jour, Svenja, sa marraine, ne pouvait quitter Israël où Eival luttait contre la tumeur qui colonisait son corps, Nathan qui répétait sans relâche son prochain ballet avait dû décliner l’invitation, Myriam et Aaron viendraient seuls de New York. Mais ses parents avaient tenu à respecter la tradition en faisant les choses en grand.
— Il n’y a qu’une fête des quinze ans, avait déclaré Ruth. Il y aura ça et ton mariage, ma chérie, sans doute les deux plus belles soirées de ta vie. Moi je n’en ai pas eu, à cette époque-là à Sosúa nous ne respections que les traditions juives et allemandes. Alors, fais-moi confiance, nous allons nous rattraper et donner une fête du tonnerre.
— C’est comme le premier bal d’une débutante à Vienne, un moment très spécial, avait ajouté Almah en souriant doucement, et Gaya ne savait pas résister à la fossette de sa grand-mère.
« Le plus bel hôtel de Puerto Plata », avait décidé sans ambages Domingo qui répétait ses pas de valse depuis des semaines et avait commandé un nouveau tuxedo sur mesure pour l’occasion. « J’ai un peu forci, s’excusait-il. Rien n’est trop beau pour ma fille. »
Ils s’y étaient tous mis, la persuadant qu’il n’y avait pas d’échappatoire, et voilà, elle allait devoir les affronter dans cette tenue qui ne lui allait pas du tout. Cette robe qu’elle avait pourtant choisie avec plaisir, une véritable robe de princesse comme dans les contes de fées de son enfance. Pourtant elle la portait maintenant avec résignation et même une pointe de rancune.
*
Gaya redoutait cette cérémonie. Quinze ans. Est-ce qu’on en faisait tout un plat pour les garçons ? On allait lui coller une étiquette sur le front : « Femme, prête à être courtisée, prête à être… consommée. » Absurde ! Elle avait été tentée à maintes reprises de se dérober. Si elle l’avait vraiment voulu, il n’y aurait pas eu de fête. Mais elle aimait trop les siens pour les décevoir. Et puis il fallait rendre les invitations aux fêtes de ses amies et elle ne pouvait être en reste avec Alicia et Elvira, ses cousines. Gaya entrerait dans sa vie de femme par la porte solennelle de la quinceañera. C’était ainsi dans son île. Une obligation familiale, sociale, culturelle, autant que mondaine.
*
Elle était là maintenant, abandonnée aux mains habiles de la maquilleuse qui transformait son visage d’adolescente rebelle en une frimousse de poupée de porcelaine. Gaya se regarda dans la glace. Cette magnifique jeune femme, éblouissante dans sa robe bustier bleu moiré, ces cheveux disciplinés en crans dociles par le fer à friser, ces yeux de biche étirés sur les tempes et ourlés de noir, ces lèvres rehaussées de rouge cerise, c’était elle aussi. Le résultat était tout à fait bluffant. Si on aimait ce genre-là. Elle eut soudain envie de rire. Puis elle ressentit une étrange morsure au creux de son ventre. Elle seule savait toute la duplicité de cette soirée.
Elle sortit de la chambre mise à sa disposition par l’hôtel, telle une actrice de sa loge. Domingo battait la semelle devant la porte, un rien emprunté dans son habit de soirée. C’était l’heure, la reine d’un soir allait faire son entrée en scène. La salle de réception foisonnait de fleurs blanches disposées dans des vases de cristal. Dans un angle, un trio jouait en sourdine. Les portes-fenêtres de la terrasse s’ouvraient sur un vaste jardin. La centaine d’invités était éclatée en petits groupes engagés dans des conversations animées. Les serveurs passaient de l’un à l’autre, les bras chargés de plateaux de coupes de champagne et d’appétissants canapés. Au bras de son père, Gaya s’avança, nerveuse, allure guindée, coups d’œil furtifs à droite et à gauche. Ses yeux croisèrent le regard attendri de sa mère. Quand elle repéra sa grand-mère qui lui adressa un clin d’œil complice, elle esquissa un sourire soulagé. Elle avait retrouvé son inconditionnelle alliée.
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Et comme le dit justement Almah, en citant Salomé Ureña qui lui est devenue une sorte de maître à penser pour sa liberté de vues et son engagement : "C'est en continuant à nous battre pour créer le pays dont nous rêvons que nous ferons une patrie de la terre qui est sous nos pieds".
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Almah regardait l’assistance, pensive, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres. Comme les liens familiaux étaient surprenants. Comme ils les reliaient les uns aux autres subtilement et d’étrange façon, trouvant des voies inattendues. Comme chacun avait trouvé sa juste place dans l’échiquier. Comme sa magnifique famille l’émerveillait. Heinrich dansait avec Myriam. Almah laissa échapper un petit rire involontaire en se souvenant qu’autrefois Wil avait vainement essayé de les caser ensemble, pour se débarrasser de son rival. C’était loin, et pourtant c’était hier. Comme le temps a passé, songea-t-elle.
— Toi, je sais à quoi tu penses !
Markus venait de se matérialiser à son côté.
— Vraiment Markus? Dis-moi !
— Tu peux être fière, tu es l’âme de cette tribu, Almah, tu en es la racine première. Avais-tu imaginé cela en débarquant ici avec ta petite valise il y a presque quarante ans ?
— Eh bien… oui ! Dans mes rêves les plus fous, j’avais secrètement espéré quelque chose qui ressemblerait à ça…
— Eh bien, te voilà comblée ! Si tu savais à quel point cela me rend heureux.
Almah ne répondit pas, c’était inutile. La générosité, la bienveillance de Markus à son égard n’avait jamais, au grand jamais, été prise en défaut, et elle en remerciait le ciel chaque jour, avec un petit pincement au cœur en pensant que Markus n’avait pas eu sa chance.
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"Tous ses livres sont puissants et vous emmènent à la rencontre de destins de femmes exceptionnelles." - Valérie Expert
- Une femme debout, de Catherine Bardon aux Éditions Les Escales. Le parcours hors du commun de Sonia Pierre, militante des droits humains, qui fit de sa vie un combat. Devenue avocate, elle luttera toute sa vie pour les droits des enfants nés de parents haïtiens sans existence légale en République dominicaine.
À retrouver sur lagriffenoire.com https://lagriffenoire.com/une-femme-debout.html
Et découvrez en poche : - La fille de l'ogre https://lagriffenoire.com/la-fille-de-l-ogre-1.html - Les déracinés https://lagriffenoire.com/les-deracines.html
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