Issu du projet Masse critique
Marie Anne m'avait prévenue: c'est un livre qui ne ressemble à rien d'autre. D'autres, ici ou ailleurs ont parlé d'OVNI, OLNI et autres phénomènes incongrus occupant sans vergogne la voute cranienne des lecteurs assoiffés.
Et après lecture il s'avère que c'est plutôt vrai. Plutôt, parceque mon esprit adore la nuance. Vrai, parceque basara nous offre ici un dépaysement littéraire absolu.
Laissez moi d'abord vous citer le quart de couv':
Qui prétend que s'interroger sur l'absurdité de notre condition est une activité morose ? Pour preuve du contraire, voici une vingtaine de très stimulantes histoires où l'on apprend comment on peut réussir un crime parfait, ce qui passe par la tête de quelqu'un qui est en train de tomber de la tour Eiffel, comment on retrouve sa mère enlevée par les marchands d'esclaves, ce qui arrive à un homme enfermé la nuit dans un supermarché où il s'est perdu, ce qui peut se passer lors d'une boum fatale, et bien d'autres aventures loufoques où l'intelligence est à la fête.
(NDLR Vous remarquerez que l'annonce est vraiment alléchante, du moins passablement intrigante. En plus je n'ai jamais été déçue par les éditions des allusifs, c'est donc avec goinfrerie que je me suis ruée sur cet innocent livre vert)
Voici la liste des nouvelles, au titre décalé:
Etrangers dans la nuits
un crime parfait
histoire d'une chute
le monde merveilleux d'agathe christie
souvenirs de la saison de football 1959-1960
la boum fatale
peine de verveine
cinq notes sur le séjour de Fin à Pekin
commentaire critico paranoïaque
Jazz
l'apprentissage
un mur
le cinéma où l'on projette de mauvais rêves
huit notes sur les vacances de fin
la saga de horn
recherche
explosion
réformateur
Chönid bardo
perdu dans un supermarché
Return of Jedi
le énième tour du cercle
Reprendre une à une les nouvelles ci-dessus énumérées pour vous détailler ce qu'elles "racontent" (on verra par la suite combien ce terme est inadapté) serait une offense à leur nature même, à leur absurdité essentielle. Donc je m'en dispenserai.
Prolégomènes: Laissez moi prévenir les lecteurs encore moins aguerris que moi -
Perdu dans un supermarché désarçonne. Ce canasson retors est dépourvu des structures habituelles et rassurantes, jalonnées de certitudes chronologiques: début, milieu fin. Dépourvu, peut être pas. Disons qu'il existe un vernis chronologique qui explose littéralement sous le doute que l'auteur sème à tous vents. L'auteur joue avec son lecteur qui finit par se sentir comme un petit insecte tourneboulé. Parfois on pense aussi à de longs monologues intérieurs au sein desquels serait plongé le lecteur.
On est ici. Ou peut être pas. Ou peut-être que oui mais pas tout à fait.
Autre trait à la fois génial et dérangeant: les nouvelles sont truffées de portes par lesquelles l'auteur fait intrusion dans l'univers ou la tête du lecteur. C'est très bien fait, en exacte concordance avec, par exemple, les numéros de page, les polices de caractères .... Un peu comme si le personnage sortait du livre, s'asseyait à coté du lecteur, et se mettait à parler avec lui.
Quelque chose que j'ai beaucoup aimé, c'est le maniement de l'absurde, la volontaire confusion sujet/objet, homme/objet, les situations grotesques comme celle du gardien de foot qui court et du coup tout le monde se met à courir avec lui. Des fois, de lointains échos kafkaiens semblent bruire, puis on pense ensuite à certains auteurs contemporains russes pour leur humour similaire mais jamais identique à celui de
Basara qui est, de loin, infiniment kitchissime - esthétique de l'éphèmère et du dérisoire.
Concernant l'articulation entre les nouvelles, on est ici dans quelque chose de plus "classique", comme par exemple dans la théorie quantitative de la démence de Self, où on retrouve des lieux / personnages / objets communs d'une nouvelle à l'autre. Avec en plus chez
Basara une sorte d'effet de miroir (passer du point de vue de celui qui écrit à celui qui critique - moi à ce moment je n'ai pu me dispenser de penser à Lodge et à ses excellents exercices de Thérapie).
Ajoutez à celà une écriture où on se retrouve parfois complètement, comme un écho à soi-même...
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Je ne fais rien. J'invente. tout ce qui a un nom -- existe. Inventer, c'est réduire le néant. Les bougies bleues se consument. Tous les objets transpirent le néant, comme tout ce qui m'entoure, en dépit de la solidité apparente de tout cela. Pure apparence: sous le nom-- c'est le néant.
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Je joue dans le sable, je bâtis de sombres châteaux sans fenêtres, je les admire, ils finissent par m'ennuyer, je les démolis, puis les reconstruis. Je me conduis comme l'histoire
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La phase un peu hésitante dépassée, j'ai adoré. A tenter, donc. je pense que soit vous aimerez, soit vous ne finirez pas :)