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Critique de Acerola13


Pourquoi la Syrie n'a-t-elle jamais renoncé à assoir sa domination sur ses voisins ? Quels sont ses liens réels avec la Russie ? Comment un homme en est-il venu à la dominer pendant plusieurs dizaines d'années ? Et surtout, comment comprendre pourquoi certains Syriens regrettent aujourd'hui le régime totalitaire d'hier ?

L'histoire de la Syrie est vaste, complexe, extrêmement complexe même. Xavier Baron fait le choix de la débuter au milieu du XIXe siècle, qui marque les mouvements violents d'une population composite faite de minorités brimées, et de majorité mécontente de la tutelle imposée par l'Empire ottoman. Chiites, druzes, sunnites, juifs, chrétiens d'Orient subissent tour à tour la violence des uns et exercent la leur, ce qui permet aux puissances occidentales de légitimer un droit de protection à l'égard des populations de confession chrétienne, même si ce sont souvent les intérêts économiques qui priment : qui aurait cru qu'une association sur les intérêts français au Levant se serait formée dans la ville de Lyon, sous l'égide de grands hommes d'affaires de la région Rhône-Alpes ?

Remarquablement construit et subtil, l'ouvrage de Xavier Baron nous dévoile de multiples traits méconnus de la société et de l'histoire syrienne, qui permettent de mieux comprendre la complexité de ce pays, qui, en plus d'avoir été l'épicentre d'un des plus grands Empires de l'Antiquité, comprenait, avant le démantèlement de l'Empire ottoman, le Liban, la Cisjordanie, la Jordanie, Israël ainsi que le Sandjak d'Alexandrette...

Si l'histoire ne permet pas d'effacer les exactions commises de part et d'autres des belligérants, elle permet toutefois de saisir les peurs, les espoirs d'un peuple qui s'est battu sans relâche pour son indépendance, tandis que ses élites, formées en France et en Angleterre, s'inspiraient des modèles européens pour tenter de créer une démocratie syrienne.

Comment résumer deux siècles d'histoire ? On oublie trop souvent, entre autres, que la Syrie fut administrée par les Français, disposait d'un lycée français dans sa capitale, envoyait ses élites faire leurs études en France, et surtout que la France offrit refuge à de nombreux Syriens réfugiés politiques d'un régime qui les menaçait. Comment ne pas s'étonner dès lors de la vision étriquée qu'affiche notre gouvernement quand il annonce vouloir "soutenir les groupes rebelles", lorsque l'histoire franco-syrienne démontre que ces groupes changent, qu'ils n'ont pas tous un objectif commun, et que le champ de bataille qu'est la Syrie oppose tout sauf deux adversaires définis !
Qu'en est-il de la position syrienne face au panarabisme ? Et de sa tentative de République arabe unie avec l'Égypte ? Des fondements du parti Baas, qui désirait une société laïque centrée sur l'arabisme, mais où tous ses habitants, quelle que soit leur confession, reconnaîtraient l'aspect primordial de l'Islam en tant qu'héritage de cette culture arabe si souvent saluée ?

Xavier Baron n'en oublie pas pour autant les liens étroits entre la Syrie et Moscou, ainsi que l'Iran, les nombreuses tentatives de négociation avec Israël, les retournements diplomatiques avec la Turquie, longtemps premier partenaire commercial de la Syrie, l'histoire des minorités, que ce soit les Alaouites ou les Druzes, ou encore la vieille rivalité qui dressent Damas et Bagdad l'une contre l'autre.

Un ouvrage magistral sur un pays que l'on rêve bien vite de visiter, et que l'on regrette de voir plongé dans un conflit supplémentaire d'une violence inouïe, conflit dont les Syriens ne sont plus les maîtres au vu des groupuscules internationaux et aux objectifs très différents qui agissent de partout.

À lire donc, puisque face aux évènements actuels, chacun devrait pouvoir saisir - au moins en partie - l'ampleur du désastre et les erreurs commises qui l'ont précédé.
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