Deux nouveaux livres de
Franz Bartelt - un auteur que j'apprécie tout particulièrement - vont paraître demain aux éditions de l'arbre vengeur : Souvenirs du théatre des opérations et le bon temps.
Le premier sera un recueil de nouvelles inédites tandis que le second, pour un prix modique, reprendra deux de ces nouvelles et s'adressera davantage aux collectionneurs ou aux lecteurs qui voudraient découvrir le style inimitable de l'auteur ardennais. Sa longue bibliographie est composée de polars, de littérature générale, d'essais, et même d'érotisme avec
Simple.
Mais peu importe le genre, Bartelt c'est avant tout une écriture unique en son genre, un style qu'on reconnaît en deux lignes, un humour d'un inimitable pince-sans-rire où les plus énormes bêtises sont prononcées d'un ton très sérieux. Et avec des personnages uniques et d'une originalité souvent inédite.
D'ailleurs avec son air de ne pas y toucher, il y a souvent un second degré de lecture où l'émotion et la réflexion l'emportent. Je ne citerais que
Je ne sais pas parler ou encore le vibrant hommage à sa mère atteinte d'Alzheimer :
Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux.
Hier je me suis rendu compte que j'étais passé à côté de ce texte très court, disponible uniquement sur Kobo ou sur Kindle pour un prix très modique.
Mon quartier est donc une petite histoire, et un grand n'importe quoi ( je le dis avec beaucoup d'affection ) écrite en 2014 puis publiée la même année par les éditions
Libre Court.
"Quand on est aussi connu que moi pour être de son quartier, obligatoirement ça finit par se savoir au-delà des limites du quartier."
Le lecteur ignore dans quelle ville se déroule la scène, tout ce qu'il saura c'est que ça n'est pas à Perpignan.
Il ignore également comment s'appelle le narrateur qui se considère, tel un monument historique, l'attraction touristique principale de son quartier. Mais il connaîtra quelques détails passés de son étrange existence.
"Des fois je me dis que les gens viennent pour me voir, forcément."
Tel le pape ou la famille royale d'Angleterre, il fait des apparitions régulières à sa fenêtre et alpague les passants qui, dans son esprit, sont venus pour lui.
"Je suis proche de mon public. Et je peux lui parler de plus près."
Pour s'intégrer à ce récit complètement décalé, il convient de se mettre dans la peau du promeneur qui emprunterait cette voie et s'arrêterait dans la rue, entre la boulangerie et la maison d'un homme qui nous adresserait la parole, persuadé que nous somme là pour lui.
"Sans me vanter, je suis le plus connu de tous les plus connus du quartier."
Cet homme - que dis-je, cette attraction ! - ne quitte sa demeure qu'une fois tous les sept jours, entreprenant une sacrée expédition et traversant la route pour se rendre dans le commerce qui lui fait face. Ce jour-là, si vous passez à la mauvaise heure, vous risquez donc de le louper et ce serait dommage.
"Quand je vais au pain, j'y vais pour une semaine. Carrément."
C'est très drôle et très triste à la fois. Certaines réflexions, même remises dans leur contexte, forcent le sourire.
"En ce temps-là le bonheur c'était juste une histoire de chasse d'eau et de fosse septique."
"Pour la femme, le chauffeur-livreur de farine possède quelque chose d'attirant, un fluide spécial, un charme."
Mais l'histoire en elle-même, lorsqu'on prend du recul, présente un homme avide de notoriété, nombriliste ( c'est son quartier qui tourne autour de lui et non le monde, mais quand même ), ou qui a
simplement un besoin éperdu d'être reconnu.
Alors même que sa vie n'est qu'une attente, une routine, un immobilisme.
En quelques pages, l'auteur parvient à nous toucher et à nous amuser à la fois.
Bref, c'est bel et bien du Bartelt.
Ps : Juste pour information, j'ai reçu il y a un instant son recueil de nouvelles inédites Souvenirs du théâtre des opérations : Mon quartier y figure, accompagné de quatorze autres nouvelles.