On avance avec des désirs, pas des peurs. La peur de mourir, la volonté d'une santé pérenne domine tout. Nous combattons la mort mais nous ne la pensons pas collectivement.
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Je tiens à dire une chose : ce sera une opportunité colossale, historique.
S’il est un moment où il sera possible de redistribuer la richesse, de ramener les inégalités sociales à un niveau supportable et digne, ce moment approche. Aux niveaux d’inégalité sociale auxquels nous sommes actuellement, aucune communauté n’est encore une communauté : elle fait mine d’en être une, mais c’est un leurre. Ces inégalités sapent les fondements de notre système, elles nient toute hypothèse de bonheur et rongent notre crédibilité comme un cancer. Le problème, c’est que certaines choses ne se réforment pas et ne peuvent pas s’améliorer progressivement,
à petite dose, un peu chaque jour. Certaines choses ont besoin d’un brusque mouvement de torsion pour changer, un geste qui fait mal et qu’on ne pensait pas pouvoir accomplir. Certaines choses changent à la suite d’un choc bien géré, d’une crise qui favorise une renaissance, d’un tremblement de terre surmonté sans trembler. Le choc est arrivé, nous subissons la crise et le tremblement de terre n’est pas encore passé. Les pièces sont toutes là, sur l’échiquier. Elles font mal, mais elles sont là, et la partie à jouer nous attend depuis longtemps. Ce serait une impardonnable bêtise d’avoir peur de la disputer.
Nous devons passer à l’audace. (…) Je sais exactement ce que cela signifie pour les intellectuels : mettre de côté la tristesse et penser, c’est-à-dire comprendre, interpréter le chaos, répertorier des monstres encore jamais vus, donner un nom à des phénomènes encore jamais vécus, fixer droit dans les yeux des vérités ignobles et, une fois qu’on a fait tout ça, prendre le risque de fournir à tous un minimum de certitudes. Et donc, au boulot, chacun dans la mesure de ses possibilités et de son talent. Je ne suis pas particulièrement en forme ces jours-ci, mais rien ne m’empêchera d’écrire ce que je sais. Car c’est mon métier.
Le choc est arrivé, nous subissons la crise et le tremblement de terre n'est pas encore passé. Les pièces sont toutes là, sur l'échiquier. Elles font mal, mais elles sont là, et la partie à jouer nous attend depuis longtemps. Ce serait une impardonnable bêtise d'avoir peur de la disputer.
nous nous sommes approprié le monde et en avons fait notre terrain de jeu, par l’une des opérations les plus violentes et cyniques que l’on puisse imaginer ; et ce n’est pas tout : nous en avons parfaitement conscience, au point d’avoir donné un nom au butin de cette razzia, anthropocène.
L'humanisme deviendra une pratique quotidienne et notre seule richesse : ce ne sera plus une discipline à étudier, mais un lieu de notre agir que nous ne nous laisserons plus jamais voler.
Les voies de la narration. Apprendre l'art de raconter des histoires dans le monde contemporain
Avec David Foenkinos, romancier, dramaturge et scénariste, Fanny Sidney, réalisatrice, scénariste, comédienne et Pauline Baer, écrivaine et animatrice d'ateliers d'écriture
Au cours des deux dernières décennies, les histoires, les récits, les narratifs sont sortis du champ strictement littéraire et culturel pour investir d'autres espaces – politique, économique, informationnel. Portée par l'essor des industries créatives et par la multiplication des canaux et des formats, la « fabrique » à histoires s'est développée en réponse à des besoins variés : assouvir une quête de sens, se réapproprier une histoire familiale, fédérer autour d'un projet collectif, incarner une ambition entrepreneuriale, donner du souffle à un projet politique, redonner de la cohérence aux événements du monde, ou tout simplement répondre à notre envie d'être transporté et tenu en haleine… du récit intime qui bouscule au récit politique qui veut marquer son temps, de l'histoire qui captive au narratif d'entreprise qui conjugue stratégie et raison d'être, chacun cherche l'histoire qui fait vibrer, donne du sens, motive, divertit ou répond aux questions du siècle.
Si le besoin de récit est partout, il faut (ré)apprendre à raconter des histoires de manière adaptée aux usages contemporains, sans perdre de vue la vocation humaniste de toute narration et les ponts qu'elle peut jeter entre générations et entre communautés. Une nouvelle génération d'auteurs, ainsi que la demande des industries culturelles interrogent l'idée – très française, et à l'opposé de la mission de la Scuola Holden de Turin fondée à Turin par Alessandro Baricco en 1994 – que l'art du récit ne s'apprend pas, à moins de le faire comme un outil pour accéder à un métier et à un média. Et s'il fallait une « école Holden à la française » pour décloisonner les industries culturelles et les générations ?
Table ronde proposée par Claudia Ferrazzi, fondatrice de VIARTE.
À lire –
David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2014.
Pauline Baer, La collection disparue, Folio Gallimard, 2020.
Alessandro Baricco, The game, Folio Gallimard, 2019.
Alessandro Baricco, Les barbares. Essai sur la mutation, Gallimard, 2014.
Yves Lavandier, La dramaturgie : les mécanismes du récit, Les impressions nouvelles, 1994.
Maureen Murdock, The heroine's journey, Shambhala Publications Inc, 1990.
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