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EAN : 9782956638605
76 pages
Éditions de la Lanterne (01/12/2018)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Profit sur ordonnance a l’apparence d’une fiction d’anticipation angoissante. La trame se noue autour des enjeux de la commercialisation d’un antidépresseur dangereux, le Bienet’Mor, évalué pour ses effets indésirables par le comité de vigilance européen. En toile de fond, patients et professionnels de santé confrontent leurs inquiétudes du quotidien, dans un système médical qui les dépasse, les déshumanise et les broie.
L’un d’eux, un neurochirurgien en plei... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Couverture du livre de théâtre :
Elle est intéressante, en noir et blanc. le docteur, tout sourire, se trouve dans la partie blanche et les patients, abattus, dans la partie noire. Cette disposition semble ainsi suggérer que le médecin est porteur d'une purge des maux immédiate qui fera rentrer les patients dans la partie blanche, celle du bonheur, de l'absence de souffrance, purifiés psychiquement et corporellement.
Le médecin qui se tient en face d'un sac rempli de billets prescrit des tonnes de pilules à ses patients en leur délivrant à l'aide d'un interrupteur. L'idée d'automatisme du recours aux médicaments est ainsi déjà présente. le patient, désespéré de parvenir à la zone blanche, tient déjà dans sa main la somme d'argent destinée au praticien.

Les thèmes du livre sont ainsi présentés par cette couverture pourtant très simple. L'absence de réelle écoute des médecins motivés par l'argent, la crédulité des patients qui ne sont plus que des consommateurs abrutis, le recours excessif aux médicaments.

Résumé et analyse (partie 1) :
Tableau 1 :
Une série de patients vont chez le docteur pour diverses raisons (volonté de maigrir, volonté d'arrêter de fumer, déprime, hyperactivité de l'enfant, …). Le toubib enchaîne les visites sans s'attarder, n'écoute parfois pas les patients et fait du recours aux cachets une évidence, une obligation et une solution miracle aux problèmes de chacun. En parallèle, la patientèle semble plus ou moins convaincue face à cette solution qui pour les uns est très convaincante et pour les autres assez inappropriée face à leur situation.
Il s'agit ici de questionner l'attitude du guérisseur qui ne voit plus ses patients comme tels mais bien comme des clients dont la quantité influe sur son salaire. Son recours systématique à la prise en charge médicamenteuse semble totalement inadaptée à certains cas et celui-ci joue très peu son rôle « social », d'écoute des personnes souffrantes qui parfois auraient plutôt besoin d'un soutien psychologique. En parallèle, certains patients, alors même qu'ils semblent avoir des doutes quant à l'efficacité du traitement imposé n'exposent pas leur point de vue et se laissent faire au lieu de réagir face à l'absurdité manifeste de l'attitude du médecin notamment dans le cas de la patiente moins dépressive que déprimée à cause d'un chagrin d'amour et à laquelle il diagnostique tout de même sur la base d'un simple questionnaire une dépression sévère.

Cette même malade se retrouve plus tard dans l'oeuvre.
Trois de ses amis exposent ainsi leur vision quant à la manière dont celle-ci devrait gérer sa dépression. L'un lui conseille de se bouger et au pire de se détendre en prenant de la drogue, l'autre préconise l'utilisation de médicaments et enfin le dernier lui suggère une thérapie.
Ici chacun donne son avis sur une situation qui ne les concerne pas. Au lieu de soutenir leur amie, ils la juge. Il s'agit ici de remettre en question les visions que chacun peut avoir sur la dépression et l'usage des traitements. Pour certains, la thérapie ne concerne que les « dingues », pour d'autres la dépression n'est qu'une maladie imaginaire et il faut savoir faire face aux épreuves de la vie et pour d'autres, les remèdes régleront tout. Or, il ne devrait pas être question d'un débat ici mais d'un véritable questionnement autour de ce qui fonctionnerait le mieux pour la personne qui traverse une phase dépressive et de ce qui pour elle semble être la meilleure solution, d'autant plus qu'aucun n'a véritablement raison ou tort.

Tableau 2 :
La mère de l'enfant hyperactif est au yoga avec une de ses amies et lui raconte le contenu d'une émission de radio qu'elle a entendue à propos de l'hyperactivité dans laquelle les enfants hyperactifs sont décrits comme de futurs potentiels délinquants sexuels. Persuadée de l'hyperactivité de son fils (celui-ci répond à ses maîtresses, bouscule ses camarades, …), la maman est prête à tout et surtout à utiliser tous les traitements possibles pour éviter cela.
Ici, la responsabilité des patients notamment vis-à-vis de l'auto-diagnostic est mise en exergue. Il s'agit de remettre en question nos comportements et notre propension à croire n'importe quel expert ou à dramatiser des situations pourtant communes : un enfant est souvent agité.

Tableau 3 :
Dans cette scène, un père de famille cherche un remède naturel pour son fils de six mois dont le nez coule. La pharmacienne qui le reçoit, au mépris de la volonté du père, préconise un médicament chimique. Les autres clients s'agacent du temps que prend le père qui tente de connaitre les composants du traitement. Celui-ci, à force d'être pressé, à la fois par les clients et la pharmacienne elle-même qui semble étonnée de la demande du père, finit par exploser et envoyer paître chaque individu.
L'attitude du père est ici méfiante vis-à-vis de l'industrie du médicament notamment car son enfant est très jeune. Malgré ce réflexe de méfiance qui peut sembler légitime, la réaction de la pharmacienne caractérise le manque de considération que peut parfois avoir le corps médical vis-à-vis des méfiances que peuvent avoir certains patients et le refus de proposer des solutions alternatives comme la phytothérapie. Les autres clients eux ne sont pas non plus à négliger. Leur attitude montre bien que chacun est pressé de se fournir en médicaments comme s'il s'agissait d'une queue de supermarché.

Résumé et analyse (partie 2) :
Tableau 1 :
Des psychiatres rédigent la 5ème édition du DSM. Parmi eux, un neurochirurgien est souvent opposé aux idées soumises. Le principal débat animant la rédaction de ce DSM est celui d'exclure la perte d'un proche comme excuse à une dépression. Ainsi, la dépression pourrait être diagnostiquée alors même que le patient viendrait de perdre un proche. le neurochirurgien du groupe est ainsi absolument opposé à cette correction qu'il juge totalement absurde. Qui n'a jamais été affecté par la mort d'un proche de manière profonde ? Qualifier la dépression sans tenir compte d'éléments extérieurs, voilà en résumé ce que propose ce comité. Or, cette nouvelle définition est ressentie par la psychiatre comme la porte ouverte à tous les abus.
Le problème dénoncé ici est la création de nouvelles maladies ou l'extension de maladies déjà existantes afin de toucher un panel plus large de « clients » et ainsi vendre plus.
Le tableau est ici fait d'une véritable industrie du médicament qui ne cherche qu'à maximiser son profit et non à venir en aide à des personnes en souffrance.

Tableau 2 :
La société commercialisant le Bienet'Mort, un nouvel antidépresseur qu'elle sait dangereux mais dont elle a trafiqué les résultats afin de le faire passer pour inoffensif, cherche a maximiser ses profits en poussant les médecins à prescrire ce nouveau médicament à la place des autres notamment en offrant aux médecins des avantages (dîners, places à Roland-Garros, …). La société doit également faire face au mécontentement de patients victimes d'effets indésirables dévastateurs. Le neurochirurgien, désabusé, souhaite notamment révéler les mensonges de l'entreprise mais celle-ci fait pression sur lui en lui proposant de financer un projet permettant de soigner le cancer plus facilement.
L'industrie du lobby est décrite dans toute sa splendeur avec ses soudoiements, ses pressions et ses mensonges. Le neurochirurgien apparaît ici comme le dernier rempart à une industrie qui le dépasse. Pourtant, malgré ses bonnes résolutions, celui-ci n'est pas en mesure de lutter. Il s'agit ici de montrer les deux grands cas types de médecins confrontés aux lobbys. Certains acceptent sans sourciller les directives des lobbys en leur faisant naïvement confiance en échange de cadeaux et d'autres tentent d'y résister après avoir agi avec eux sans pour autant pouvoir s'y opposer longtemps. Aucun ne peut être véritablement blâmé et pourtant aucune des deux situations n'est souhaitables alors même qu'elle dépeint la réalité.

Remarques de style :
Une pièce qui semble inspirée du théâtre de l'absurde de Ionesco et Beckett. Certains dialogues sont répétés plusieurs fois de suite dans les mêmes propos, ce qui peut évoquer Beckett. Les médecins rédigeant le DSM se métamorphosent petit à petit en sorte de corbeaux rappelant les tenues portées par les médecins lors de la peste noire. Cette métamorphose peut évoquer celle de Rhinocéros de Ionesco.

Le petit plus :
Un auteur qui cite ses sources ! Pour une fiction, c'est plutôt rare, ce qui est appréciable. Le lecteur est libre d'aller consulter les ressources qui ont contribué à la rédaction de l'oeuvre.

Remarques finales :
Même si cette pièce n'est pas une claque car elle n'apprend rien de plus sur le sujet à des personnes déjà informées (comme l'auteur l'a d'ailleurs reconnu), elle reste très intéressante dans la mesure où elle permet au lecteur de remettre en question ses propres attitudes vis-à-vis de la prise de médicaments parfois devenue spontanée. Ainsi, pour un simple mal de tête, qui n'a jamais eu recours à un médicament alors même que ce mal était supportable ? Simplement par réflexe.
De même, si les médecins prescrivent par convenance du Doliprane quasiment à chaque consultation, pourquoi nous, patients, nous laissons-nous faire et acquiesçons à cela alors même que nous savons pertinemment que notre armoire à pharmacie en est pleine ?
La pièce se veut ainsi comme une piqûre de rappel : il est du devoir de chacun, égrotants comme médecins, de se responsabiliser dans la prise de médications afin que celle-ci ne se transforme pas en une consommation, un automatisme, lié au final à une peur de souffrir irrationnelle.

Gagné avec Masse Critique et Lu en février 2019.
Editions de la Lanterne / Prix : 13 €.
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Il n'y a pas besoin de faire de longs discours pour évoquer un sujet sensible. A travers ces quelques lignes, l'auteur aborde un sujet contemporain qui parlera à chacun d'entre nous. La couverture met de suite dans l'ambiance, on sait que nous sommes gavés de médicaments... Mais encore faut-il, parfois, ne pas être complètement pris dans l'engrenage de cette médication à outrance. Rien n'est simple... A travers cette pièce de théâtre, l'auteur dénonce la sur-médicalisation mais surtout la prescription à outrance de médicaments sensés aider à se sentir mieux. La France est la championne de l'anti dépresseur, de la prescription à outrance. Cela vient-il des patients ? Des médecins ? Ou des groupes pharmaceutiques, qui ne voient que le profit à travers le marché du mal de vivre. Sous ses airs de fiction d'anticipation, cette pièce, pose un diagnostique sur l'influence des industriels. Les Français consomment en moyenne 48 boîtes de médicaments par an. Toute notre vie est médicalisée, jusqu'à nos émotions les plus profondes. L'auteur ne cherche pas à faire du sensationnel, bien au contraire, le but est d'éveiller nos consciences, nous pousser à prendre du recul dans cette auto-destruction. Pour autant, certains aspects sont un plaidoyer contre notre système de santé et je dois dire, que même si certains éléments me parlent, concernant l'auto-médication, à vouloir trop bien montrer le négatif, un côté moralisateur vient se greffer entre les lignes. Sans apporter une réponse, ni modifier totalement, les habitudes, le but de l'auteur est honorable et les malades sont bien (malheureusement) manipulés, au détriment de leur bien-être. A qui cela profite-t-il ?...
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Texte théâtral d'un auteur français : deux handicaps, double peine… J'avais tout à fait conscience, en sélectionnant Profit sur ordonnance lors de la Masse Critique de janvier, que la lecture de cette pièce me retrancherait de ma zone de confort tant elle détonne dans mes habitudes littéraires. Et puis je me suis souvenu qu'il y a une part de hasard dans cette opération, que celui-ci fait parfois bien les choses, et que le goût du risque et de l'aventure paie de temps en temps. Des ondes de sympathie semblaient émaner du livre. L'industrie pharmaceutique étant mon domaine professionnel, le thème du texte de Lindsay Barralon a fait « tilt » illico presto. C'était aussi comme une oeillade provocatrice à l'adresse de mes quelques années d'atelier théâtre contemporain, dans un passé lointain. La cerise sur la crème glacée est arrivée avec le cachet postal de l'enveloppe, en provenance de la région lyonnaise dont je suis originaire. Un point que les Éditions de la Lanterne et moi avons donc en commun.

     La pièce se compose de deux parties. La première — plus insignifiante en proportion et en substance — est l'enchaînement d'une poignée de conversations de la vie quotidienne entre des patients et leurs proches, leur médecin, leur pharmacien… L'ensemble dépeint la vision alarmante d'une société hypochondriaque, sur-consommant et sur-hippocratisant — tout dépend le côté du bureau du cabinet médical duquel on se trouve. Si l'ambition de ce préambule est de poser les jalons d'une fiction d'anticipation angoissante, nous nous situons presque à la frontière de la science-fiction, selon moi. L'univers exposé par l'auteur s'éloigne démesurément d'une réalité tangible pour prétendre pendre au bout de notre nez telle une menace imminente. L'impact s'en retrouve amoindri, mais mon véritable blâme est infligé au style poncif des dialogues, qui donne à cette première partie un faux air involontaire de discussions de comptoir. Mentionner le scandale du Mediator dès la deuxième scène n'a fait que raffermir ce sentiment d'écriture par lieux communs. Si ce premier acte peut paraître dispensable, il a néanmoins le mérite d'offrir un cadre et un contexte à la seconde moitié de la pièce, construite également par la succession de courtes scènes. Une représentante de laboratoire, une présidente de l'audition publique, un neurochirurgien et quelques psychiatres peu scrupuleux viennent étoffer la distribution. L'alternance des tableaux — audition publique et commission de création du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux — focalisent les dérives du lobbying pharmaceutique sur la mise sur le marché d'un médicament fictif, le Bienet'Mor, avec les syndromes dépressif et bipolaire en filigrane. Si ce parti pris est discutable, le marché du mal de vivre constitue un sujet de réflexion dans l'air du temps, et l'honnête entreprise de collecte d'informations par l'auteur est palpable et honorable.

     Si Profit sur ordonnance s'attire la disgrâce de l'humble lecteur que je suis, c'est avant tout pour la vision unilatérale qui en est rendue. Les malades sont tournés en dérision par des personnages caricaturaux. Leurs contreparties sont bien souvent anti-médecins, anti-traitements, anti-sécurité sociale, etc. Les représentants des métiers du médicament, quant à eux, n'inspirent qu'antipathie. Même le neurochirurgien, qui semble pourtant disposer d'un esprit sceptique en état de marche, finit par prendre une décision contestable — selon l'angle de vue. La pièce entière m'est apparue comme un réquisitoire à charge contre notre système de santé. L'auteur déclare que des personnes lui ont dit que ce texte est comme une toile d'araignée où l'on ne voit que la corruption de l'industrie pharmaceutique. C'est très justement ce qui m'a incommodé. Je mets un point d'honneur dans la conservation de mon libre arbitre, et penser avec la tête d'un autre m'est un exercice particulèrement difficile…

     En définitive, ma déception à l'égard de ce livre est d'autant plus cuisante que la quatrième de couverture paraissait terriblement accrocheuse. J'étais dans l'attente. Alors qu'il se défend d'être moralisateur, le texte l'est indirectement — à mon sens — tant le discours y est orienté et peu nuancé, pour les raisons énoncées dans le paragraphe précédent. Je ne peux nier le fait que si l'industrie pharmaceutique était altruiste, des structures comme l'AFM-Téléthon n'auraient pas lieu d'exister. Je garde néanmoins à l'esprit qu'elle améliore aussi les conditions de vie de nombreux patients et leurs familles, ce qui est porteur de solidarité et une richesse dans l'exercice professionnel. S'il prétend questionner ce système, Profit sur ordonnance n'est pas en mesure de donner matière à ma réflexion, ni de susciter la prise de recul escomptée. Enfin, le « sens de la répartie au style efficace et incisif » laissait présager une ribambelle de répliques satiriques et destructrices. Seulement deux m'ont interpellé, mais il manquait ce soupçon d'impertinence pour qu'elles méritent d'être immortalisées dans la section « citations » — alors qu'il s'agit là de mon passe-temps littéraire de prédilection. Bien évidemment, j'admets volontiers qu'un texte théâtral ne révèle pleinement son potentiel que lorsqu'il est servi par une excellente mise en scène et un jeu d'acteurs hors pair.

     Les derniers mots de cette critique vont à la postface. À peine plus d'une page. L'auteur y décrit avec éloquence ses intentions, parvenant à défendre avec ferveur son projet. Si la pièce n'a pas su provoquer l'interrogation dubitative espérée, j'ai néanmoins de nombreuses questions pour Lindsay Barralon en ce qui concerne sa démarche, qui demeure fort intéressante. En dépit de ce que je viens d'écrire, la corruption du monde médical reste un sujet appelant l'attention de chacun. Construire un spectacle vivant autour d'un thème comme celui-là — qui de prime abord semble difficilement s'y prêter — est un défi auquel l'auteur s'est risqué, n'en ayant que plus de mérite.

Merci à Babélio et aux Éditions de la Lanterne — qui, je l'espère, ne me tiendront pas rigueur pour cet avis personnel et sincère.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
C'est la course, la course au risque zéro, la course à l'immortalité, le culte de la santé parfaite et totale. La quête incessante du médicament.
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