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Critique de Lilylelfe


Tout d'abord, un grand merci à Mix Editions pour ce nouveau partenariat qui m'a permis de découvrir l'univers sombre et teinté d'ombres de Barjy L.

C'est une belle découverte que ce roman, même si je dois dire que cette lecture m'a rendue très mitigée. Il y a énormément de positif, comme je vais vous le montrer dans ma chronique, mais également, à mes yeux des défauts que j'ai eu du mal à surmonter.

Autant commencer par le négatif pour ensuite s'attarder sur ce que cette oeuvre a de magique et magnifique, car cela reste une très belle découverte pour moi, très émouvante.

Le style de l'auteur est un gros, gros blocage. Pas tant parce qu'il s'agit d'un style à part, cela, même si ça peut influer sur mon avis de lecture (comme ça a déjà été le cas), je ne puis le juger et je me serais contentée de dire que cela ne m'a pas emballée.

En fait, globalement, Barjy L. écrit bien, du moins, à mes yeux. C'est fluide et agréable. Mais arrive le premier dialogue, puis le second, et là, je l'avoue, j'ai failli refermer le livre. Au lieu des verbes de dialogue qui sont une règle de français et non une simple « possibilité », l'auteur a voulu copier le style américain en utilisant des adjectifs, des participes présents, des groupes nominaux (exemple : « Tout s'est bien passé avec Cooper ? », changeant de conversation tout en fuyant le geste quasi maternel d'Abigail. ; ou : « T'inquiète, juste une boule de vanille », appuyé d'un clin d'oeil.) Alors, oui, en américain, on fait comme ça. Mais non, en français, on ne peut pas ! Ce n'est juste… pas français ! Et c'est terriblement gênant pour la lecture !

Sachant que l'histoire me plairait, je me suis accrochée après avoir refermé le livre et soufflé un coup, mais en fait, tout du long du livre, mon esprit a fait une véritable gymnastique intérieure pour rajouter les verbes manquants. Certes, sur la longueur, on s'habitue, mais uniquement parce que le cerveau compense le manque et ce qui est clairement une faute de français et de stylistique à mes yeux impardonnables. À cause de cela et malgré la beauté de cette romance et la profondeur des sujets abordés, je ne pense pas relire un jour de romans de cet auteur. C'est trop douloureux pour moi, qui aime tant les beaux mots et qui accorde une réelle importance à la conservation de la langue française. Alors certes, j'admets sans mal que certains auteurs prennent leurs aises et changent ces règles, c'est parfois amusant, voire très réussi, et c'est un droit, même si on sort des sentiers académiques. Je comprends bien que l'auteur a voulu s'émanciper du style purement académique et tenté d'aborder les incises un peu comme des didascalies au théâtre. Pour que cela fonctionne, à mes yeux, il aurait fallu les mettre en italique, ou entre parenthèses, insistant ainsi sur le côté didascalie. Dans ces conditions, je pense que j'aurais moins considéré cela comme une faute de français, à savoir qu'ici, il manque clairement un verbe et un sujet à la proposition "incise". C'est un choix que de prendre un risque stylistique aussi énorme. Pour moi, cela n'a clairement pas fonctionné.

Autre chose qui m'a profondément agacée et qui rejoint les dialogues (et là il ne s'agit pas de faute, mais purement de style, c'est donc plus personnel), l'auteur passe son temps à faire parler ses personnages par monosyllabes ou presque. Combien de « Duncan. » « Jed. ». Simples interjections, sans rien d'autre… C'est agaçant, je ne connais personne qui parle comme ça dans la vraie vie, en s'interpelant par son nom pour se dire bonjour, pour dire quelque chose quand il ne sait pas quoi dire, pour aborder un dialogue.

Voilà pour moi les deux points noirs de l'oeuvre, dont le premier n'est pas des moindres. Mais à présent que vous êtes avertis, je vous dirais de vous lancer quand même, en étant prêts à subir ces dialogues (encore qu'apparemment cela ne dérange pas tout le monde, donc si potentiellement vous n'êtes pas embêtés par ce genre de choses, foncez !), parce que l'histoire vaut vraiment le coup.

Barjy L. aborde sujet difficile sur sujet difficile, sans que cela ne soit « trop ». Il n'y a pas d'accumulation, ici, ou plutôt, on compatit réellement avec le terrible sort qui s'est abattu sur nos personnages, particulièrement sur Duncan. Jed n'a pas eu une vie facile, mais Duncan, oh mon Dieu… C'est affligeant.

Nous avons ici deux personnages teintés d'ombres. Jed, qui élève seul son petit frère Cooper, de presque trente ans, 2 mètres de haut, qui vit, agit et pense comme un enfant de 7 ans. Terrible handicap s'il en est… Terrible situation pour Jed, qui aime son frère de tout son coeur, le choisit toujours, à son propre détriment, et trime sans parvenir à penser à lui depuis le départ de son compagnon, qui n'a pas su supporter la vie avec Cooper. Jed, cet homme au tempérament bien trempé, qui est très entouré par ses amis, mais n'a ni famille (à part Cooper), ni vie amoureuse. Jed qui rêve de pouvoir recevoir une main tendue et n'être plus seul pour porter sa vie, ses trois boulots, ce frère qui lui prend tant d'espace, le regard continuel des gens, sa fatigue, son épuisement, même. Jed, pour moi, est un personnage lumineux et attachant, mais si usé qu'on ne perçoit parfois plus que les ombres de ce qu'il pourrait être…

Duncan, lui, est un homme à deux visages. Duncan et Tony. L'homme ayant un doctorat en religions, passionné par l'hindouisme, cultivé, polissé et toujours renfermé, solitaire, et Tony, le prostitué, ou plutôt, l'escort boy, le gigolo, ombre de la nuit, son opposé. L'homme objet, l'homme à portée de main quand Duncan reste insaisissable. L'homme souriant que Duncan n'est pas, ou plutôt, n'est plus. L'homme qui se sent libre, qui se venge de son terrible passé, de son père qu'il a déçu et qui l'a rejeté, parce qu'il était gay, parce qu'il n'avait pas suivi la voie qu'il lui avait tracée.

Cette dualité est très présente dans le roman, et c'est captivant. Difficile, aussi, Duncan étant un personnage qui souffre terriblement, qui n'a aucune confiance ni en lui, ni en les autres, qui n'a jamais été aimé. Il ignore finalement tout de la vie, de la relation, parce qu'il a été trahi, bafoué… humilié. Traité comme un objet n'ayant aucune prise sur sa propre existence. Tony, lui, se place de lui-même en tant qu'objet, reprenant la maîtrise de sa vie, de son coeur, de son être tout entier. du moins, c'est ce qu'il croit.

Mais Tony n'est pas sans coeur non plus. Il a lui aussi des attaches, peut-être plus que Duncan. Il y a Efrain, ce garçon malade qui mourra avant l'heure, et qu'il aime, à sa manière. Son exception. Efrain et Tony, leur relation, m'ont profondément émue et bouleversée. Il y en a d'autres aussi, ceux qui abusent et dépassent les limites, ceux qui sont un soutien et prodiguent affection, tendresse et amour. Au final, à travers Tony, Duncan vit. Pour le reste, il a fermé son coeur et son âme, s'interdit d'éprouver des sentiments. de vivre.

Et puis arrive la rencontre. Un ballon perdu dans un jardin, une voiture garée sur une place de parking. Jed et Duncan se croisent et se recroisent, se plaisent… se troublent. Tous deux résistent, mais à quoi sert-il de lutter quand l'alchimie est évidente ? Pourtant, si Jed, lui, accepte plutôt facilement ses sentiments naissant, Duncan va se battre contre les siens. Il a peur du regard de Jed, si ce dernier venait à apprendre sa profession. Mais plus que tout, il a peur d'aimer, peur d'être aimé. Ou de se tromper encore et de croire en se fourvoyant sur les sentiments de l'autre.

Une relation complexe, donc, très teintée d'ombres et de souffrance, dans laquelle interviennent de nombreuses problématiques, la maladie, physique ou mentale, ainsi que des histoires de vie terriblement difficiles et bouleversantes, qui vont se révéler petit à petit. Et à chaque fois qu'un progrès se fait, un élément va faire basculer la situation. Ce n'est même pas frustrant tellement on est ébranlé par les révélations que l'on reçoit peu à peu… Parfois, j'ai juste pleuré sur l'horreur ou l'injustice que la vie peut être pour certaines personnes. C'est tellement vrai, tellement vibrant qu'on se dit que oui, ce genre de choses existe…

Barjy L. a un véritable talent pour parler de sujets graves et terribles, pour nous émouvoir, nous toucher. Parfois nous faire pleurer, mais aussi, parfois, nous faire sourire. Et là, j'ai envie d'aborder à nouveau le sujet de Cooper. Au début, quand on découvre ce grand gamin de deux mètres de haut, comme les gens dans la rue on éprouve une forme de gêne, parce que oui, c'est déstabilisant, un enfant coincé dans un corps d'adulte. Mais que ce personnage est attachant, et émouvant ! Je l'ai aimé très rapidement, adopté, il m'a fait sourire, m'a touchée, ébranlée, vraiment marquée. Il est finalement un peu le soleil central de ce roman, même si le poids qui repose sur les épaules de Jed, à l'élever seul au quotidien, est parfois lourd et bien senti. Cooper, c'est le personnage qui va rapprocher nos deux héros. Et de loin celui qui m'a le plus bouleversée…

Les autres personnages qui gravitent autour de Jed et Duncan sont tous très forts et attachants. On n'a pas juste deux héros, ici. On a deux vraies personnes qui vivent entourée d'autres personnes, personnages bien travaillés, ayant leur personnalité, leur existence propre, leurs sentiments et vécus émotionnels. Je ne pourrais pas tous les citer, mais mention spéciale à Efrain, Dwight (qu'est-ce qu'il m'a fait rire !!), Danny, Mike et Abigail. Chacun apporte quelque chose de différent à nos deux héros, chacun va les aider à s'apaiser et à trouver leur chemin…

En conclusion, je suis très heureuse d'avoir surmonté le style des dialogues, parce qu'avec Jed, Duncan et Cooper, j'ai fait un merveilleux voyage, qui m'a profondément touchée. C'est une très belle histoire, dure et douloureuse, mais aussi émouvante et parfois drôle. Une histoire à découvrir.

Aurélie, pour le blog d'Amabooksaddict
Lien : http://amabooksaddict.blogsp..
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