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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
«  J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand- Père et , par ricochet , celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui n'avait jamais été , en espérant aider les vivants et libérer les morts . J'ai pensé que je pouvais le faire pour apaiser mon père . Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée » ..

Tels sont les mots prégnants de l'auteure , une comédienne , devenue une jeune femme , qui conte l'histoire de sa famille.
Jusqu'à la page 145 , le lecteur s'empare avec émotion, de ce témoignage précieux , cette quête essentielle qui éclaire notre histoire récente sans plus. Une histoire de plus à propos de la 2ème guerre mondiale ?

À partir de là ,TOUT CHANGE ET S'ÉCLAIRE : Mais qui était ce «  JUSTE  » , ce résistant dont la mère , son épouse se refuse à parler ?
Enfermée dans sa douleur ?
Elle se complaisait dans la peau de la veuve.

La femme qu'elle fut s'éteignît avec l'être aimé .

Cet Albert Barraud, dont une rue de Bordeaux porte le nom , dans sa quête essentielle , ce roman autobiographique magnifiquement écrit , délicat, touchant révèle , met en lumière les morceaux éparpillés de cette histoire fracturée , amputée par la folie des hommes .

Qui est ce résistant , médecin chef dévoué ,dans le revier du camp de concentration de Neuegamme , ayant lutté pour la survie de ses compagnons de galère , ces prisonniers auprès desquels il jouera un rôle protecteur ?
Pourquoi l'auteure se heurtait à un MUR de silence , celui de sa grand- mère «  qui jamais ne laissa échapper la douceur d'un seul souvenir » ?

Il était pour ses deux fils, sans le vouloir un lourd fardeau et pour ses petits enfants un fantôme très présent ...

Roger Joly , son compagnon de quatre - vingt treize ans révélera à l'auteure un témoignage précieux , poignant , capital .

Marie Barraud entreprendra même un voyage vers la mer Baltique avec son frère , elle dénouera enfin les fils et les noeuds serrés qui entravaient les douloureux liens familiaux .

Il s'était battu pour un monde meilleur , il est resté jusqu'au bout durant cette sombre période de notre Histoire .
«  Il est écrit qu'il n'y a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime et l'amour qui fut le tien , comme la plupart de ces médecins , était celui que tu éprouvais pour l'humanité toute entière » ..

C'est un livre bouleversant, profondément émouvant par sa sensibilité, sa limpidité, ses mots forts , sa beauté poignante, son authenticité , écrit avec le coeur .
Il met les larmes aux yeux , on toune la dernière page , bouleversé ....


Avec ce livre la jeune comédienne a enfin brisé le cycle de douleur, d'ombre , de solitude , LES BLESSURES qui ont tant pesé sur les fils d'Albert et ses petits - enfants .
«  Je suis doué d'une sensibilité absurde ; ce qui érafle les autres me
déchire » .
Gustave Flaubert , lettre à George Sand, 10 mai 1875 .
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L'émotion n'est pas retombée. Une dizaine de jours après avoir refermé ce livre, en larmes, il a suffi que je le reprenne en mains, que je parcoure les premières phrases pour que l'émotion me serre à nouveau la gorge. Ils sont rares les livres qui s'impriment en vous avec autant de force. Il faut croire que celui-ci touche chez moi une zone très intime que j'ai bien identifiée mais dont je ne dirai rien ici. Mais c'est l'écriture, précise, tendre et attentive qui parvient à ce résultat.

Ce roman est à la fois un témoignage qui éclaire notre histoire encore trop récente, cette période de la seconde guerre mondiale dont nous pensions à tort avoir fait le tour des horreurs et une fantastique déclaration d'amour d'une fille à son père. le cadeau d'une vie.

"J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand-père et, par ricochet, celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui ne l'avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J'ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée".

Ce grand-père dont personne ne parle est pourtant un héros. Médecin dans la région bordelaise, résistant dès les premières heures, Albert Barraud a été arrêté par les allemands en 1944 et déporté dans le nord de l'Allemagne. Il est mort en 1945 dans le bombardement par les alliés d'un paquebot dans lequel leurs geôliers avaient entassés les derniers survivants du camp. Quelle est donc la raison de ce silence ? Où chercher la source de la colère qui anime le père de Marie à l'évocation de ce père trop tôt disparu ? La jeune femme se lance alors dans un long et ardu travail d'investigation, entre archives et rares témoins encore vivants afin de partir à la rencontre de ce grand-père dont l'influence pèse comme une chape de plomb sur le monde des vivants.

Le voyage de Marie est dans la veine de celui que Severine Werba nous a relaté dans le très émouvant Appartenir en 2015. La quête essentielle, celle qui consiste à rassembler les morceaux d'une histoire familiale fracturée par le destin et la folie des hommes. Connaître et affronter le passé afin de pouvoir continuer à construire l'avenir. La plume délicate de Marie Barraud avance avec force, justesse et mesure. Mais ce qui irradie, tout au long de cette lecture, c'est l'amour. Sans cet amour, comment jouer correctement son rôle de passeur ?

Non, l'émotion n'est pas retombée, je pleure encore rien qu'en revivant ma lecture pour tenter d'en témoigner dans ce billet. C'est une belle émotion, croyez-moi, loin d'un quelconque sentimentalisme. C'est une émotion qui naît de l'expression de sentiments vrais. Un très beau cadeau, à son père et à ses lecteurs. Merci.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Autant vous le dire tout de suite, j'ai été bouleversée par la lecture de ce magnifique 1er roman.

Dès l'incipit, je suis happée :

Seuls ne meurent vraiment que ceux que l'on oublie.

Nous voilà au Château des Arts à Talence en Gironde. Là, le Docteur Albert Barraud et son épouse élevèrent leurs enfants, deux garçons, Max aujourd'hui kiné et le père de la narratrice, dentiste. Sur fond de 2ème guerre mondiale, une voix résonne au château "Maman, maman, papa a été arrêté !" Dès lors, la vie de la famille Barraud ne sera plus jamais la même. le Chef de famille deviendra Directeur du Service de Santé de l'Organisation Civile et Militaire (O.C.M.), il sera ensuite déporté en 1944 à Neuengamme et mourra au large de Lübeck à bord d'un navire, le Cap Arcona. L'histoire de cet homme sera cachée jusqu'à ce que la narratrice, Marie, la petite fille d'Albert Barraud, se mette en quête de l'itinéraire de son grand-père.

Ce roman m'a profondément touchée tout d'abord je crois, par l'initiative prise par une petite fille qui veut comprendre ce qui s'est passé, et à travers l'histoire de son grand-père, découvrir qui elle est, d'où elle vient. Elle savait ne pas pouvoir compter sur son propre père qui restait muet sur la génération d'avant, marquée à jamais par l'absence de cet homme, et qu'elle ne savait pouvoir affronter, un peu comme si le respect et l'amour qu'elle vouait à son père l'empêchaient de pouvoir échanger avec lui.

"Il est le seul adulte avec qui je ne sais pas être adulte. Je ne parviens pas à me défaire de cette parole sacrée et remets systématiquement en question mes opinions quand elles lui sont opposées." P. 22

Marie Barraud sait que sa vie dépend de ce passé dont le secret devient trop lourd à porter, elle mesure à quel point sa vie à elle s'inscrit dans les pas des deux hommes, son père et avant lui son grand-père :

"Notre vie peut prendre chaque jour la forme de nos folies, mais elle reste finalement, le prolongement des vies de ceux qui nous ont précédés." P. 74

Avec cette quête, Marie Barraud focalise sur les souvenirs et leur fragilité. Elle va rencontrer un survivant du camp de Neuengamme qui va l'aider à découvrir le rôle de son grand-père dans cette grande guerre. Elle va mesurer avec cette rencontre à quel point il est difficile d'assurer ce devoir. le fardeau de ceux qui ont vécu les événements et en sont revenus pourrait bien être aussi lourd à porter que celui de ne pas s'avoir et de s'évertuer à le découvrir.

"Il semblait s'être promie de ne jamais oublier. Rien. Pas le moindre détail. Au nom de tous ceux restés là-bas." P. 87

Mais plus encore, en cherchant à découvrir le passé de son grand-père, Marie Barraud va apprendre, un peu malgré elle, beaucoup de la vie des deux enfants, son père et son frère, les rivalités entretenues entre les 2 garçons pendant leur plus tendre enfance et qui ne manqueront pas de s'accroître avec les années. Elle va ainsi apprendre à cerner ce personnage qu'elle vénère tant aujourd'hui et à qui elle va dédier ce livre qui se trouve à la limite entre un roman et un récit de vie. Elle offre une profonde marque d'amour à ce père et espère pouvoir le libérer d'un poids dont lui-même n'a jamais voulu ou pu s'émanciper, rongé qu'il était par les regrets.

Enfin, grâce à cette initiative, la narratrice va aussi créer des ponts avec son propre frère, Benjamin, qui va lui aussi jouer un rôle aux côtés de Marie, une bien belle manière de donner du sens à ce que peut représenter une fratrie.

Les dernières pages sont d'une très grande émotion. D'ailleurs, en parlant d'émotions, je trouve que la plume de Marie Barraud sait décrire avec les mots justes les sentiments et cette incapacité de l'individu à pouvoir maîtriser leur expression :

"Mais la plus belle comme la plus sombre des émotions ne peut être saisie par des mains, même les plus courageuses." P. 124

Ce livre témoigne s'il en était encore nécessaire que le simple fait de pouvoir poser des mots sur ce que l'on ressent peut être un premier pas vers un mieux-être, une meilleure santé psychique.

"Parce que cette douleur n'a jamais été soulagée par des mots, elle s'est exprimée par des maux qui, sans ton intervention, auraient hanté encore ta descendance." P. 183

S'agissant d'un livre, nous pourrions bien parler là de bibliothérapie, non ?
Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
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Voici encore un livre écrit par une femme, Marie Barraud, sur l'histoire de sa famille et qualifié de « roman » par l »'éditeur. Roman familial, sans aucun doute puisqu'on y trouve la recherche des souvenirs d'un grand-père disparu, mais « roman » de fiction avec l'invention d'une trame, la création et la mise en scène de personnages, nullement. Je ne sais pas pourquoi il semble devenir inconvenant de qualifier de recherche (auto) biographique l'écriture de sa propre histoire et de celle de ses parents.

Il s'agit ici de Marie Barraud, comédienne, (c'est fou le nombre de comédiens qui écrivent!), qui part à la découverte du docteur Albert Barraud, son grand-père, illustre résistant à l'hôpital St André de Bordeaux et qui a laissé son nom à une avenue et des écoles dans cette ville.
Curieusement, son père et son oncle n'ont jamais voulu lui parler de lui. Une sorte de gêne flotte au-dessus de la conversation à chaque fois que la jeune Marie tente de faire parler son père au sujet du sien. Comme dans nombre de romans de ce type, c'est la lecture de documents anciens qui va permettre à Marie de faire la connaissance de cet homme idéaliste, qui plaçait son engagement de médecin au-dessus de ses propres sentiments de père et de mari.
En sa qualité de médecin, il est investi de l'organisation de l'hôpital St André à Bordeaux et y soigne des blessés de guerre, Français et Allemands, réservant une aile secrète aux maquisards et résistants dont il parvient à sauver la vie. Dénoncé, arrêté, il poursuivra sa mission au camp de Neuengamme situé sur l'Elbe, en Allemagne. Des scènes insoutenables sont racontées, souvenirs d'un ami d'Albert, l'un des quatre rescapés de ce camp sur des centaines de prisonniers...Et c'est le souffle coupé qu'on apprend par quelle ruse machiavélique les Allemands ont réussi à vider le camp avant l'arrivée des troupes de libération, faisant des centaines de morts aux toutes dernières heures de la guerre...Une horreur ! D'autant plus effroyable qu'elle était parfaitement inutile.
Jusqu'à la page 145, on est intéressés, émus mais on se dit qu'il s'agit là de l'un de ces multiples récits sur les camps, tous utiles mais dont on croyait avoir épuisé la nouveauté.
Et puis c'est le choc... Pour elle, pour son frère, pour nous lecteurs. Car enfin s'incarne ce grand-père qui de héros de L'Histoire devient chair de l'histoire de Marie et des siens. On n'est peut-être pas concerné é, parce qu'on n'a pas eu de déporté dans sa famille, mais on est totalement impliqué, bouleversé, parce que ce cheminement-là, c'est celui de tout être qui cherche qui il est, de quelles histoires il est la résultante. Et on aimerait connaître cette Isabelle qui a tenu la plume de Marie et lui a permis de rendre chair et vie à son grand-père et, ô combien plus essentiel ! d'aider son père à trouver sinon le bonheur du moins la paix.
.

Un livre-témoignage, un de plus pourrait-on penser, mais face aux idées fascisantes qui se refont un lit, face aux théories négationnistes qui couvent encore, aucun témoignage n'est inutile. Il faut même graver dans le marbre les souvenirs de ceux qui ont vécu l'horreur. Bientôt, il n'en restera plus un pour raconter.

On dit qu'il faut des centaines, des milliers d'années pour que la nature digère les déchets en plastique dont nous la polluons. de combien d'années, de générations, la guerre a-t-elle besoin pour qu'enfin s'effacent ses traces dans le coeur et l'esprit de ceux qu'elle a meurtris ? Combien encore pour que les hommes cessent de jouer à la guerre ?
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Ce n'est pas vraiment un roman puisqu'il s'agit du vécu de l'auteur.
C'est émouvant, captivant, poignant.
Marie, enfant, portait « un amour démesuré » à son père. Son « petit coeur éprouvait de grandes difficultés à contenir et à gérer un tel sentiment ».
« Il était mon tout.
Mon socle.
Ma maison.
Mon idéal . »
Aujourd'hui, elle perd encore son assurance face à son regard, mais elle veut enfin le questionner, savoir pourquoi personne ne parle jamais de son grand-père paternel. Blocus. « Il a fallu que j'attende d'avoir trente-cinq ans pour poser des questions, et c'est à trente-cinq ans que j'ai compris que le sujet était tabou. »
Elle veut atteindre la carapace de son père : « Toute une vie de non-dits que j'ai tenté de bousculer. »
Son enquête atteindra son but : « aider les vivants et libérer les morts. »
Que d'émotions, de chocs, de révélations bouleversantes pour récupérer la part manquante de son passé. Car on est la continuité de nos aïeux.
Au-delà de la quête personnelle, ce livre nous replonge dans l'enfer des camps.
On ne peut qu'en sortir bouleversé.
Je félicite Marie pour sa détermination et suis heureuse pour elle qu'elle soit libérée du poids des silences.
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« J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand-père et, par ricochet, celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui ne l'avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J'ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée. » Roman qui raconte de façon magnifique le traumatisme qui perdure de génération en génération . Rythme parfaitement maîtrisé, mots justes.
Marie Barraud merci. Votre roman pour lequel j'avais un a priori en lisant le résumé m'a émue, emportée, et m'a amenée à reconsidérer quelques évènements autour de moi de façon positive.
Pour un premier roman !!!! BRAVO
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Il est ainsi des écrits qui laissent des traces indélébiles. Parce que vous vous dites que vous auriez pu, que vous devriez peut-être, qu'il serait, aurait été bien de vous plonger, vous aussi au fond de votre âme, de faire revivre votre mémoire, de parler, d'interroger, de chercher et surtout de ne pas lâcher. Parce que pour préparer un avenir joyeux, ou tout au moins vivable, il faut d'abord solder le passé. Parce que les mots, toujours les mots, surtout les prononcer, ne rien taire, tout cracher, le bien, le mal, la douleur, les regrets et les remords. Parce qu'on ne se construit pas sur des faux-semblants, des non-dits, des mystères, parce qu'on peut en mourir. Pour tout ça, je le répète, il est des écrits qui laissent des traces indélébiles et celui de Marie Barraud "Nous, les passeurs" en est un.

Je l'ai lu en une nuit d'insomnie, ce premier roman. Je l'ai refermé, il était quatre heures, plus que trois avant que le jour ne se lève et je me suis endormie avec la voix, que j'imagine douce, de l'auteur. Car c'est d'elle dont il s'agit qui part à la recherche de ce grand-père dont personne ne veut parler. Son grand-père paternel, Albert Barraud, médecin à Bordeaux, grand résistant arrêté par la Gestapo et emmené au camp de Neuengamme en Allemagne. Ce grand-père est un héros qui aurait pu maintes fois s'évader mais n'a jamais voulu quitter ses compagnons d'infortune. Il voulait les protéger, les soigner jusqu'au bout. Il mourra "bêtement" le 3 Mai 1945.

L'auteur organise tout un travail d'investigation à l'aide d'archives et de rencontres, de visites, de recherches, de recoupements. le récit de cette quête nous permet, de remonter le temps, de fréquenter les lieux, d'entendre des voix, de sentir… de comprendre. Et au regard de l'émotion ressentie lors d'une visite du camp de Mauthausen, alors que je n'étais en rien concernée à titre personnel, je peux imaginer l'insoutenable douleur à la vue des lieux dans lequel Albert avait "survécu" tant de jours.

L'écriture est délicate, fine, débordante d'amour et de sensibilité. Tel un sauveteur qui plonge en eau glacée pour secourir un nageur de la noyade, Marie n'a de cesse de vouloir sortir son père de la colère, du désespoir dans lesquels l'absence du père l'a laissé. Il aurait souhaité un père et non pas un héros. Marie a su le lui rendre, à lui, mais aussi à elle qui désormais peut commencer à vivre.

Premier roman éblouissant.

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" Seuls ne meurent vraiment que ceux que l'on a oublié."

A la recherche du mal qui ronge sa famille, Marie Barraud entame en 2014 des recherches sur son grand-père Albert. Ce grand-père disparu en 1945 est un sujet tabou pour sa grand mère mais aussi pour son père et son oncle. Son père s'est construit dans le déni "il a étouffé l'image du héros paternel, source de son chagrin". Elle veut aussi comprendre la colère qui étouffe son père, comprendre pourquoi il en veut autant à son père de l'avoir "abandonné" en leur préférant ses malades. Elle regrette de ne pas avoir questionné sa grand mère aujourd'hui décédée, de ne pas avoir fouillé dans le grenier à la recherche d'indices... "Beaucoup de mots étaient enfermés dans les combles de cette vieille maison, attendant qu'une voix vienne les énoncer pour qu'enfin ils soient entendus."

Arrêté en avril 44 sur dénonciation, déporté en mai au camp de Neuengamme en Allemagne, Albert Barraud alors âgé de 37 ans était un chirurgien, résistant actif, chef de réseau. Pilou, le père de Marie, faisait alors ses premiers pas sous l'oeil attendri de sa mère et de son grand frère Max de cinq ans son aîné.
Marie Barraud retrouve rapidement Roger Joly, un compagnon de déportation de son grand-père, et recueille auprès de lui des informations essentielles sur ce qu'ils ont vécu ensemble. Elle se nourrit des mots de tous ceux qui ont croisé la route de son grand-père et a l'impression de le rencontrer physiquement et "construit les souvenirs d'une vie que le destin leur a dérobé. "
Elle va découvrir ainsi l'histoire de son grand père et nous brosser le portrait d'un médecin pour qui le serment prêté passait au-dessus de tout. Doté d'un optimisme à toute épreuve, d'une inépuisable réserve d'espoir, il a été membre d'une organisation qui pratiquait des opérations chirurgicales clandestines à l'hôpital Saint-André près de Bordeaux puis, nommé médecin chef de l'infirmerie du camp où il a été interné, il a continué à poursuivre son unique objectif : sauver des vies. C'était un médecin de l'impossible qui a réussi à résister aussi dans le camp, n'hésitant pas à prendre de nombreux risques pour ses malades. C'était un homme courageux et bon qui tentait de transmettre de l'espoir à chaque survivant.

A travers ce grand-père retrouvé Marie Barraud rend un vibrant hommage aux médecins qui pendant la guerre ont eu des choix terribles à faire et ont dû parfois privilégier l'efficacité. Elle nous livre quelques anecdotes toutes plus émouvantes les unes que les autres, du gruyère pour simuler une tuberculose sur une radio à l'opération d'un soldat belge devenu aveugle.

Mais cette recherche va aussi lui faire découvrir les failles de son père, elle ne l'aimera pas moins mais cela contribuera à désacraliser cet homme à qui elle voue un véritable culte, un héros qu'elle a mis sur un piédestal, à qui elle voue un amour absolu mais face à qui elle a des difficultés à s'affirmer par manque de confiance en elle. Cette recherche va contribuer à la libérer et à lui permettre de vivre sa propre vie.

"J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand-père et par ricochet celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui ne l'avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J'ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée."

J'ai trouvé ce récit autobiographique au coeur de l'intime bouleversant et marquant par sa sensibilité, sa délicatesse, sa pudeur et sa justesse. Marie Barraud parle à merveille du poids des non-dits, du poids du héros disparu pour ses fils.
J'ai été frappée par la capacité de l'auteure à faire revivre son grand-père et à analyser avec une grande sensibilité le mal-être de son père, le pourquoi de sa colère et le pourquoi des relations difficiles qu'il a entretenues avec son frère. En réconciliant son père avec Albert elle lui a fait, ainsi qu'au reste de leur famille, un magnifique cadeau.
Je suis certaine de ne pas oublier la magnifique image de Marie et de son frère, passeurs de l'âme de leur grand père.

Ce premier roman est pour moi, avec Marx et la poupée de Maryam Madjidi , non seulement un des meilleurs de la sélection des 68 mais également un des livres les plus touchants que j'ai lus ces derniers temps. Je souhaite à Marie Barraud tout le succès qu'elle mérite.



Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai refermé “Nous, les passeurs”. D'une écriture simple et fluide, Marie Barraud nous retrace l'histoire des dernières années de la vie de son grand-père déporté pendant la seconde guerre mondiale, la vie et les manques et les fêlures de la famille suite à sa disparition tragique. Ce livre est un hymne d'amour pour son papa, pour sa famille et en quelque sorte un exutoire familial traduit par cette magnifique phrase “transmettre afin que nous puissions , mon frère et moi, être les passeurs de cette âme perdue”. Beaucoup de livres sortis récemment traitent de la seconde guerre mondiale, chacun sous un angle différent. Celui-ci m'a permis de connaître l'histoire de la fin du camp Neuengamme et des déportés qui y étaient détenus. Ce livre est fort très fort ! Merci les 68 premières fois pour cette découverte.
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"Nous, les passeurs" est le témoignage bouleversant d'une femme qui aime profondément son père et cherche à percer les secrets de sa famille. Si la petite fille idolâtre son père, elle sent qu'il y a en lui une colère, une rage, une profonde souffrance qu'elle n'arrive pas à s'expliquer. Devenue adulte, Marie cherche à déterrer le passé et à découvrir la vérité pour le bien-être de tous. Ses recherches vont l'entraîner sur les traces de son grand-père, le héros de la famille que tout le monde respecte mais dont personne ne parle. Un homme juste et bienveillant qui a joué un rôle important et sauvé des vies durant la Seconde Guerre Mondiale.



J'ai beaucoup aimé ce livre parce qu'il rend hommage aux disparus et met en lumière des faits dont j'ignorais totalement l'existence, mais aussi et surtout parce que Marie Barraud m'a beaucoup touchée par ses mots, son respect et la manière dont elle aborde ce sujet difficile et très intime. L'admiration sans bornes de la petite Marie pour son papa, son amour pour sa famille, sa soif de vérité et son envie de connaître ce passé qui est le sien m'ont vraiment émue. J'ai aimé suivre son enquête, son chemin de croix difficile mais nécessaire. J'ai aimé la manière dont elle nous parle de la transmission et du poids du passé. Il y a tant de choses que l'on cache par pudeur ou en croyant protéger les plus jeunes mais qui, d'une manière ou d'une autre, punissent les générations suivantes et les empêchent d'être libres. Et puis, on ne parle pas que des disparus, mais aussi de ceux qui restent. de ceux qui doivent vivre avec le vide, la douleur, le manque de réponses et l'impression d'avoir été abandonné.



J'ai aimé découvrir cette famille et les liens qui les unissent. Il y a beaucoup de justesse dans la manière dont l'auteur décrit les relations entre ces différentes personnages et ce qui a pu les éloigner ou les faire changer. Si le thème n'est pas du tout joyeux, Marie Barraud arrive pourtant à rendre ce récit lumineux car il est porté par l'amour, l'humanité et un besoin irrépressible de vivre. Quel bel hommage rendu à sa famille et aux victimes de guerre !



En quelques mots :

Un témoignage bouleversant. Une lecture enrichissante et très émouvante.
Lien : http://mya.books.over-blog.c..
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