AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Gilbert Cohen-Solal (Traducteur)
EAN : 9782742778218
440 pages
Actes Sud (01/10/2008)
4.18/5   17 notes
Résumé :
Employé modèle chez Scheiner & fils, fourreurs réputés installés au cœur d'un quartier populaire de Londres où les manufactures sont encore nombreuses en cet an de grâce 1967, Monsieur F., célibataire endurci et bientôt quinquagénaire, voit un jour sa vie routinière bouleversée par l'irruption d'un cauchemar qui revient le hanter nuit après nuit.
Profondément désemparé par la vision du corps sans vie, nu et ligoté, du jeune homme inconnu qui apparaît désormai... >Voir plus
Que lire après Rue de la PeauVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Monsieur F. est un homme banal, sans surprise, qui travaille depuis 33 ans comme fourreur chez Scheiner & Fils, maison réputée.
Ses jours se ressemblent sans qu'il semble en souffrir, car Monsieur F. est un petit homme consciencieux et etranger à toute forme de fantaisie. Jusqu'à la nuit où, en rêve, un jeune homme nu sans visage et pendu par les pieds élit domicile dans sa salle de bains. La vision revient nuit après nuit, alors que M. Scheiner met son neveu dans les pattes de Monsieur F. afin de le former au métier.

Revient alors le souvenir d'une histoire qui l'avait fasciné enfant. La Belle et la Bête. Conte de danger et de possession, conte retors et sensuel aussi, d'ailleurs n'a-t-il pas été conditionné, lui qui caresse avec un plaisir charnel toutes ces fourrures, qui vit dans cette odeur de chair animale incisée, qui sait traquer les imperceptibles défauts d'une peau pour ne sélectionner que les meilleures, trancher dans le vif, être impitoyable dans sa recherche de perfection? Tout bien réfléchi, malgré son professionnalisme, on préférerait que Monsieur F. se tienne loin des ciseaux.

Rue de la peau est une histoire à combustion lente. le solitaire, le virginal Monsieur F. à la  routine ininterrompue, aux envies engourdies par l'ennui, voit son coeur bouleversé par l'emergence de tant de choses inconscientes jusque-là. La tension monte à mesure que l'horloge du quotidien de Monsieur F.  se détraque. Dehors, c'est Londres à la fin des années soixante, le monde change autour de lui. Alors, galvanisé par l'énigme de son intrus sans visage, notre tout petit héros habitué à contempler ses chaussures (impeccables) lève les yeux et regarde. Et ce qui se tient en face de lui l'agace, le dérange, l'éblouit.

Jour après jour, celui-ci va abandonner les couches poussiéreuses de répressions et de doutes qui l'empêchent de voir sa propre peau. Monsieur F. s'observe lui-même mis à nu, alors qu'il permet aux hommes de revêtir une autre peau que la leur. Ou leur permettre plutôt d'en parer coûteusement leurs possessions les plus précieuses, à savoir épouses et maîtresses.

L'écriture est brillante, élegante, parfois dérangeante et peut distendre le temps de manière irréelle, cristalliser sur des éléments en apparence anodins mais décisifs. le ton est détaché et si anglais dans son humour assourdi mais peu à peu, l'irruption du grain de sable de l'inconscient dans les rouages de cette vie banale révèle le temps perdu et l'auteur creuse toujours plus profond dans la chair de son personnage pour fouiller les sentiments, les désirs jusqu'ici sans mots.
Enfin dénudé, à l'os, Monsieur F. les trouvera, ces mots. Simples et clairs. Vibrants et désarmants.


Pour les férus de pop anglaise, je renvoie à la chanson "Our Mutual Friend" de The Divine Comedy, petit bijou sur un thème différent mais qui traduit bien cette manière de créer avec humour et à partir du pathétique de nos petites vies dérisoires quelque chose de grandiose, complexe, tragique.
Commenter  J’apprécie          110
laissez-vous porter et accompagnez Mr F dans la levée de quelques défenses psychiques des plus rigides et dans sa découverte de ses désirs les plus profonds…

Petites suggestions pour se mettre dans l'ambiance :

Olfactive : cuir, eau de Cologne citronnée

Gustative : Earl Grey

Lieu : appartement assez dépouillé

Rue de la peau

Rue de la peau (lien pour accéder au résumé)

Quelle découverte que ce livre ! Merci beaucoup à Féebrile qui me l'a offert !

Depuis la lecture de cet ouvrage, Mr F me tient souvent compagnie …C'est un personnage, dont la manière massive de mettre à l'écart ses émotions, rend particulièrement impressionnant.

En me laissant porter par ce livre, j'ai ressenti que le rythme du livre s'ajustait parfaitement au vécu psychique de Mr F.

Dans « rue de la peau », il est question de défense psychique, de protection, de désirs inconscients et d'attirance…

Lorsque nous le rencontrons, le personnage principal mène une vie bien organisée ce qui lui permet d'éviter de rencontrer sa pulsionnalité.

Mais, le récit de la révélation de Mr F à lui-même, illustre bien le fait que toutes les mesures que nous prenons pour nous protéger de nous même peuvent s'avérer insuffisantes ou handicapantes. Nous pouvons même nous interroger sur le fait qu'elles soient souhaitables lorsqu'elles sont à ce point massives et que le retour de ce qui a été maintenu à distance peut s'avérer particulièrement désorganisateur. Mr F se retrouve aux prises avec ses pulsions, son inconscient et le retour du refoulé .C'est la réflexion vers laquelle nous entraîne la lecture de ce livre.

Concernant l'écriture, elle est tout en délicatesse et en pudeur.

La fin semble inéluctable mais l'histoire prend pourtant une tournure à laquelle je ne m'attendais pas !

L'histoire nous plonge dans l'attente d'un événement tragique.

Les remarques du narrateur sont parfois énigmatiques, toujours pertinentes…

Mr F est petit à petit envahit par ce qu'il tenait bien caché, tel un cauchemar dans le placard …
Commenter  J’apprécie          30

A 46 ans, Monsieur F. est l'homme le plus lisse, le plus impersonnel qu'on puisse imaginer. Si lisse, si impersonnel en vérité qu'il en devient extraordinaire et comme subtilement monstrueux. Chaque matin, il se lève à la même heure, enfile le même costume, emprunte le même train, le même itinéraire soigneusement calculé pour échapper à la foule, se rend au même travail dans la même entreprise. Rue de la Peau. Où il assemble et découpe les fourrrures qui deviendront des manteaux, achetés à prix d'or pour orner les épaules d'une élégante, affirmer la fortune et l'importance d'un époux ou d'un protecteur.
Depuis plus de trente ans, sa vie n'est que la répétition des mêmes gestes, parfaitement corrects, parfaitement maîtrisés, d'une routine impeccable que personne n'est jamais venu troubler, ni homme ni femme, ni amant ni ami.
Mais voilà qu'un jour de janvier 1967 - une nuit plutôt - une chose étrange, bouleversante, arrive à Monsieur F.
Il se met à rêver.
Ou plus exactement, se retrouve hanté par un rêve, le même, toujours le même au détail près, de plus en plus fréquent, qui l'éveille au milieu de la nuit, bouche ouverte sur un hurlement de terreur. Dans ce rêve, une succession de gestes familiers, son appartement bien connu - puis dans le miroir de la salle de bain, le corps nu d'un jeune hoomme, suspendu, ligoté, comme la dépouille d'un superbe animal sur l'émail blanc de la baignoire. Peau parfaite, boucles brunes, muscles déliés, sans visage.
Il va bien falloir lui en trouver un, pourtant, de visage - et l'obsession peu à peu bascule du domaine des songes au réel.

Neil Bartlett offre ici une troublante déclinaison de la Belle et la Bête, où les désirs enfouis grignotent le banal jusqu'au vertige.
Le récit, très lent, d'une précision méticuleuse, est aussi habile à peindre un métier, un quartier aujourd'hui disparus, qu'à rendre la progressive perte de contrôle d'un homme qui n'a jamais vraiment été vivant, et que la vie cherche soudain à rattraper. Tout cela se tend, millimètre par millimètre, vers un point de rupture qu'on n'imagine pas sans frissons mais dont l'ampleur ou la nuance sont bien difficiles à deviner.
C'est d'une sensualité superbe et cela réussit, par dessus tout, à rendre ce personnage en apparence si terne extrêmement fort et attachant. Ce qui, côté style, avait un peu retenu mon enthousiasme pour le Garçon dans l'ombre est ici mieux maîtrisé, plus subtil. La manière dont le narrateur, le conteur plutôt, observe son objet, suppute, insinue, révèle des fragments de son âme sans jamais entièrement lever le voile, participe de ce brin de mystère qui fait la force des contes et rend le récit particulièrement fascinant.
A déconseiller, tout de même, à ceux qui cherchent de l'action et des dénouements bien tranchés - mais les lecteurs sensibles aux ambiances, aux petits riens, aux détails banals ou étranges qui s'additionnent pour créer peu à peu un suspense subtil, pourront se régaler.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Debout, tentant de ne pas respirer trop fort, heureux qu'il n'y eût pas de miroir devant eux qui eût pu révéler au garçon l'expression de son visage, Monsieur F. sentit tout ce qu'il y avait de vague dans son désir se cristalliser soudain en un unique but : faire ce seul geste, simple et tant attendu. Et, évidemment, dans cette si grande proximité et placé comme il l'était derrière lui, il eût pu très facilement le satisfaire. La nuque du garçon n'était qu'à quelques centimètres. Il eût pu tout simplement se pencher, pousser la fourrure de côté, embrasser la peau qui attendait, et ensuite allonger les doigts (ceux de la main droite) sur la nuque et dans les cheveux du garçon.
Rien n'allait l'empêcher de faire cela, au moins cela. Rien du tout. Rien.
Commenter  J’apprécie          30

Video de Neil Bartlett (1) Voir plusAjouter une vidéo

Neil Bartlett : Ainsi soient-ils
En cette veille de St Valentin, c'est depuis le Musée de l'érotisme qu'Olivier BARROT présente le livre de Neil Bartlett "Ainsi soient-ils", un roman sur l'homsexualité. [Différents plans] de rues de Paris alors qu'il neige.
autres livres classés : rejetVoir plus
Les plus populaires : Bande dessinée Voir plus


Lecteurs (35) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature LGBT Young Adult

Comment s'appelle le premier roman de Benjamin Alire Saenz !?

Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers
L'insaisissable logique de ma vie
Autoboyographie
Sous le même ciel

10 questions
38 lecteurs ont répondu
Thèmes : jeune adulte , lgbt , lgbtq+Créer un quiz sur ce livre

{* *}