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Gojko Lukic (Traducteur)
EAN : 9782922868722
177 pages
Les Allusifs (24/04/2008)
2.99/5   44 notes
Résumé :
Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, le narrateur entre dans un supermarché pour acheter « une bricole » – en fait, des lames de rasoir, parce qu’il a besoin de se raser, à moins que ce ne soit pour s’ouvrir les veines –, et il s’y perd…
Les nouvelles de Svetislav Basara, tout comme ses romans Le miroir fêlé et Guide de Mongolie, explorent une poétique de l’absurde. Elles nous entraînent sur le terrain littéraire singulier d’une métaphysique hard... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Issu du projet Masse critique


Marie Anne m'avait prévenue: c'est un livre qui ne ressemble à rien d'autre. D'autres, ici ou ailleurs ont parlé d'OVNI, OLNI et autres phénomènes incongrus occupant sans vergogne la voute cranienne des lecteurs assoiffés.
Et après lecture il s'avère que c'est plutôt vrai. Plutôt, parceque mon esprit adore la nuance. Vrai, parceque basara nous offre ici un dépaysement littéraire absolu.
Laissez moi d'abord vous citer le quart de couv':
Qui prétend que s'interroger sur l'absurdité de notre condition est une activité morose ? Pour preuve du contraire, voici une vingtaine de très stimulantes histoires où l'on apprend comment on peut réussir un crime parfait, ce qui passe par la tête de quelqu'un qui est en train de tomber de la tour Eiffel, comment on retrouve sa mère enlevée par les marchands d'esclaves, ce qui arrive à un homme enfermé la nuit dans un supermarché où il s'est perdu, ce qui peut se passer lors d'une boum fatale, et bien d'autres aventures loufoques où l'intelligence est à la fête.


(NDLR Vous remarquerez que l'annonce est vraiment alléchante, du moins passablement intrigante. En plus je n'ai jamais été déçue par les éditions des allusifs, c'est donc avec goinfrerie que je me suis ruée sur cet innocent livre vert)

Voici la liste des nouvelles, au titre décalé:

Etrangers dans la nuits
un crime parfait
histoire d'une chute
le monde merveilleux d'agathe christie
souvenirs de la saison de football 1959-1960
la boum fatale
peine de verveine
cinq notes sur le séjour de Fin à Pekin
commentaire critico paranoïaque
Jazz
l'apprentissage
un mur
le cinéma où l'on projette de mauvais rêves
huit notes sur les vacances de fin
la saga de horn
recherche
explosion
réformateur
Chönid bardo
perdu dans un supermarché
Return of Jedi
le énième tour du cercle
Reprendre une à une les nouvelles ci-dessus énumérées pour vous détailler ce qu'elles "racontent" (on verra par la suite combien ce terme est inadapté) serait une offense à leur nature même, à leur absurdité essentielle. Donc je m'en dispenserai.

Prolégomènes: Laissez moi prévenir les lecteurs encore moins aguerris que moi - Perdu dans un supermarché désarçonne. Ce canasson retors est dépourvu des structures habituelles et rassurantes, jalonnées de certitudes chronologiques: début, milieu fin. Dépourvu, peut être pas. Disons qu'il existe un vernis chronologique qui explose littéralement sous le doute que l'auteur sème à tous vents. L'auteur joue avec son lecteur qui finit par se sentir comme un petit insecte tourneboulé. Parfois on pense aussi à de longs monologues intérieurs au sein desquels serait plongé le lecteur.

On est ici. Ou peut être pas. Ou peut-être que oui mais pas tout à fait.

Autre trait à la fois génial et dérangeant: les nouvelles sont truffées de portes par lesquelles l'auteur fait intrusion dans l'univers ou la tête du lecteur. C'est très bien fait, en exacte concordance avec, par exemple, les numéros de page, les polices de caractères .... Un peu comme si le personnage sortait du livre, s'asseyait à coté du lecteur, et se mettait à parler avec lui.

Quelque chose que j'ai beaucoup aimé, c'est le maniement de l'absurde, la volontaire confusion sujet/objet, homme/objet, les situations grotesques comme celle du gardien de foot qui court et du coup tout le monde se met à courir avec lui. Des fois, de lointains échos kafkaiens semblent bruire, puis on pense ensuite à certains auteurs contemporains russes pour leur humour similaire mais jamais identique à celui de Basara qui est, de loin, infiniment kitchissime - esthétique de l'éphèmère et du dérisoire.

Concernant l'articulation entre les nouvelles, on est ici dans quelque chose de plus "classique", comme par exemple dans la théorie quantitative de la démence de Self, où on retrouve des lieux / personnages / objets communs d'une nouvelle à l'autre. Avec en plus chez Basara une sorte d'effet de miroir (passer du point de vue de celui qui écrit à celui qui critique - moi à ce moment je n'ai pu me dispenser de penser à Lodge et à ses excellents exercices de Thérapie).

Ajoutez à celà une écriture où on se retrouve parfois complètement, comme un écho à soi-même...

****

Je ne fais rien. J'invente. tout ce qui a un nom -- existe. Inventer, c'est réduire le néant. Les bougies bleues se consument. Tous les objets transpirent le néant, comme tout ce qui m'entoure, en dépit de la solidité apparente de tout cela. Pure apparence: sous le nom-- c'est le néant.

****

Je joue dans le sable, je bâtis de sombres châteaux sans fenêtres, je les admire, ils finissent par m'ennuyer, je les démolis, puis les reconstruis. Je me conduis comme l'histoire

*****

La phase un peu hésitante dépassée, j'ai adoré. A tenter, donc. je pense que soit vous aimerez, soit vous ne finirez pas :)
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Certains, et l'auteur lui-même qualifient ces histoires d'absurdes. Personnellement, en littérature je n'aime pas le mot « absurde », dans l'écriture qu'est-ce qui est absurde ? Rien n'est absurde ; On peut toujours trouver une explication : Un rêve ou un cauchemar, le jeu, des symboles, un message codé ... Dit-on de la peinture de Dali ou de Magritte qu'elle est absurde ? S. Basara retire le filtre du réel, le rideau de la norme ou du conformisme et ce n'est pas absurde, même si on ne comprend pas tout. Il fait référence à E. Ionesco ou à S. Beckett. Dans une de ses nouvelles Rien et sa Solitude sont des personnages. Son écriture est existentialiste au sens propre, sans les mains sales :-).
La seule chose absurde dans ce bouquin c'est ça : « Traduit du serbe ... Titre original : Peking by night. » !!!

P.S.: Sinon, lost in a supermarket c'était quand même mieux avec the Clash.
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Au pays de Kafka… ou de Ionesco ?

Que feriez-vous si vous vous retrouviez perdu dans un supermarché après la fermeture ? Vous vous organiseriez confortablement pour passer la nuit ? Vous seriez saisi d'une violente crise d'angoisse ? le héros de Svetislav Basara, lui, commence par s'en prendre aux horloges. Et puis, il reçoit un coup de téléphone ; c'est Dieu au bout du fil… Il lui enjoint de se pencher sur son passé…
Toutes les nouvelles (une vingtaine) du recueil « Perdu dans un supermarché » du Serbe Basara, à l'image de ce Dieu, obligent le lecteur à s'interroger, à mettre ses certitudes de côté et à plonger résolument dans un monde absurde, où l'on peut être mort et continuer à écrire, où les personnages sont très conscients de n'être que des êtres de papier et aspirent, non pas à vivre encore un peu, mais à atteindre la page 151, où l'histoire pour se dire a besoin parfois d'avoir recours non plus à des mots mais à des croquis ou des photos, où le fait le plus simple est toujours sujet à caution : je crois qu'elle était venue s'installer dans cette ville après sa naissance. Elle n'est née que plus tard.
On se promène dans un univers hérité de Ionesco (le Bobby dégonflé de « La boum fatale » évoque les personnages sans profondeur de « La cantatrice chauve » ou de « Rhinocéros ») ou de Kafka (Gruber chassé de chez lui et victime passive de la police et de l'Inquisition rappelle, lui, le héros du « Procès »), et de façon plus lointaine de Diderot et des romanciers qui ont joué sur les niveaux de lecture des romans (le même Gruber se réjouit que ceux qui l'arrêtent ne puissent pas lire les notes de bas de page qui le mettraient en danger).
Parfois on se croirait au cinéma, comme dans l' »histoire d'une chute », nouvelle dans laquelle, comme dans certains films burlesques, tout le monde se met à courir, poursuivant on ne sait plus trop qui ; une nouvelle, « le cinéma où l'on projette de mauvais rêves », a même pour héros un personnage de film, obligé d'agir selon le scénario et regardant du coin de l'oeil les réactions des spectateurs. D'autres nouvelles sont des réécritures absurdes de romans policiers ou de romans noirs (comme « Un crime parfait » ou « le monde merveilleux d'Agatha Christie »).
C'est drôle souvent, mais toujours au service d'un questionnement sur le sens de l'existence, la conscience… L'homme y est parfois réduit à n'être qu'un mannequin en plastique, à la vision du monde très limitée, à l'existence aléatoire (Bob Horn peut ne jamais sortir de chez lui et courir tous les matins au parc), obligé d'apprendre ce que c'est que d'être, tout simplement, puis la différence entre être quelqu'un et être quelque chose…
On a l'impression que la même histoire se réécrit de nouvelle en nouvelle ; il faut dire que les mêmes protagonistes reviennent régulièrement, Svetislav, sa mère, son copain Sandoz, la belle Etiemble, le docteur Wong, Fin, Bob Horn ou Gruber… La même histoire, non, mais en tout cas les mêmes interrogations chronologiques (le temps est souvent trompeur), métaphysiques…
Un recueil à lire petit à petit (l'ensemble est passionnant mais ces reconstitutions étranges gagnent à être découvertes progressivement, pour ne pas se lasser et se laisser distancer dans cette grande course au sens). J'avoue un faible pour la « boum fatale » et la curieuse mode qui s'y propage et qui consiste pour ces hommes-mannequins à « se dégonfler »… « Pourquoi serais-je la seule à ne pas me dégonfler, à être ringarde, à passer inaperçue ? » se lamente Anna. Rien que pour cette courte nouvelle jubilatoire et méchante, je suis contente d'avoir découvert Svetislav Basara.
http://rosealu.canalblog.com/archives/2008/07/02/9781667.html
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Il paraît que Svetislav Basara est un grand spécialiste de l'absurde et grand empêcheur de tourner en rond de la littérature serbe. Si vous lisez la quatrième de couverture, Télérama vous dira aussi que c'est 'un électron libre dans la fournaise qui nous sert d'humanité'. Doux Jésus.

Personnellement, je pense que l'auteur a juste voulu savoir (un pari contre ses détracteurs ou même son éditeur ?) s'il pouvait réussir à faire publier des notes décousues et sans saveur pour se faire plaisir, sans s'attendre à ce qu'on les lise ou même qu'on les apprécie. Enfin, je l'espère. Je me suis perdue dans ce bouquin ; je vous conseille d'ailleurs de ne pas le lire dans l'ordre et alors en mode avance rapide. C'est abscons, bavard, égocentrique et franchement poussif. Il y a parfois de bonnes idées, des belles punchlines comme on dit, mais ces éclats (je pense notamment à la nouvelle 'Boom Fatale') sont noyés dans un gloubi-boulga indigeste.

Ce n'est pas loufoque, c'est nul. Et c'est sans doute ma pire lecture de ces derniers mois.
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22 nouvelles plus ou moins longues, mais toutes plus absurdes les uns que les autres. Ces nouvelles s'entrecoupent, on retrouve des personnages, endroits, réflexions dans plusieurs nouvelles. Dans la plupart, l'auteur interroge les personnages sur des questions philosophiques ou métaphysiques comme leur existence, le sens de leur vie, le temps ou la mort. Il en profite pour analyser quelques épisodes de sa vie à travers celles-ci et faire une autocritique de son oeuvre, son rôle d'écrivain.
La narration n'est pas chronologique, on revient sans cesse en arrière. Dur de rester concentrée sur une écriture bordélique (j'avais parfois l'impression de lire des pensées) et qui part dans tous les sens !
Mes préférées : Histoire d'une chute, peine de verveine, commentaire critico-paranoïaque, l'apprentissage. J'ai moins aimé les dernières même s'il y avait quelques passages qui méritent d'être relevés pour leur bon côté absurde !
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Une horloge m’indiquait sans ambiguïté qu’il était huit heures vingt, elle écartait les aiguilles, hors de portée en haut sur le mur, elle me provoquait en montrant ses huit heures vingt. Je ne l’ai pas crue. Comment croire un appareil qui de jour en jour, au même rythme, répète la même histoire ? Non, me suis-je dit, jamais plus je ne croirai en un appareil aussi peu crédible. Je n’ajouterai pas foi à quelque chose qui ne cesse de tourner en rond, à quelque chose d’aussi versatile. Car, une minute seulement après avoir affirmé qu’il était huit heurs vingt, cette camelote s’est mise à soutenir autre chose : huit heures vingt et une. L’horloge, visiblement, s’était rendu compte que j’avais perçu à jour sa sale manigance. Elle s’est mise à battre plus discrètement.
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- C'est donc une grosse erreur de dire de la biographie de quelqu'un qu'elle est une description de la vie; une biographie est en fait une description de la mort, comme dirait David Albahari. C'est pourquoi je ne comprends pas que l'on puisse attacher une telle importance au passé, aux souvenirs, aux faits. Ils ne sont qu'un masque sur la face de la mort. Ceux qui disent aimer la vie aiment la mort déguisée. C'est pourquoi rares sont ceux qui parviennent encore à prendre conscience que l'homme est un être immortel.

- Je suis d'accord, lui ai-je dit, la mort est vraiment rusée, même si, en dernière analyse, elle n'a pas d'être. Mais même telle qu'elle est, vu qu'elle a ôté la vie à infiniment de monde, elle a bien plus d'expérience en la matière que n'importe quel individu, lequel ne meurt qu'une fois. On n'y peut rien. C'est un fait. Il nous est seulement donné, au mieux, de savoir que nous ne pouvons rien savoir avec certitude, que choses et événements échappent à notre entendement et à notre logique et qu'il n'y a pas de places pour des observateurs privilégiés. P18
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Logan, je m’en souviens bien à une fois marché sur l’eau. Moi je ne l’ai pas fait. Et ne le ferai sans doute jamais. Je suis trop lourd pour cela. Je veux dire : j’ai un MOI trop gros. A vrai dire, je ne suis pas le seul responsable de l’hypertrophie de ce monstre ; ma mère, ma tante et les autres créatures de ma petite enfance portent une grande part de responsabilité dans la note *.
*Voilà comment ma mère, ma tante, ma grand-mère, etc., ont contribué à l’hypertrophie de mon MOI : par la flatterie, par la vulgaire flatterie. Je suis porté à croire que bébé, et même plus tard, je n’ai eu aucun intérêt pour moi-même, mais le lavage de cerveau du genre « Que tu es sage », « Que tu es beau », « Ce n’est pas assez bon pour toi » et plus tard « Tu dois mettre ceci ou cela » a porté ses fruits. Je me suis bientôt vanté d’être vraiment un JE. C’est pourquoi je ne puis marcher sur l’eau.
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Pour ce qui est de la prose, je puis dire ceci : tous les autres je, y compris le mien, rappellent les supermarchés soviétiques ; dans tous, il n'y a que quelques articles inutiles : vanité, orgueil, amour-propre, inconsistance, désespoir - qui nous poussent à sortir de la boutique de notre moi et à entrer dans une boutique tout aussi indigente, extérieure à nous, pour y acheter des lames de rasoir et nous ouvrir les veines.
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Bon, me suis-je dit, je me suis jeté dans le vide, et je tombe. Il n'y a point de retour en arrière. Cela du moins est clair. Les lois de la physique sont contre moi. Mais rien n'est encore joué. La physique est une affaire de passé et de présent, or le futur peut toujours apporter un changement, en proclament que telle loi n'était qu'une erreur; il suffit de ne pas perdre de vue que le monde a vécu dans l'illusion quant à la forme de la Terre. D'ailleurs, la fameuse chute libre n'est qu'une grosse mystification. Quelle chute libre si je suis forcé de tomber. P22
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