Angleterre, début du XXème siècle.
Augustus Carp est l'antithèse de ce que l'on pourrait considérer comme un parfait gentilhomme : prétentieux, fat, suffisant, phallocrate, aucun adjectif ne manque à son actif d'homme à claquer, pour le plus grand plaisir du lecteur puisque notre héros a décidé de nous confier rien moins que sa brillante autobiographie.
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Un livre trouvé par hasard dans la librairie Delamain. Je n'avais jamais entendu parler de ce livre, dans ce cas là, qu'est-ce qui motive ? le titre ? Assurément. le nom de l'auteur ? Inconnu. La couverture ? Nenni. Allons avoue ! Ce livre est mince, oui, mais aussi, je lis en 4ème de couverture l'expression "Tout à fait réjouissant." Et c'est ce qui me fait l'emporter.
Depuis les pièces de théâtre de
Molière, je n'ai jamais lu un livre de ce genre : où le héros est une sorte de Tartuffe, bourré de principes, engoncé dans une vertigineuse capacité à ne rien faire d'héroïque. Je confirme, c'est une histoire tout à fait réjouissante, qui m'a d'ailleurs fait rire à maintes reprises.
L'auteur est d'une imagination sans bornes pour ce qui consiste à faire passer notre héros pour un balourd, au propre comme au figuré puisque ce cher Augustus est légèrement enveloppé. En tout cas, pour un gars à qui il faudra bien tôt ou tard donner une belle leçon.
Augustus Carp est un énergumène qui s'évertue à réprimer les besoins de ses semblables qui désirent boire, fumer, danser : le soir venu, il passe son temps à distribuer des tacts et distiller le voeu d'abstinence. Il est une sorte d'oeuvre condensée de ce que je supporte pas : imbu de lui même, il traite sa mère comme une "bonne à tout faire" et ne semble respecter que ses propres béatitudes. le contraire du personnage de
John Irving dans
Une prière pour Owen. Je me suis bien amusée lorsqu'il se prend une cuite mémorable avec l'aide de la régalade portugaise (du Porto) fournie en belle quantité par une implacable Nemesis. Car bien sûr, il y a un retour de bâton, sinon le comique serait beaucoup moins réussi.
Mention spéciale et particulière au traducteur qui nous plonge avec délices dans cette superbe pantalonnade en utilisant tout ce qu'il faut pour nous faire oublier notre incapacité à lire en VO ; pour ma part, je n'ai pas vu de maladroites répétitions (que je traque sans pitié).
Mon passage préféré, qui m'a presque fait pisser de rire car je sais me (re)tenir :
...j'étais loin de penser, alors que je tâtonnais pour trouver la porte, que je n'avais pas encore abordé la dernière station de mon chemin de croix. Car, à peine arrivé à la grille du jardin de Mon repos, plutôt en meilleure forme que je ne l'escomptais, j'aperçus un tramway, surchargé à la limite de sa capacité légale, qui s'en approchait en cahotant sur les rails. Un seul coup d'oeil au véhicule gorgé de femelles et dont les flancs étaient distendus par les bagages suffit à me paralyser d'horreur, quoique moins pour mon compte personnel que pour celui de mon père, qui était debout sur le pas de la porte, pétrifié. Il poussa un cri du pathos le plus extrême et, tandis que les huits soeurs de ma mère mettaient pied à terre, tomba à plat ventre sur l'allée du jardin pour ne plus jamais se relever.
C'en était trop pour moi aussi. Ebranlé au plus profond de mes fondations intimes, je tournai le dos à cette marée inexorable de femelles parlant gaélique et m'effondrai au côté de mon père, mais tête-bêche. (p.205 - Où les 8 tantes que son père avait exilées au pays de Galle, reviennent à Londres)
Avouons le : voilà ce qui s'appelle le comique de situation, ou encore la deadpan comedy -in english in the text. Un mot sur l'auteur mystérieux (dont j'ai eu un mal fou à trouver une photo) :
Sir Henry Howarth Bashford (1880-1961) était avant tout médecin, et publia anonymement ce roman satirique qui brosse avec une jubilatoire férocité la mentalité de ses contemporains. Tout ceci ne peut que me le rendre encore plus sympatique !
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