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Critique de Dandine


C'est pour moi un des plus beaux livres du 20e. siecle italien. Des plus emouvants.

C'est l'histoire d'un amour de jeunesse, timide, balbutiant, irresolu, qui ne peut aboutir et qui n'aboutit pas.
Fin des annees 30, a Ferrare, petite ville a moitie endormie, de jeunes juifs de condition differente se rencontrent chez une famille de patriciens de la communaute, qui leur a ouvert les portes de son "domaine", de ses jardins et de ses courts de tennis, quand les autres portes de la ville leur sont interdites, ou tout simplement fermees. Dans ces jardins l'amour eclot, fleur parfumee mais fleur d'un jour, sans conclusion.

Cette belle histoire d'amour de jeunesse n'est peut-etre que le pretexte choisi par l'auteur pour aller a la recherche du temps passe dans une communaute juive perdue. Pour raconter une facon de vivre, une attitude devant la vie. Pour raconter, dans un style tres doux, presque en sourdine, les comportements face a une catastrophe qui n'est pas tres bien comprise. Les lois raciales enervent, compliquent la vie et finissent par la rendre insupportable? Elles passeront peut-etre. La roue tourne. Les juifs en ont vu d'autres. Il faut essayer de faire avec. C'est de l'aveuglement? L'auteur ne le pense pas. On n'est pas aveugle face a l'inimaginable. On ne peut le voir, ni meme le subodorer. On ne peut se defendre de l'inimaginable. On ne peut lutter contre l'inimaginable. Et l'auteur decrit donc la vie dans l'enceinte de lois raciales discriminatoires. La vie avec ses joies et ses peines, ses espoirs et ses apprehensions. Ou peut eclore un bel amour de jeunesse, a toujours garder en memoire.

Du beau livre de Giorgio Bassani, Vittorio de Sica a fait un beau film, y inserant une fin differente, nous montrant la famille patricienne prete a etre embarquee pour un quelconque Treblaushwitz. Une scene qui marque. Bassani n'a pas souhaite etre tellement explicite, bien qu'il annonce cette fin non racontee en debut du livre, quand le narrateur visite le cimetiere juif de Ferrare.
Et ce narrateur, cest un rescape? Comment a-t-il reussi? Comment certains ont reussi a echapper a l'engrenage broyeur? Ont-ils ete plus clairvoyants, plus astucieux, plus forts, plus chanceux? Je crois que la meilleure reponse a ete donnee par une poetesse (comme souvent, sinon toujours), Wislawa Szymborska (et je me permets de melanger deux traductions differentes):
"Tu as survecu car tu etais le premier.
Tu as survecu car tu etais le dernier.
Car tu etais seul. Car il y avait foule.
Car c'etait a gauche. Car c'etait a droite.
Car tombait la pluie. Car tombait l'ombre.
Car le soleil brillait.
Par bonheur il y avait une foret.
Par bonheur il n'y avait pas d'arbres.
Par bonheur un rail, un crochet, une poutre, un frein,
Un chambranle, un tournant, un millimetre, une seconde.
Par bonheur une paille flottait sur l'eau."

Mais je reviens au jardin des Finzi-Contini. Bassani y a mis du metier, avec du doigte et de l'empathie, et le jardin fleurit, refletant la vie d'une petite communaute juive italienne qui n'est plus, ses matins lumineux et ses soirs sombres, ses beaux jours et ses tempetes, ou dans les mots de l'heroine: son passe, son cher, son doux, son charitable passe.

Un tres beau livre. Un livre qui marque. A lire lentement. A savourer.











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