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L'idée de départ est géniale : renverser le mythe de la guerre de Troie en féminisant l'épopée homérique. Les femmes muettes pendant des millénaires de l'Iliade ont désormais une voix forte qui n'est plus celle d'un choeur gémissant et se lamentant. Pat Barker sculpte les différentes figures de la femme ( épouse, veuve, mère, concubine ) autour de celle de Briséis, chargée d'être la narratrice.

Le roman démarre quelques mois plus tôt que l'Iliade. Lyrnessos, la capitale du royaume de Mynès l'époux de Briséis, vient d'être détruite par Achille. Briséis sera le trophée de ce dernier, forcée à partager sa couche avec celui qui a tué son époux et ses trois frères, rejoignant les autres femmes prises de guerre dans le camp des Grecs qui assiègent Troie depuis neuf ans.

La lecture est incroyablement immersive. On est directement et totalement plongé dans la cruauté de la guerre restituée de façon très sensorielle ( les rats, la puanteur des charniers, des corps, la sueur, les blessures ). Et dans ce chaos, Pat Barker explore parfaitement la tragédie de l'impuissance des femmes réduites à l'état d'esclaves sexuels et domestiques.

L'auteur ne s'appesantit pas sur le description des viols perpétrés. Les captives troyennes ont en elle quelque chose de douloureusement résigné, le temps a passé, nombreuses ont eu des enfants avec leurs bourreaux, certaines s'y sont attachées. Il y a bien quelques allusions aux séquelles de nuits difficiles, soignées à coup de graisse d'oie broyée dans des herbes médicinales. Même sans sentimentalisme ou sensationnalisme, le lecteur est tout autant en empathie avec ces femmes violées et échangées. le corps des femmes n'étant qu'un objet à travers lesquels les hommes luttent les uns contre les autres pour asseoir leur statut. Un passage est bouleversant, celui du sacrifice de la princesse troyenne Polyxène sous le regard de sa mère Hécube ( Pat Barker s'inspire ici de la pièce d'Euripide Les Troyennes ).

Il y a bien quelques longueurs, quelques anachronismes post MeToo, mais ce qui a perturbé l'appréciation de cette lecture, c'est le changement de braquet de l'auteure. Pourquoi quitter à mi-parcours la première voix de Briséis pour passer à la troisième personne, plus impersonnelle, plus masculine ? J'ai trouvé les raisons de ce changement assez opaques. On se retrouve avec des chapitres centrés sur Achille et qui reprennent des événements archi connus : la colère d'Achille lorsqu'Agamemnon lui ravit Briséis, son refus de participer aux batailles, son désespoir à la mort de Patrocle. le personnage d'Achille est très bien traité, le présentant comme un homme brisé par la guerre et une terrible mère, celui de Patrocle aussi, tous les deux empêtrés dans la violence de la culture patriarcale de l'époque. Mais moi il me tardait de retrouver le point de vue féminin, l'âme du roman.




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N'en déplaise à Jean Giraudoux, la guerre de Troie eut bien lieu. Et d'autres encore après celle-ci.
Le silence des vaincues, c'est l'Iliade au féminin. 
La romancière anglaise Pat Barker s'est penchée sur le champ de bataille le plus célèbre de l'histoire de l'humanité, la guerre de Troie.
Elle nous rappelle ici un récit vieux de plus de deux mille cinq cents ans et qui résonne encore à nos oreilles aujourd'hui, parce que depuis l'Iliade, ce n'est qu'un éternel recommencement...
Rien n'a peut-être changé depuis deux mille cinq cents ans, la guerre, la gloire, la grandeur, les ambitions, l'humiliation, la haine, la revanche, les forts qui écrasent les faibles, la mort au bout du chemin, tandis que certains résistent...
Entre toutes les femmes qui ont joué un rôle primordial dans la guerre de Troie, Pat Barker aurait pu choisir Andromaque l'épouse d'Hector, Cassandre la prophétesse, ou bien encore Hécube femme de Priam le roi de Troie et mère de toutes les Troyennes. Et pourquoi pas la belle Hélène pour laquelle des hordes de soldats vont s'entretuer durant neuf ans ? Non, sûrement pas la belle Hélène, les Troyennes la détestaient tant...
Alors, entre toutes les femmes de Troie, ce fut Briséis. Elle les incarna toutes à sa manière, ici dans ce texte sobre et magnifique et dans la plaine ravagée de Troie...
Briséis, reine de Lyrnessos, cette cité aux avant-postes de Troie qui ne résista pas à l'assaut des Achéens venus laver le blasphème et récupérer la belle Hélène.
Voilà neuf ans que cette guerre perdure !
Entre toutes les femmes de Troie, elle est la mère, la soeur, la cousine, la fille, la concubine... Elle est celle qui appartient désormais à Achille, le grand guerrier grec chef des Myrmidons...
Entre toutes les femmes de Troie, elle est muette et passive, elle est captive, faite prisonnière comme ses soeurs d'âme devenues esclaves comme elle, elle est un tribut, un trophée de guerre. Est-elle encore une femme ?
Comme ses soeurs d'âme, elle écarte désormais les jambes le soir pour accueillir celui qui a tué pas plus tard que la veille son époux, ses frères qui étaient encore peut-être des enfants... Celui qui demain reprendra son glaive pour tuer d'autres parmi les siens...
Est-elle encore une femme dans ce camp retranché où d'autres femmes jettent sur leur métier à tisser inlassablement des scènes de guerre, des scènes de vie, leurs déchirures à jamais inconsolables...
Briséis, elle est celle qui involontairement jeta la brouille dans le camp adverse, entre Agamemnon, roi de Mycènes et Achille le meilleur guerrier parmi les Achéens...
Jeta ce dernier dans une bouderie de gosse parce qu'on lui avait pris son jouet, son beau trophée de guerre...
Jusqu'à ce qu'on vienne le supplier sous sa tente en la personne d'Ulysse, excusez du peu ! On te ramènera Briséis...
Briséis, forte et fragile à la fois, plus seule que jamais...
Sa seule résistance c'est la compassion pour les siens, sa seule résistance c'est de ne pas vouloir mourir.
Panser les cicatrices, y compris celles des ennemis ; fermer les yeux des morts, y compris ceux des ennemis...
Et puis nager le soir dans la mer infinie, se laver de la barbarie dans les flots immaculés...
Le récit de Pat Barker offre la cruauté de la guerre, vécue de manière lucide et crue, mais convoque aussi dans ces instants tragiques et douloureux la pureté de la lumière que l'on est capable d'étreindre comme quelque chose de vital et de précieux...
L'amitié du bon Patrocle, frère et confident d'Achille, seul personnage à savoir contenir la fougue et les pulsions souterraines de son ami...
Et puis tant d'autres moments où Briséis oublie la guerre, se souvient, dans le fardeau de la mémoire. Quelques jours d'une paix lumineuse, entre parenthèse dans le bruit des glaives et du sang. Parfois, des guerriers endurcis au combat écoutent une esclave chanter une berceuse troyenne à son bébé grec. Instant de tendresse... Ou bien d'autres instants encore où les combats s'arrêtent pour respecter le deuil des deux camps...
Survivre avec cela...
L'écriture de Pat Barker dit cela avec la pudeur d'une beauté tragique.
A la lisière du monde, d'autres guerres sont venues depuis.
Entre toutes les femmes, Briséis est celle qui dit la douleur universelle des femmes, otages des guerres.
Je continue d'entendre sa voix par-delà les plaines et les remparts de Troie, deux mille cinq cents après...
Femmes humiliées, martyrisées, tondues, violées, sacrifiées... Que ce soient dans les faubourgs d'Aleph ou de Groznyï, dans les villes pilonnées d'Ukraine, ou les stades de Kaboul...
Elles ont toujours payé le prix fort...
Entre toutes les femmes de Troie, l'autrice n'avait que l'embarras du choix. Dire l'Iliade au féminin, à travers leur mots, leurs yeux, leurs gestes, leur non-dits, leurs blessures, leurs silences...
Et puis les laisser repartir vers d'autres guerres...
Entre toutes les femmes du monde...
Les laisser venir jusqu'à nous.
Dépassant la dimension romanesque, acceptant d'entrer dans une sorte de vibration universelle..., les accueillir, combattre désormais auprès d'elles ainsi...
C'est pour tout cela que j'ai aimé ce texte, dans cette sororité à la fois lumineuse et douloureuse.
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Le silence.

Celui qui s'en vient après le massacre. Celui qui blesse après la défaite.
Le silence.

Celui de celles qui n'ont pas droit au chapitre dans les récits de guerre. Celui de ces femmes tombées dans l'oubli. Dont la voix n'a pu se faire entendre.

C'est ce silence-là, tonitruant et viscéral, qui raisonne dans cette réécriture de l'Iliade, et qui donne une voix puissante, parfois crue, toujours passionnée, à ces femmes jetées dans le long fleuve intranquille de l'Histoire…

La Guerre de Troie a bien eu lieu mais tout n'avait pas peut-être pas encore été dit. Car si les événements racontés paraissent déjà bien connus, c'est l'angle choisi qui offre une nouvelle perspective. Celui des perdantes. Des prisonnières. A travers Briséis, reine brisée, capturée, et jetée dans le lit d'Achille contre son gré, s'élève une nouvelle version d'un mythe …

Le quotidien est alors raconté par cette reine déchue, devenue esclave, qui va se battre, à sa manière, aux côtés de toutes ces femmes passées dans le camp des vainqueurs.

Le silence des Vaincues est un roman résolument féministe, empli de ce mot à la mode, qu'il ne faudrait pas vider de sens, qu'est la sororité. Souvent violant, le récit n'a rien d'une guerre en dentelles et frappe par son réalisme. La langue est belle, sans dissimuler la réalité d'une époque où le sang est versé et l'innocence sacrifiée.

Un roman original, entre réécriture et réinvention, entre modernité et classicisme. Un roman étonnant à plusieurs niveaux qui mérite vraiment qu'on s'y attarde.
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La guerre de Troie vue par les femmes, unique je pense. Briséis, reine de Lyrnessos, est enlevée durant la guerre de Troie par Achille (689-690) qui a tué son mari et ses trois frères sous ses yeux. Elle devient son esclave, son trophée, obligée de partager son lit selon ses envies. Elles sont plusieurs vaincues à vivre ainsi, n'ayant aucun droit de parole, sont des objets utilitaires pour ces barbares, c'est tout. Je trouve dommage qu'elle ne soit pas la narratrice tout le long du livre et que Achille prend beaucoup de pages avec cette folie de mère morte quand il était enfant. Une grande partie est également consacrée à son amour pour Patrocle, seul à dégager un peu d'humanité pour Briséis. Pas de voyeurisme sur les viols, ce que j'ai apprécié, mais compensé par des scènes de massacres, les rats, la puanteur. Quelques longueurs, des dialogues pas très bons. Sujet, malgré tout, intéressant.
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Nous avons là une réécriture de la captivité de Briséis, reine de Lyrnessos, devenue esclave du plus célèbre des guerriers grecs, Achille.

Une réécriture bien décevante en vérité. Peu subtile, linéaire, sans grâce.
Le mythe antique devient une pâle critique de l'exploitation des femmes et de l'absurdité de la guerre.
Les dialogues sont d'une platitude confondante.

S'il suffit de combler les ellipses et les lacunes des mythes fondateurs pour faire une bonne histoire, n'importe qui peut s'inventer écrivain... Ou auteur de fan-fiction.

Livre très court, pas d'abandon donc. C'est d'une fluidité magistrale...
Vraiment un parfait exemple de ce qui se vend comme profond et puissant de nos jours, avec un texte lisse comme la peau du front d'un nouveau-né. Mais si vous balancez un peu de culture, surtout si c'est ancien, vous trouverez toujours des gens pour dire que c'est merveilleusement intelligent.

Mais je vous aime tous, hein. N'allez pas vous énerver, la santé avant tout !
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Il y a encore une semaine, je ne connaissais ni le nom de Pat Barker, ni le titre de son dernier roman paru en 2020, ni les éditions Charleston qui ont publié celui-ci en France. Après vérification, il s'agit d'un éditeur publiant uniquement des femmes et qui semble ne s'adresser qu'à des lectrices. Mais bien qu'ayant le tort d'être du mauvais genre, je n'ai pas eu peur de me lancer dans la lecture de ce roman présenté comme une version féminine et féministe de l'Iliade... Reprendre des événements historiques ou des mythes bien connus en changeant de perspective, c'est le genre d'exercice qui me plaît tout particulièrement.

Avant tout, il faut évacuer le bullshit marketing à base de "voix de toutes les femmes laissées muettes par L Histoire qui s'élèvent après 3000 ans de silence". D'une part, la seule voix que nous entendrons vraiment sera celle de Briséis, l'esclave dont Homère nous dit qu'elle fut donnée à Achille puis à Agamemnon, provoquant la fameuse colère du premier. D'autre part, quand on s'intéresse au sujet, on sait qu'écrire sur les vaincues de la guerre de Troie n'est pas une idée neuve, celles-ci ayant notamment inspiré à Euripide sa tragédie "Les Troyennes" vingt-quatre siècles avant #MeToo. Plus près de nous, on a un exemple de réinterprétation féminine (et misandre) de l'épopée homérique avec "La trahison des dieux" de Marion Zimmer Bradley. J'avoue d'ailleurs qu'en entamant "Le silence des vaincues" je craignais un peu le texte lourdement militant, avec des femmes fortes et courageuses opposées aux mâles bêtes et méchants... En réalité, on découvre dans ces pages un Achille en grand enfant plein de failles, un Patrocle en homme attentionné qui suscite la sympathie, et l'on trouve même des seconds rôles masculins présentés de manière très positive comme le médecin Machaon ou le vieux roi Priam.

Le roman part sur d'excellentes bases. La première partie sur les trois qu'il comporte est très convaincante, voire brillante. On a précisément ce qu'on est venu chercher : un autre regard sur la guerre de Troie, le mythe vu par le petit bout de la lorgnette. Ainsi on ne saura pas grand-chose des combats qui se déroulent hors-champ, et c'est tant mieux. Il n'y a rien d'épique ou de romantique dans le récit de l'infortunée Briséis, ce n'est que la triste réalité de la guerre vécue de l'arrière : l'ennui, la saleté, la maladie, le désespoir...

Et puis soudain, lorsque nous entrons dans la deuxième partie, patatras ! le bel édifice s'effondre. On cesse de tout voir à travers le regard de Briséis et les chapitres à la première personne alternent désormais avec des chapitres à la troisième personne, beaucoup plus classiques puisqu'on se focalise alors sur les habituels héros de la guerre de Troie. Pat Barker trahit ce qui semblait être son intention initiale, comme si, une fois confrontée aux faits narrés dans l'Iliade (Homère ne racontant pas toute la guerre de Troie, mais seulement les événements compris entre la dispute d'Achille et d'Agamemnon et les funérailles d'Hector) elle n'osait plus garder le cap qu'elle s'était fixé. On se retrouve donc plus ou moins avec l'histoire que nous connaissons depuis toujours, celle d'Achille pour l'essentiel... ce qu'admet la narratrice à la fin du roman, comme un aveu d'échec de la part de l'auteure. Cependant, une fois digérée la grosse déception de la deuxième partie et mes attentes revues à la baisse, j'ai pu davantage apprécier ma lecture, d'autant que les derniers chapitres se recentrent enfin sur le personnage de Briséis.

Autre chose qui, sans être rédhibitoire, m'a plutôt déplu : sans doute dans une volonté de "faire actuel" puisque c'est un des arguments commerciaux du roman (utiliser le passé pour mieux évoquer le présent), l'auteure a émaillé ses dialogues de vocabulaire familier (mais un guerrier grec qui s'adresse à un autre en l'appelant "mon pote", ça a tendance à briser l'immersion) et ne manque pas d'utiliser des concepts modernes tels que nos unités de mesures : centimètres, kilos, secondes... qui n'ont aucun sens dans un contexte antique. Dommage, car hormis ces quelques accrocs la reconstitution est crédible, on sent que Pat Barker connaît bien et respecte l'oeuvre d'Homère... Elle la respecte peut-être trop, d'ailleurs.

Au bout du compte, "Le silence des vaincues" aura été pour moi la parfaite illustration d'une lecture mitigée : beaucoup d'excellentes choses, et beaucoup de points décevants. Loin d'être un mauvais roman, il reste une honorable réécriture de l'Iliade, une parmi des dizaines d'autres... malheureusement pas aussi novatrice qu'elle aurait dû l'être, qui n'ose pas aller au bout de ses idées, et qui laisse un goût amer de belles promesses non tenues.
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Briséis, esclave d'Achille est le trophée de guerre offert à l'occasion de la prise de la ville de Lyrnessos. Étant l'ancienne reine de cette ville et apparentée à la famille régente de la ville de Troie, Briséis voit son destin totalement chamboulé et devient l'esclave d'un personnage sanguinaire aux multiples facettes.

Pat Barker offre une voix à ces femmes esclaves dans le silence des vaincues. Tues dans les oeuvres de références et souvent mises en arrière-plan dans les différentes adaptations modernes, Pat Barker nous offre ici un roman passionnant et scandalisant sur les conditions de ses femmes qui fait écho aux destins des femmes des camps vaincus de n'importe quelle guerre.

Le silence des vaincues est un roman percutant. On suit le quotidien de ses femmes oubliées devenues esclaves. Alors que beaucoup préfèrent la mort, d'autres doivent devenir les domestiques et les esclaves sexuelles des hommes qui ont assassinées de sangs froids leurs maris et leurs frères. le silence des vaincues, en se penchant sur le destin de Briséis, permet également de proposer un regard plus proche du récit d'Achille et de Patrocle. On y découvre également une description précise et passionnante du quotidien de l'immense camp de guerre qui assiège la ville de Troie.

Passionnée par l'Histoire de la Guerre de Troie, j'y ai découvert un nouveau point de vue passionnant. le silence des vaincues est un récit travaillé et passionnant à découvrir qui propose une réflexion sur le destin de ses femmes oublies des camps vaincus qui en perdent totalement leur condition d'humaine.
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Achille est un colérique, et un vaillant combattif. Il choisit la fille du roi de Lyrnessos, Briséis, parce qu'il a tué 60 hommes en un jour, comme trophée.
le pillage des villages voisins de Troie, plats en or, meubles rares, tapis somptueux étant terminé, les vaincus tués, les grecs commencent la répartition des récompenses, les jeunes filles. En fait, des choses. Chacun sa chacune.

C'est, uniquement dans le livre de Pat Barker, elle, Briseis, qui sort du silence pour raconter son passage vers l'esclavage, car dans la vraie vie, elle doit se taire. Achille l'essaie au lit, ne la voit pas, ne la regarde pas, il l'exhibe, il ne soucie pas de ce qu'elle pense, et curieusement, elle même ne le sait même plus.

Dépossédée d'elle même, de fille de roi elle est esclave.

Pourtant, lorsqu'Agamemnon (obligé de rendre Chryséis à son père pour éviter que la peste continue, la peste envoyée par Apollon, pro troyen) s'empare d'elle, Achille l'enfant colérique que sa mère Thétis a abandonné boude, refuse de combattre, s'enfonce dans sa fameuse colère que Platon justifie en « saine colère » : ne pas accepter l'inacceptable. Il ne veut pas perdre une seconde femme.

Pat Barker nous embarque donc dans cette histoire d'Homère, à sa suite elle décrit la faiblesse et la couardise d'Agamemnon, sa manière de livrer ses concubines aux soldats, sa volonté de pauvre type de garder d'abord Chryséis puis Briséis pour lui, le désastre à venir du coté grec qu'il provoque puisqu'Achille refuse de combattre et que lui ne sait pas combattre.

A cette époque là en Grèce, puisque Pat Barker , quelle bonne idée, donne la parole à Briseis, le traitement des femmes est abordé, la guerre vue du côté des vaincues. Pas forcément mieux, d'ailleurs, d'être fille de roi que d'être esclave, les femmes doivent, toujours et partout, se taire, rester dans l'ombre, se voiler, ne pas regarder les hommes en face, rester cloitrées, ne pas exister sauf au lit.

A cette époque là, en Grèce, avaient lieu les sacrifices humains. Achille dans son désespoir d'avoir perdu Patrocle, égorge douze jeunes troyens, puis tous ses chevaux et même ses chiens sur le terre- plein avant l'inhumation.
Sur la tombe d'Achille, la fille de 15 ans de Priam, Polyxène, sera égorgée.
Georges Bataille parle de la « part maudite », le fait que les esclaves de guerre étaient si nombreux que les tuer importait peu.

Platon a bien essayé de condamner moralement dans « la République » ces coutumes, les Grecs ont essayé de prétendre que les sacrifices humains étaient le fait des Egyptiens, des Perses, et des Barbares du Nord, en fait, ils le faisaient.

Pat Barker le mentionne d'ailleurs sans trop insister, alors que dans de nombreuses pages elle nous détaille le lavage du corps d'Hector, tué par représailles de la main d' Achille.

C'est un livre avec beaucoup de longueurs, beaucoup trop de longueurs, et à la fois plein de très bonnes pages, avec une super idée de départ, donner la parole aux dominées, mais finalement on ne sait presque rien de ce que pense Briseis sauf qu'elle doit se taire et qu'elle observe Achille ( qui préfère mourir jeune et couvert de gloire plutôt que vieux et oublié de tous. ) fou d'amour pour sa mère Thétis, la néréide qui plaide la cause de son fils auprès de Zeus ( tableau d'Ingres ) et fou d'amour pour Patrocle, un humaniste avant l'heure.
Finalement, on connaît mieux les hommes de l'Iliade que les pauvres esclaves. Les dominants.
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Un autre regard sur la guerre de Troie, pas celui de tous ces héros grecs, fiers et braves au combat, mais celui des femmes troyennes devenues esclaves des grecs, elles aussi dignes et courageuses dans leur combat et leur chagrin.
Oubliez la guerre de Troie racontée par Homère, ce récit poétique et légendaire, mettant en scène des héros grecs et troyens, chaque camp étant soutenu par diverses divinités comme Apollon ou Athéna.
Imaginez plutôt des femmes libres et dignes autrefois, épouses, mères, filles, vaincues, avilies, battues, violées, captives de guerriers grecs qui ont tué les leurs sous leurs yeux. Passant de mains en mains, portant les enfants de leurs bourreaux.
Invisibles, impuissantes, silencieuses, les femmes ont la parole dans ce beau roman. Je me suis laissée emporter par la belle écriture de Pat Barker, et j'ai passé un excellent moment de lecture.

*
Devenue trophée de guerre de celui qui a massacré sa famille, le grand Achille en personne, Briséis, reine de Lyrnessos, cité alliée de Troie, raconte sa terreur face à la sauvagerie des hommes et son combat pour survivre.

« Je fais ce que d'innombrables femmes ont été forcées de faire avant moi. J'écarte les cuisses pour l'homme qui a tué mon mari et mes frères. »

*
Son regard éclaire la guerre de Troie sous un nouveau jour où les héros de la mythologie ne sont que des hommes inhumains, brutaux et froids, avides de gloire, de conquête et de sang.
Le siège et le pillage de sa cité, puis celle de Troie condamnent les femmes et les jeunes filles troyennes à une vie de souffrance et de labeur, esclaves silencieuses d'hommes puissants et barbares, violeurs et assassins d'enfants.

*
L'écriture fluide et précise de l'autrice retranscrit bien les pensées de la jeune reine, elle plonge le lecteur dans le quotidien des guerriers et de ces femmes captives, observatrices muettes de la férocité des combats, des luttes de pouvoir entre les chefs de clan, des soirées d'orgie, de beuverie et de viols.
Bien malgré elle, Briséis sera au centre des discordes entre Achille et Agamemnon : elle deviendra un enjeu de pouvoir entre les deux hommes et fera basculer le destin d'Achille et la guerre de Troie.

*
« le silence sied aux femmes. »

Même « conditionnée pour obéir », Briséis, spectatrice de son propre destin, porte un regard plein de sagesse, de force et de clairvoyance sur le monde qui l'entoure.
Loin des récits glorieux et mystérieux de la mythologie grecque, ce récit, magnifiquement écrit et raconté, violent, parfois cru, résolument très féministe, a une portée très moderne, très actuelle, au vue de la couverture.

*
Roman de la rentrée littéraire 2020, « le silence des vaincues » fait entendre la voix des femmes dominées, offertes, asservies, violées, utilisées. Récit engagé nous rappelant que les guerres d'aujourd'hui, les victoires et les défaites, se bâtissent sur des charniers et sur la souffrance des pays vaincus, sacrifiant les plus faibles, les plus fragiles.
Un très beau roman sur le courage des femmes.
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Les années ont passé depuis la chute de Troie. Briséis, reine puis captive, se souvient de cette époque et prend la plume pour nous raconter sa rencontre avec Achille.
Epouse de Mynès, roi de Lyrnessos en Cilicie de Troade, Briséis assiste impuissante à l'invasion des Grecs, la chute de Lyrnessos et à la mort de son époux et de ses trois frères. Offerte en trophée à Achille, le héros de la guerre, elle entame une vie de prisonnière soumise en compagnie d'autres femmes.
Une ré-écriture du mythe d'Achille, du point de vue des femmes prisonnières de leur bourreau et de leur difficile condition de vie.

Le roman démarre fort avec la description du pillage de la ville et des combats. Des scènes assez gores s'enchaînent et le lion Achille est bel et bien représenté comme tenant plus de l'animal que de l'humain.
Une fois les combats terminés, c'est une autre violence qui s'exerce.
Les femmes n'ont pas le temps de pleurer leur époux, frère ou fils. Elles sont données en récompense aux vainqueurs. C'est sur cet aspect de l'histoire que l'auteure va insister. A travers le témoignage de différents caractères, entre celles qui se résignent, celles qui s'adaptent et celles qui périssent, Briséis nous raconte le quotidien de ces femmes soumises aux caprices de leur maître.
Loin de la légende dorée qui entoure Achille, Briséis va nous dépeindre un homme taciturne et brutal, traumatisé par l'abandon de sa mère. Là où la plupart des récits dépeignent la relation de Briséis et Achille comme une histoire d'amour, l'auteure prend un virage totalement différent. Briséis se soumet parce qu'elle n'a pas le choix. Achille la répugne et elle ne connaîtra que la rancoeur vis-à-vis de cet homme. Patrocle est représenté tel que dans les mythes : un soutien, une oreille et une épaule compatissantes.
Le récit suit la trame de la mythologie originelle mais l'auteure s'attache à déconstruire tout le romantisme et l'éclat du héros tels qu'ils apparaissent dans les écrits des anciens.

Et puis soudain l'incompréhension. Au détour d'un nouveau chapitre, le journal intime de Briséis est remplacé par le point de vue des deux guerriers Achille et Patrocle.
Je n'ai pas du tout aimé ce changement. J'ai trouvé qu'il n'apportait rien de spécifique au récit. Autant on peut comprendre le point de vue de Briséis, à travers le prisme de son esclavage forcé, autant donner voix aux conquérants en lieu et place des lamentations des femmes cela ne tient pas. le récit est comme cassé. Je n'avais pas très envie d'avoir leur point de vue même si l'absence de Briséis dans le camp d'Achille aurait pu justifier, pour tenir au mythe original, d'introduire ces personnages.
L'auteure aurait pu tout aussi bien continuer sur sa lancée et décrire la situation dans le camp d'Achille par le biais d'une autre servante.
J'ai même eu du mal à retrouver de l'intérêt pour la complainte de Briséis dans la reprise de son journal intime.

A partir de là, j'ai trouvé des longueurs dans la suite du récit et des situations parfois incohérentes.
Une lecture qui ne m'aura pas franchement marquée ni emballée.
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