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EAN : 9782363391117
288 pages
Finitude (07/03/2019)
4.26/5   58 notes
Résumé :
James se sent à l’étroit dans son petit bureau new-yorkais du Chrysler Building, à l’étroit dans son métier de journaliste comme dans sa vie. Il travaille pour Fortune, le magazine le plus libéral du pays. Tout ce qu’il hait. Alors quand son rédacteur en chef l’envoie dans son Sud natal pour une enquête sur la vie des métayers en Alabama, James se sent revivre. D’autant qu’on lui adjoint pour ce voyage un jeune photographe inconnu avec lequel il s’entend d’emblée. L... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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« Ce soir là, je l'ai suivi depuis la fenêtre de ma chambre. J'ai vu sa voiture s'enfoncer dans l'obscurité, cette obscurité ne m'a pas quitté depuis. Je n'ai cessé de penser à ce qu'il s'est dit, à ce qu'il a senti. Parfois, en rêve, je vois avec ses yeux, je sens battre son coeur dans ma poitrine, je sens dans mes dents le fracas métallique de l'accident, le temps d'un éclair, je suis mon père ». James à sept ans et de cet instant naîtront tous les tourments de son existence.

Dès les premières pages, la puissance, la fluidité et la beauté de l'écriture de Rodolphe Barry saisissent. C'est impressionnant. Pour écrire cette biographie avec autant de réalisme, il doit y avoir un peu de Rodolphe Barry dans ce fascinant James Agee.

L'auteur est totalement inspiré et aspiré par son personnage ! Il sort cet homme de l'oubli et le fait revivre sous nos yeux ! J'avais l'impression que le titre de la biographie était « Honorer la fureur de vivre ». J'ai des lacunes en littérature américaine dont je ne connais que les classiques, mais j'avais vraiment le sentiment que ce récit était écrit par un auteur américain, j'étais captivée, en admiration !

Et puis il y a le personnage de James Agee qui n'est pas inodore et sans saveur et qui ne peut laisser indifférent et surtout indifférente. Cet être exalté, en quête d'absolu, vivra plusieurs passions. le roman se situe entre 1930 et son décès, en 1955.

Dans ces années 30, il faut bien gagner sa vie lorsque l'on est un jeune journaliste. A l'opposé de ses convictions, James va frapper à la porte du magazine économique Fortune. C'est la période de la Grande Dépression. Accompagné d'un jeune photographe Walker Evans, il va être envoyé en reportage dans la « cotton belt » en Alabama. Et là, c'est un choc, le choc !

C'est le cri de détresse, de souffrance, à la fois personnel et en relation avec ce qu'il découvre qui se substitue à ses propres tourments, les augmente, que va lancer James Agee.
James ne supporte pas la misère qui s'étale sous ses yeux, il bascule alors dans un puits sans fond de révolte et de détresse que Rodople Barry décrit parfaitement. le rendu de ces rencontres, de ces êtres que la Grande Dépression tue petit à petit est criant d'injustice, on ressent bien l'émotion qui envahit James, on comprend sa colère. de ce reportage germera son chef d'oeuvre « Louons les grands hommes ».

Page 46 - Dans leur respiration, il entend l'irrémédiable épuisement. A force d'attention et d'amour, il devient voyant et pénètre les corps et les âmes. Son expérience est celle du chamane « il voit : mais ce ne sont pas seulement leurs corps que je connais, leurs postures aussi, et leur pesanteur sur le lit et le plancher, de sorte que je repose à l'intérieur de chacun d'eux comme épuisé sur le lit, et je deviens non ma propre forme, mon poids propre, mon être, mais chacun d'eux et eux dans leur somme … ».

A travers son reportage sur les métayers de l'Alabama, ce sont toutes les injustices à travers le monde qu'il entend dénoncer.

Et toute la narration est de cette qualité, c'est bouleversant !

C'est le portrait d'un être tourmenté, oscillant entre l'espoir et le désespoir, entre l'enfer et le paradis, un bourlingueur capable de s'imposer la violence à lui-même, conditionné par son éducation catholique avec un côté mystique, se moquant des idéalistes mais lui-même rêvant d'un monde meilleur, évoluant entre fumée, benzédrine et scotch, dans l'impossibilité de rester fidèle, issu d'une mère austère, incapable d'affection, mais un écorché vif particulièrement attachant, particulièrement doué, un être qui est bouleversé par Proust, qui se retrouve dans Gauguin !

Il fuit dans l'alcool ce monde qui n'est pas fait pour lui, où il ne trouve pas sa place. Ce sont ses articles en sa qualité de critique cinématographique qui lui apporteront la reconnaissance des professionnels et du public.

Il soutiendra Charlie Chaplin lors des accusations portées contre ce dernier et Rodolphe Barry raconte une conférence de presse très émouvante à cet effet.

C'est une biographie époustouflante ! J'ai regardé les photographies de James Agee, sa séduction et sa révolte se porte sur son visage ! Doué, doté d'une intelligence émotionnelle, à l'écoute du monde qui l'entoure, il rencontrera les plus grands d'Hollywood !

« Il sourit. Dans le monde entier, il cesse de pleuvoir. On vient de faire une grande découverte. Lui et l'Autre sont en parfait accord. Et nous qui avons contemplé ce sourire, nous ne l'oublierons jamais » - John Huston

P.S. : Un clin d'œil à celles qui m'ont inspiré cette lecture : Fanfanouche et Blandine! Merci
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Alabama 1936. le journaliste James Agee et Walter Evans, un photographe, sont envoyés par le journal Fortune pour un reportage sur les ravages de la Grande Dépression. Mais ils ne vont pas faire ce que l'on attend d'eux : un point de vue économique et non de « la poésie de la marge ». Leur travail est refusé par le journal : trop engagé, trop subversif.

Après ce refus James décide d'en faire un livre mais les difficultés à le faire éditer (trop dérangeant dans sa description de la misère des métayers du sud) le ramènent à son métier de journaliste — il faut bien survivre, nourrir sa famille. « Critique littéraire ou cinématographique, article économique ou politique » selon le grand patron du groupe de presse qui emploie James « ses papiers sont les mieux écrits du pays. Chacun d'entre eux est une protestation, un défi lancé à la nuit de l'homme. »

On le voit le problème de James n'est pas un manque de talent. Par la suite ses livres sont publiés, il travaille pour les plus grands cinéastes, devient leur ami, mais possédé, obsédé, incorrigible, il fume et boit trop, connaît la solitude de qui établit ses propres règles. Sa fureur et sa détresse ont raison de lui alors qu'il n'a que 45 ans. C'est ce que raconte Rodolphe Barry avec le ton et les mots justes pour ressusciter James Agee ; de Honorer la fureur suinte toute l'énergie du désespoir de l'écorché vif, du trop sensible lauréat du Prix Pulitzer 1958 pour Une mort dans la famille, un livre autobiographique paru à titre posthume.

Merci à Babelio et aux Éditions Points (à enjie, michfred et fanfanouche aussi) pour la découverte de James Agee et Rodolphe Barry.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Il est des vies passionnantes comme des romans, vibrantes comme des hymnes, sombres  comme des tragédies et lumineuses comme des poèmes.

Pour les raconter , il faut des biographes inspirés comme des romanciers, qui habitent avec empathie et finesse leur "personnage", le rendent vivant sans le trahir, et font  revivre son époque, ses rencontres, son travail sans que leur documentation ne se sente ni ne pèse dans leur récit. Ces derniers sont souvent des écrivains tout court , aussi la rencontre d'un tel personnage  avec un tel biographe est-elle  plutôt rare.

Le genre biographique me paraît souvent intéressant mais pesant, c'est souvent un  patient travail de  reconstitution et de recherche plutôt qu'une oeuvre à part entière. Au mieux, une bonne biographie donne envie de découvrir un artiste, de lire un écrivain. Au pire, elle laisse l' impression d'un ennui instructif,  d'un devoir culturel.
Hu
Honorer la fureur -quel titre magnifique!- appartient à la catégorie des biographies exceptionnelles.

Rodolphe Barry est  un vrai écrivain. Que son premier livre ait été une Rencontre avec Charles Juliet dit assez de quelle étoffe il doit être fait.  

Rodolphe Barry est, à coup sûr,  une sorte de magicien qui a su faire revivre une époque, des lieux, et surtout un homme, jusqu'à nous donner le sentiment de vivre ses peurs, ses émotions, ses exigences, ses addictions, ses désillusions. Jusqu'à l'aimer et le comprendre comme un frère.

Cet homme, je ne le connaissais pas, mais je peux dire que je ne suis pas près de l'oublier!

Cet homme, c'est James Agee, mort à 46 ans, en laissant un des plus grands livres de la littérature américaine, parait-il, Louons maintenant les grands hommes-qui est d'ores et déjà sur ma table de chevet-  deux romans, un recueil de poèmes et un livre  de nouvelles, sans compter deux volumes sur le cinéma et des scénarios célèbres- pour ne citer qu'eux,  celui d'African Queen et de  La nuit du chasseur-  où il se montre un critique cinematographique exceptionnel et un auteur de films visionnaire.

James Agee : une montagne de passions et de contradictions.

Clochard christique et révolté,  anarchiste anti-capitaliste dans une Amérique de la réussite et de l'argent ,  gauchiste solitaire à l'heure redoutée de la chasse aux sorcières,  farouchement indépendant et terriblement démuni. Ami intime de John Huston et de Charlie Chaplin mais mouton noir du tout -Hollywood....Amoureux passionné, aiguiĺlonné par ses désirs,  et mari infidèle torturé de culpabilité. Fils affamé d'amour,  sevré de celui de son père adoré et mort trop tôt, frustré de celui de sa mère, froide dévote à  principes, mais père souvent défaillant. Travailleur forcené taraudé par la misère  mais  préférant en crever plutôt que faire une seule concession à sa liberté  d'écrire et de penser. Alcoolique et atteint d'une angine de poitrine mais ne s'épargnant jamais, brûlant la vie par les deux bouts.

Professionnellement, c'est un touche-à-tout aussi génial qu'incandescent!

Il est  d'abord journaliste.  Le très libéral  magazine Fortune -tout un programme!- l'envoie dans le Deep Douth, en proie à la grande dépression, pour une enquête de terrain sur les fermiers misérables des champs de coton.  C'est compter sans la passion , au sens christique, de James, flanqué de son ami photographe, Walker Evans:   l'enquête devient une rencontre humaine unique.

Pas question de rester simple observateur,  d'écourter un séjour qui se prolonge, et évidemment de  trahir ces paysans du Sud dont il a  plusieurs mois durant partagé la vie, la table et ...les punaises, en écrivant un article complaisant destiné au lectorat très conservateur du magazine!

Il n'écrira que ce qu'il veut, aussi longuement qu'il le faudra, et si on le censure, il partira!

Le journaliste en rupture de ban se fait donc  écrivain par empathie pour son sujet et par amour de la vérité qui tient à tant d'infimes details qu'il n'est pas question de sacrifier quoi que ce soit.Son "article " fait plus de 400 pages. C'est devenu un roman.

Nouvelles galères avec les maisons d'édition qui s'effrayent de ce brûlot et se repasseront la patate chaude jusqu'à ce qu'un certain Steinbeck se fasse connaître et enflamme la critique avec Les Raisins de la Colère. James a loupé le coche. La critique de son livre, qui parait enfin, est élogieuse, mais le livre est inclassable: il désarçonne. 

D'ailleurs James a le chic pour rater les coches.

Cinéphile et critique averti, il est devenu un scénariste qu'on s'arrache mais dont on redoute le caractère imprévisible: grand ami de Huston, il hésite trop longtemps à accepter de scénariser Moby Dick: un autre aura l'affaire. Laughton qu'il avait pourtant séduit  le voue aux gémonies pour son scenario-monstre de la Nuit du chasseur qu'il devra entièrement reprendre. Quant à son idole Chaplin, devenu un ami intime, il lui a écrit un film sur mesure...au moment où l'ami très cher quitte furtivement l'Amérique poursuivi par le Mac Carthysme..

Looser magnifique, poète maudit, "sombre héros de l'amer", James c'est tout cela, et bien plus encore, car la langue, les images, la puissance d'évocation de son biographe  font de lui un rebelle éternel voué à sa propre perte, un Don Quichotte de Manhattan, un Guevara de Mullholand Drive,  un Desdichado au soleil noir,  fascinant et attachant.

Il me tarde de découvrir son chef d'oeuvre .

Quelques lignes de celui-ci,  lues à l'enterrement de James par l'ami de toujours, le fidèle Walker Evans, sont comme une poignée de braises incandescentes qui en rallument le brasier :

"Honorer la fureur!  Toute fureur sur la terre  a été absorbée, le temps venu, en tant qu'art, ou religion, en tant que facteur d'autorité  sous une forme ou une autre...Le coup le plus mortel qui puisse frapper l'ennemi de la race humaine, consiste à honorer la fureur!"

Merci aux ami(e)s babeliotes qui m'ont donné le privilège de partager cet incendie!
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J'ai une sympathie et curiosité constantes pour cette petite maison d'édition indépendante...qui publie des trésors... dont celui-ci découvert présentement, au fil de recherches toutes azimuths !!!

"Pourtant je crois que l'esprit révolutionnaire se tient tout entier dans une protestation de l'homme contre la condition de l'homme ( James Agee / p. 89)

Je découvre cet écrivain , Rodolphe Barry, avec une jubilation sans nom, pour deux raisons fort importantes à mes yeux : son enthousiasme pour l'oeuvre de Charles Juliet... et pour James Agee, l'auteur de ce texte unique "Louons maintenant les grands hommes"...à qui il rend un hommage ici, dans ce texte, incroyablement enthousiaste...
et cerise sur le gâteau : je crois me souvenir que l'une des admirations sans bornes de Charles Juliet est justement ce "Louons maintenant les grands hommes", dont il parle à plusieurs reprises dans son Journal !!

C'est ainsi qu'à travers les livres adorés, admirés... nous nous construisons une famille de pensée...et de coeur !...

"Aussitôt et plus encore chaque jour passant, James est sidéré par ce qu'il découvre. Jamais il n'a vu d'hommes travailler aussi dur, aussi longtemps, aussi dignement. Jamais il n'a vu endurer pareilles conditions de vie. Chaque soir, il lit sur les visages hagards la trace de cet épuisement qu'on éprouve après avoir vécu ou assisté à un drame. Ici, la terre est sans ombre. La calamité est quotidienne. Face à cette pauvreté au-delà de la pauvreté, il comprend que son défi, à la mesure de son indignation, sera de maintenir vivante la mémoire de ces déshérités. "(p. 43)

Rodolphe Barry a une écriture des plus fluides, et poétiques nous entraînant avec bonheur et émotions sur le parcours unique et révolté de cet écrivain- journaliste, qui ne se laisse "dresser"par aucune institution ni aucune convention....

Tour à tour écrivain, journaliste, critique littéraire, critique cinématographique,scénariste, c'est un "bourreau de travail" qui brûle la vie par les deux bouts...persuadé qu'il mourra jeune comme son père...Il rencontrera , défendra Charlie Chaplin accusé de tous les maux...pris injustement dans une chasse aux sorcières !...Une amitié indéfectible les réunira à vie....comme il le sera de John Huston, avec qui il travaillera sur les scénarios de "Africa Queen" ainsi qu'avec Charles Laughton avec "La Nuit du chasseur"....

James Agee est un rebelle constant, qui s'insurge de toutes les injustices et comportements humains inacceptables ... Un écorché vif...tour à tour autodestructeur et créatif insatiable, très exigeant envers lui-même, vivant de façon permanente dans des "montagnes russes", désespéré, joyeux, amoureux, vivant, et à nouveau, retombant dans les ténèbres !!!

"Face à lui, il [John Huston ] pense : "James, si seulement tu pouvais t'entendre ! (...) Comment peut-on si bien éclairer les autres et demeurer à soi-même ce soleil noir ? Mystère ! " (p. 201)"

.Un idéaliste rempli d'empathie pour son prochain et pour les plus démunis...Il se moque de sa propre carrière, il dit tout haut ce que les autres pensent tout bas...toujours et encore !!...

"-A quoi vous sert de jouer au révolutionnaire ?
-Si vous entendez par là faire son travail comme on doit le faire, alors oui, je suis un révolutionnaire.
- Vous gâchez votre talent et foutez votre carrière en l'air !
-De quel talent parlez-vous ? La seule question qui m'importe est quel type de société veut-on contribuer à former. de quel côté est-ce que je me situe dans une société injuste et marquée par l'indignité. "(p. 57)

Une pépite que ce livre... je vais me plonger dans les autres textes de Rodolphe Barry que je suis très heureuse d'avoir découvert avec ce texte, précisément...
Et parallèlement, je vais regarder les autres écrits de James Agee (en dehors de l'inoubliable "Louons maintenant les grands hommes", lu il y a de nombreuses années !)...Merci à Rodolphe Barry pour ce grand moment de lecture...dont je lui suis fort reconnaissante !


Voir lien suivant :
https://addict-culture.com/honorer-la-fureur-rodolphe-barry-finitiude-2019/?fbclid=IwAR1pJh-HSElq-GhkXqKmQPR5xa_uV1u2y7ZWN7TZvfcQVt4xJAWM0peexyQ
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James Agee aura toujours voulu être connu et reconnu.
Il le sera finalement en se voyant décerner le prix Pulitzer... à titre posthume.

Rodolphe Barry aux commandes pour retracer le parcours aussi météorique que douloureux d'un écrivain perpétuellement en quête d'authenticité et de reconnaissance.

Orphelin de père à l'âge de six ans, délaissé par une mère qui préférera le confier à de lointaines institutions, il en gardera un trauma profond.

En 45 ans d'existence, il aura épousé moult gloires éphémères, l'alcool plus que de raison tout en vouant aux femmes un amour passionné à défaut d'être exclusif.

Homme de tous les excès, il personnifiait la révolte perpétuelle et les rêves de grandeurs déchus.
Amis des plus grands (John Huston, Charlie Chaplin perçus comme frères d'armes) comme des anonymes avec qui il se sentira plus d'une fois fusionnel, il marqua pourtant son époque en scénarisant des films aujourd'hui cultes à l'image d'African Queen et du mythique La Nuit du Chasseur.

La plume désabusée de Barry semble faire écho à l'esprit désillusionné et mélancolique qui habitait cet écrivain/scénariste/poète/critique maudit un brin décadent.

Il aura brûlé d'un feu sacré, parfois ses ailes, tout en jouissant d'une vie qu'il savait condamnée à brève échéance.
Honorer la fureur (mazette, quel titre !) semble coller idéalement à ce personnage découvert ici par le biais de Babelio et des éditions Points que je remercie au passage.

James Agee aura finalement laissé une trace indélébile, lui qui se revendiquait loser récidiviste.

Grand moment.
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Il observe les Burroughs : lui à l'allure animale avec son beau visage grave et ses yeux jaune clair un peu intimidants, elle et ses traits fins marqués par une peau trop tendue et une bouche pincée à cause de dents manquantes. Parfois, des âmes vous apparaissent sans écorce. Aucun mot ne pourrait dire leur attention subtile et fraternelle. Seule la plus douce et poignante des musiques en évoquerait l'humanité. Assis dans cette baraque de bois ouverte au vent de la nuit, auprès de ces silhouettes fantomatiques, James connaît le sentiment de celui qui, après de longues années d'errance, est de retour chez lui, parmi les siens.

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Aussitôt et plus encore chaque jour passant, James est sidéré par ce qu'il découvre. Jamais il n'a vu d'hommes travailler aussi dur, aussi longtemps, aussi dignement. Jamais il n'a vu endurer pareilles conditions de vie. Chaque soir, il lit sur les visages hagards la trace de cet épuisement qu'on éprouve après avoir vécu ou assisté à un drame. Ici, la terre est sans ombre. La calamité est quotidienne. Face à cette pauvreté au-delà de la pauvreté, il comprend que son défi, à la mesure de son indignation, sera de maintenir vivante la mémoire de ces déshérités. (p. 43)
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Son cœur se serre de n'avoir jamais suscité l'admiration ni même accroché le regard d'une mère passée sous l'influence d'un révérend austère. Est-il coupable pour ce qu'il est, pour ce qu'il fait ? Tout au long des étés indolents de son adolescence, il espérait en secret qu'elle le comprendrait et l'inviterait, même un seul instant, à poser sa tête sur ses genoux. Quelle consolation il en aurait puisée.

Page 13
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Ses mots étaient simples et vrais, et il savait écouter. Je lui ai raconté l'accident de papa, mes années de pension, mon besoin d'écrire, de chercher à saisir je ne sais quoi...Ce fermier me comprenait, dans chaque mouvement de son visage, dans l'éclat de ses yeux, je lisais qu'il me comprenait comme si nous nous parlions d'âme à âme : "On est tous faits pour quelque chose. Il faut parfois du temps pour le découvrir. Quand ça arrive, il faut s'y tenir. Quand on voit clair, la route est claire ! " (p. 143)
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James découvre que la peur, la peur du propriétaire, peur de l’endettement, peur des trop grandes pluies comme de la sécheresse, peur du charançon et de la chenille, de la faim, de la maladie, du moindre mauvais coup du sort, peur que leur soit retiré ce qui les étrangle sans les tuer tout à fait, ne les quitte pas. Ce droit à l’agonie est encore quelque chose, c’est tout ce qu’on leur laisse. Écœuré par ce qu’une société autorise et même encourage au nom du profit, il entre en insurrection.
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