Citations sur Le livre de Yaak : Chronique du Montana (129)
Si un lieu est source de paix, ne peut-il transmettre cette paix à ceux qui l’habitent ?
Et si tel est le cas, jusqu’où – telle une pierre jetée dans un étang – cette paix s’étendra-t-elle ?
Quelle est la valeur d’un lieu ?
Le Yaak héberge une population diminuée mais tenace de grizzlys et d'ours noirs, de loups et de gloutons, de lynx et de chats sauvages, de martres et de pékans, d'aigles dorés et à tête blanche, sans compter une myriade de hiboux, de renards, de coyotes, de porcs-épics, jusqu'à de rares caribous, étroitement liés aux rennes de Laponie et aux régions arctiques, émigrés du nord du Canada.
La vallée du Yaak est sauvage, et si elle ne ressemble pas au reste de l'Etat -- ni au reste du monde -- , elle porte en elle l'esprit du Montana, l'esprit d'un lieu sans frontières, même si tant de terres sont à présent bordées de routes qui entaillent et incisent ces derniers refuges.
À mesure que l’ordre et la logique fuient nos sociétés, je suis convaincu que l’art et la nature peuvent seuls remédier au déséquilibre troublant, au malaise de ce monde, que nous éprouvons dans chacun de nos nerfs et de nos sens sans pouvoir le nommer.
En août, nous cueillons des baies et cultivons notre jardin le temps d'un bref été. Puis la traque reprend : du bois à brûler, des champignons, une ramure laissée par un jeune cerf. Quand vient Noël, nous cherchons des rameaux de pin pour en faire des couronnes, et puis un canard ou deux et des roches plates pour nos murs de pierre. L'été, nous faisons la chasse aux fleurs pour nos enfants : la pâquerette et l'aster, le lupin, le pinceau indien en juin.
J'aime le cri solitaire et troublant des coyotes, les nuits d'hiver. J'aime la façon dont il surgit après une journée passée à scier du bois, quand la lumière s'en va et que s'en vient la nuit, et que les coyotes prennent la parole.
L'écriture est capitale à mes yeux et particulièrement la fiction.
J'ai vu à certains endroits de cette vallée des cerfs, des grizzlys, des élans mâles, des pumas, des grouses et des coyotes partager leur habitat. Tous vivent côte à côte, tous s'entassent tant bien que mal dans cet espace réduit. C'est une vallée étroite.
Il nous faut la vie sauvage pour nous protéger de note propre violence.
Il nous faut la nature sauvage pour contrer cette culbute dans le noir, infinie et tourbillonnante, où c'est précipitée une démocratie branlante, déstabilisée par le big business.
Nous sommes un pays adolescent qui imite les poses les viriles des cow-boys Marlboro à la mâchoire carrée qui s'affichent sur Madison Avenue.
Il nous faut la force des lys, des fougères, des mousses et des éphémères. Il nous faut la virilité des lacs et des rivières, la féminité des pierres, la sagesse du calme, sinon du silence.
En certains lieux, à certains moments, il nous faut rejeter la règle et l'étalon. Il incombe à l'artiste de nous en convaincre, quand le scientifique ne peut qu'y renoncer.