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Critique de Sarindar


Je vous recommande chaudement la lecture de ce livre de Joseph Barry, journaliste et écrivain américain sur l'une des plus grandes femmes de lettres françaises : George Sand.
Aurore Dupin est née le 1er juillet 1804, alors que quelques semaines plus tôt un senatus-consulte proclamait Napoléon Bonaparte empereur des Français (acte parachevé par le couronnement du 2 décembre). "Elle est née en musique et dans le rose ; elle aura du bonheur", disait sa tante. le père, Maurice, est un militaire qui passe en coup de vent, mais qui est très aimant pour son épouse et pour leurs enfants. En septembre 1808, il mourra stupidement en faisant une chute de cheval - un animal rétif offert par Ferdinand d'Espagne, Ferdinand VII, pendant le passage de Murat dans la péninsule ibérique.
Notons l'affection des femmes et des hommes pour Aurore lorsqu'elle était enfant. Elle, elle a déjà du caractère : elle malmène ses poupées. Très tôt, elle porta pour la première fois un pantalon, car elle voulait ressembler à son père. A un prêtre qui n'est pas à sa tâche, Aurore, qui n'a pas sa langue dans sa poche, osa déclarer : "Si tu n'es pas curé, où est donc ta femme ? Et si es curé, où donc est ta messe ?"
Elle fut placée chez les Augustines, à Paris, dans la partie orientale du Quartier latin. "La vie en commun est l'idéal du bonheur entre gens qui s'aiment. Je l'ai senti au couvent, je ne l'ai jamais oublié" (in Histoire de ma vie). La nuit, on fait la chasse au fantôme : il faut délivrer l'âme errante d'une femme qui, autrefois, aurait été retenue captive, dans les sous-sols. Aurore, finalement, ne prendra pas le voile : elle avait caressé ce projet, mais sa mère voulait la marier.
Il valait mieux qu'Aurore s'adonnât à la lecture, tant qu'elle voulait. Tout y passa : Aristote, Dante, Bacon, Shakespeare, Montaigne, Locke, Leibnitz, Pascal, Rousseau. Elle se mit à fumer, on la vit aller a cheval, elle se mit à écrire, pour toujours : cela lui permettra d'entretenir la demeure de Nohant. Elle fera d'ailleurs de la comptabilité et de la gestion pour administrer le domaine. Pour la bien conseiller, il y a Deschartres, qui lui apprend à se vêtir en garçon, par esprit pratique. A cheval, elle éprouve du plaisir, et une sensation de force, de pouvoir. Elle veut dompter cet animal, dont un représentant a été la cause de la mort de son père.
Puis, comme l'écrit Joseph Barry, elle fait "un mariage hâtif". Tout valait mieux, pour elle, que sa mère. Elle épouse Casimir Dudevant, mariage rapidement expédié. Heinrich Heine, le poète, peindra son mari sous de vilains traits en insistant sur son "visage de béotien inexpressif". Ce vilain mari giflera un jour Aurore, qui en sera marquée, et ce sera entre eux le début d'un "divorce", qui n'en finira pas de s'annoncer, car le couple est vraiment mal assorti. Ensemble, ils auront tout de même deux enfants : Maurice, le "chouchou" de sa mère, né en juin 1823 et qui dévorera tout, même sa maman, et Solange en septembre 1828, la mal-aimée, et qui naquit peut-être d'une relation avec Grandsagne. le secret fut éventé et le poids de la culpabilité reporté sur sa fille.
D'ailleurs, entre ces deux naissances, Aurore s'en va à l'aventure. Avec Aurélien de Sèze, avec le naturaliste Jules Néraud (tombé amoureux, mais pour elle, c'était un ami), avec le très maladif Grandsagne, ce qui révèle un trait du caractère d'Aurore, qui aime jouer les soignantes (en même temps qu'elle déplore chez elle cette faiblesse qu'elle ne peut s'empêcher d'avoir pour autrui quand il semble seul, désarmé et chétif).
Et puis toujours un grand amour, pour un lieu, et c'est bien sûr Nohant : on mettait deux jours pour y aller, depuis Paris, et Aurore s'y rendait aussi souvent et aussi longtemps qu'elle le pouvait, car c'était son havre, son lieu de ressourcement.
Vient l'épisode avec Jules Boucoiran, amant éphémère et précepteur de Maurice. Aurore mène à présent une vie débridée et sans complexe. Elle se moque, semble-t-il, du qu'en-dira-t-on.
1830 est l'année du renversement du roi Charles X, et Aurore se passionne pour la cause et les idées révolutionnaires. Et il y a la collaboration et les amours avec Jules Sandeau : de cette histoire, Aurore gardera une marque indélébile, celle d'adopter le nom de Sand, contraction du nom de Sandeau ; Aurore Dupin va devenir George Sand (et le prénom à l'anglaise, sans s, marque l'emprunt). Mais, pendant ce temps, Sandeau s'épuise à aimer, et il s'essouffle.
Chez une amie, Marie Dorval, George Sand fit la connaissance d'Alfred de Vigny. Elle et lui ne s'estimèrent guère. En revanche, les deux femmes, Marie et "George" tombèrent dans les bras l'une de l'autre. Intermède saphique. Et Sandeau ira dans les bras de Marie Dorval quand celle-ci aura quitté ceux de George Sand et d'Alfred de Vigny. de George, Sandeau fait alors ce beau portrait : "l'homme ou la femme des transformations, sur la lisière des deux sexes". George noircit du papier, écrit livre sur livre.
Et elle continue de vivre intensément aussi : elle rencontre Alfred de Musset. Pour ce dernier, l'amour est juste un besoin, un état, un support. Quand ils s'écrivent, on dirait que ce n'est pas à eux-mêmes qu'ils écrivent et que, par-dessus leurs têtes, ils visent la postérité, comme le fait remarquer justement Joseph Barry. Musset n'est d'ailleurs guère fiable, il a double personnalité : d'un côté, c'est un petit enfant qu'il faut materner ; de l'autre, c'est un redoutable prédateur. Bientôt, George et Alfred s'affichent. Comme cela se voit, pourquoi se cacher ? George Sand est heureuse, quelque part : elle joue ici au papa et à la maman. C'est l'escapade en Italie, et qui ne dure pas. George quitte Venise le 24 juillet 1834 et rentre en France avec un certain Pagello dans ses bagages. Elle se lie d'amitié avec Liszt, et Musset en montre de la jalousie. C'est la lente rupture, une rupture répétée sans fin. Entre George Sand et Alfred de Musset, il y eut une passion plus qu'autre chose. Et pour finir, quand même, de vrais adieux sans le dire.
On voit graviter autour de George, Eugène Delacroix, Franz Liszt, Marie d'Agoult, l'abbé Félicité de Lamennais.
Et puis, elle arrive enfin à obtenir son divorce, officialisé, d'avec Dudevant. Maurice, qui ne demande pas mieux que d'être contre son père, l'aide dans cette opération.
Liszt, ami avec des Polonais, permet la rencontre entre George Sand et Frédéric Chopin. Sand était demandeuse. Rien de plus invraisemblable, apparemment, que cette union amoureuse entre un pianiste hypersensible et expatrié et une femme de lettres - ce que Chopin semblait avoir en horreur. Et pourtant, il va y avoir une idylle, parce que Sand semblait être réellement une admiratrice de Chopin et qu'elle voulait introduire dans sa vie un pianiste. Les pianistes étaient très aimés dans les salons, à cette époque-là. Imaginez le piano de Chopin installé à Nohant, et les flots de musique qui envahissent cette demeure, et l'impression pour le compositeur polonais de retrouver une famille, lui qui a dû laisser ses parents en Pologne. le malheur voudra que Chopin se mette entre enclume et marteau dans les relations triangulaires mère-fils-fille organisées autour de George Sand et plus ou moins subies par cette dernière. Il en paiera les frais, le pauvre, lui qui voyait en George un homme, alors que George avait tendance à le comparer à une jeune fille. Elle avait voulu faire de Chopin sa chose. Mais cette chose était assez fragile. L'hiver de 1838 à Majorque, la retraite amoureuse et créative dans l'écrin de la Chartreuse de Valldemosa, le plaisir campagnard de la vie à Nohant, les apports mutuels fort riches entre ces deux êtres, le vis-à-vis du square d'Orléans à Paris, tout cela vola en éclats en raison de querelles de famille. Leurs caractères s'accordaient-ils vraiment ? Chopin ne prit-il pas trop le parti de Solange contre sa mère ? Adieu "Chip-Chip", qui ne se remettra peut-être jamais de cet épisode douloureux et de la privation de cette vie de famille dans un cadre recomposé. le mariage de Solange avec l'odieux Clésinger, la maladie de Chopin qui se déclare, et ce dernier qui se voit mis de côté, puis exclu. Que de gâchis !
Nous croisons encore Pauline Viardot et Auguste Blanqui, que je tiens, peut-être à tort, pour un apôtre de la révolution permanente. Et surtout, elle écrit son maître-livre : Consuelo.
C'est 1848, et George devient l'un des anges de la Révolution. Mais quelle idiotie de faire la révolution quand ce sont des régimes bourgeois qui profitent finalement de tous les remous populaires. Certes Louis-Philippe a été chassé, mais Lamartine échoue et c'est Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, qui tire son épingle du jeu.
On voit maintenant parmi les connaissances de George, Mérimée et Tocqueville. Et puis il y a la mort de Chopin en 1849, place Vendôme, après un passage par la Grande-Bretagne pour fuir l'insurrection parisienne.
Georges Sand fit la connaissance d'Alexandre Manceau, qu'elle allait aimer en prodiguant des soins, car cet homme n'était pas moins tuberculeux que Chopin. Cet individu a cependant une grande force intérieure dans laquelle il puise toute son énergie.
Une amitié se noue avec Alexandre Dumas fils. Mais George Sand fuit l'atmosphère inquiétante de Paris, et c'est en train qu'elle regagne Châteauroux. Elle fit savoir à Napoléon III qu'elle ne jouerait pas les Germaine de Staël, comme l'avait fait cette dernière en prenant la posture d'opposante face à Napoléon Ier. Il fallait bien vivre. Elle écrivit des pièces de théâtre, moins bonnes que ses romans. Il y eut une grande représentation de Villemer en février 1864, à L'Odéon. Gustave Flaubert, grand ami de George Sand, y assista, pleurant à chaudes larmes. Baudelaire se montra moins tendre et affirma que l'heure de George Sand était passée.
Passons sur les derniers épisodes de cette vie : signalons juste la mort de Manceau en août 1865, le déplacement à Paris pour l'Exposition universelle en 1867, une belle soirée musicale à Nohant au cours de laquelle George se mit au piano pour interpréter Mozart et Gluck en juillet 1868, le refus d'engagement pendant les événements de 1870 et la Commune de 1871, et la mort à Nohant le 8 juin 1876, vers six heures du matin, lit tourné vers la fenêtre pour assister à l'aurore de son dernier jour. "Laissez verdure..."
On quitte à regret le très bel hommage rendu à George Sand par Joseph Barry.
Empressons-nous de retrouver au travers de son oeuvre cette femme, que l'on ne peut qu'apprendre à aimer.
Sa vie fut belle, ses écrits sont pleins de cette vie.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)




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