AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de loreleirocks


Après un passage par l'étape Walden, qui était une bonne idée de lecture préliminaire à un nouveau tome de Bass, nous y voilà donc.
Ce livre est un peu plus long et à la fois proche et différent des autres contes de Bass sur la vallée de Yaak et son quotidien dans cet environnement rare et sauvage. J'ai beaucoup aimé ce journal de l'année, mois après mois, dans le Yaak, tout comme j'avais aimé ce type de découpage, beaucoup moins linéaire, ressemblant plus à une mosaïque pas vraiment chronologique, par saison, dans les Grizzly Years de Doug Peacock (mon héros !).
Le passage des mois au fil de la prose de Rick Bass offre comme une vision double, d'un temps qui passe et de mois qui se succèdent sans accroc, en une progression douce, et d'un contraste merveilleux des spécificités de chaque mois, de la nature et de l'impact des saisons et de l'environnement sur l'homme.

On retrouve cette poésie qui reflète si bien l'amour de Bass pour sa vallée, mais également sa mélancolie face à la quasi-certitude de sa disparition et son émerveillement inépuisable face à une nature à la fois chaotique et ordonnée.
Et puis il y a de longues réflexions philosophiques sur l'homme et la nature, l'influence et l'impact de l'environnement dans lequel l'humain grandit et évolue (à travers l'observation de ses filles et leur interaction avec le Yaak, ses saisons, sa faune et sa flore... et ses quelques humains) sur la construction du coeur de sa personnalité et sa manière de voir le monde.
Et ces anecdotes, moins nombreuses que dans Winter ou The Book of Yaak..., savoureuses, touchantes, hilarantes, pleines d'auto-dérision, mais toujours liées à l'environnement immédiat de Bass, sa réflexion sur ses interactions avec cet environnement, son questionnement sur ce qu'il veut transmettre à ses filles sans jamais leur imposer ses propres passions et lubies. Je me suis régalée de courtes retrouvailles avec Homer (triste passage), Point & Superman, les chiens de l'auteur, après les avoir rencontrés dans Colter.

Mais ce qui a eu le plus d'effet n'était ni le plus évident ni le plus attachant dans le récit de Bass. Je trouve fascinant la manière dont ce scientifique de formation conte les motifs qu'il semble apercevoir dans divers éléments de la nature, motifs se répétant comme la déclinaison d'une forme à l'infini, par exemple le motif des bois des cerfs et des branches, motif le plus évident. Mais pas seulement. Celui des flammes, entre les flammes réelles des feux du mois d'août et les aiguilles des mélèzes au mois de septembre. Rick Bass se laisse surprendre au beau milieu d'une analyse logique des rythmes naturels de la forêt par la soudaine presque-révélation d'un tel motif.
Et là se trouve ce que j'aime le plus chez lui : cette capacité à communiquer des faits scientifiques complexes de manière claire et presque poétique puis soudain à laisser place à la magie de la nature, considérant l'homme et ses progrès scientifiques comme étant toujours si proche de la compréhension, de la révélation, le bras tendu vers cette étincelle, sans jamais pouvoir la toucher, mais révélant une magie aussi merveilleuse que nécessaire. C'est cette notion de magie, de merveilleux, que je retrouve toujours avec autant de plaisir à chaque nouvelle lecture, qu'il soit question de géologie, de stockage de bois pour l'hiver, de chien de chasse ou de grizzlis. Ah, mais j'oubliais, il y a toujours cet appel à ralentir, à prendre le temps, regarder, respirer, aimer, vivre... autant de choses que l'homme semble avoir quelque peu oubliées.
Contrairement à Thoreau dans Walden, même si Bass chante le même refrain quant au merveilleux et à la logique de la nature, sa qualité d'intégration et d'interconnexion de chacun de ses éléments, il y intègre l'homme, même si celui-ci, dans son culte du nombril et de sa supériorité mettant, dans sa logique, le reste de l'univers à sa disposition, s'en est décroché. Il nous présente un environnement où l'humain est mineur et semble reprendre, malgré tout, une place dans les rythmes de la nature et leur logique, un monde où l'homme doit adapter son point de vue et tourner son oeil vers une grande toile de laquelle il ne distingue que quelques coups de pinceau sans pouvoir saisir la magie qui les lie, ou vers un détail qui permet de faire un pas vers la compréhension de cette grande toile dont il n'est lui-même qu'un des détails les plus infimes, ni plus ni moins important que les autres.

(boudu, c'est du lourd pour un lundi matin au petit dèj' ! du coup, pour conclure :)

Encore un bel opus, un peu plus long, un peu (beaucoup) plus abstrait et contemplatif, mais d'une richesse exceptionnelle. J'ai oublié de parler de la cinquième saison, à laquelle Bass donne une magie certaine, mais je vous laisse la découvrir de vous même.
Commenter  J’apprécie          161



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}