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Michel Arnaud (Autre)Dominique Fernandez (Autre)
EAN : 9782070373949
442 pages
Gallimard (16/07/1982)
3.98/5   78 notes
Résumé :
Dans Ferrare silencieuse et endormie, le bruit court que le docteur Fadigati, praticien respectable et aisé, estimé des " gens bien ", est homosexuel.
Rien de précis ne semble tout d'abord accréditer cette rumeur, et la " bonne société ", reconnaissant à Fadigati une conduite irréprochable en apparence, ferme les yeux. Mais, un jour d'été, le scandale éclate : l'honorable médecin est surpris en pleine idylle avec un jeune étudiant de la ville.
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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De Giorgio Bassani, j'avais lu le jardin des Finzi-Contini, un des plus beaux romans qu'il m'avait été donné de lire.

Les nouvelles rassemblées dans ce livre racontent de façon extraordinaire, profonde mais aussi acerbe, désabusée, et avec souvent beaucoup de détresse, je trouve, la vie de la ville de Ferrare durant la première moitié du 20ème siècle, avec notamment le fascisme et la seconde guerre mondiale.

Encore Ferrare, est-ce qu'il en a écrit, Bassani, d'autres récits qui n'aient pas pour cadre cette ville, je ne crois pas. C'est assez unique de voir un écrivain se limiter à sa propre petite ville de province; mais les thèmes qu'il aborde sont universels.

Le livre comporte deux très courts récits, l'un, tout au début, le mur d'enceinte et l'autre, En exil, tout à la fin du livre, qui, en quelque sorte donnent la coloration du recueil, le premier sur la mélancolie et la poésie du carré juif du cimetière situé près du mur d'enceinte, et le dernier sur la question de l'attachement à la région de Ferrare.

Il y a deux récits majeurs, à la fois plus longs et plus complexes que les autres, d'abord Les lunettes d'or, d'environ 120 pages et Une nuit de 43, d'une soixantaine de pages, alors que toutes les autres nouvelles sont un peu plus courtes, 40 à 50 pages, et un peu moins abouties.

Cependant toutes sont remarquables par leur description de la vie de la « province » italienne, par leur critique de l'état d'esprit des habitants, de leur rapport à la politique, par l'accent mis sur la vie de la communauté juive, et enfin sur la question de l'exclusion, que l'on soit juif, homosexuel, ou « simplement », femme.
Et puis, il y a l'écriture, dont je parle tout de suite, car elle est exceptionnelle en ce qu'elle sait rendre de façon admirable le comportement des gens, leurs racontars, par l'utilisation de digressions, de retours en arrière, d'allusions perfides. Et tout d'un coup, la dimension tragique ressort en quelques mots.
Seul le récit Les lunettes d'or avec son jeune narrateur plein de fougue, d'humanité, mais aussi de clairvoyance, est fait d'une autre façon d'écrire.

Tous les récits se situent dans la première moitié du vingtième siècle, soit au début, pour Lida Mantovani, La promenade après dîner, mais surtout dans la période fasciste de Mussolini et pendant la seconde guerre mondiale, pour tous les autres.
Je ne vais pas les détailler, je laisse à la future lectrice ou au futur lecteur le soin de les découvrir, mais je vais essayer de dégager quelques-unes des caractéristiques et des qualités de ces récits d'une grande richesse thématique.

Il y a tout d'abord ce constat amer que Bassani fait de Ferrare, une ville qui, contrairement à Bologne sa voisine, a, en quelque sorte, raté le « train de l'Histoire », s'est repliée sur elle-même, avec ses habitants aux mentalités étriquées, leurs ragots sur leurs voisins dans une ville où l'on se connaît souvent depuis plusieurs générations, et où l'on passe son temps à s'épier, se juger, et où les destins sont médiocres.
Ainsi en est-il, dans La promenade après dîner, du grand docteur juif Elia Crocos promis à un brillant avenir, mais qui restera à Ferrare plutôt que d'aller à Bologne, sera critiqué pour s'être marié avec une jeune infirmière « goy », Gemma, une épouse qui va dépérir au contact d'un homme solitaire, toujours plongé dans ses livres.
Et dans Lida Mantovani, c'est la triste histoire d'une femme abandonnée par le jeune homme qui l'a rendue enceinte, et qui se résignera à épouser un homme de la communauté juive, bien plus âgé qu'elle.

Il y a aussi, un peu comme en France, une communauté juive qui n'est pas enfermée dans un ghetto, qui est très bien intégrée, dont beaucoup de membres font partie de la bourgeoisie ferraraise, sont médecins, avocats, hommes politiques, etc…Et qui, pour certains, ont soutenu dès le début le mouvement fasciste de Mussolini. Et qui sont persuadés, à tort, que leur passé de combattants de la première Guerre mondiale, leurs relations et leurs amitiés, les protègeront de la discrimination raciale.
Celle-ci s'abattra sur eux, suivie de leur extermination dans les camps par les nazis, et le seul qui en réchappera, dont l'histoire est racontée dans Une plaque commémorative via Mazzini, découvrira qu'il était considéré comme mort, sera en butte à l'incompréhension de ses compatriotes, cherchera follement et sans succès, à évoquer le souvenir de sa famille exterminée.

Il y a l'ambiguïté des ferrarais à l'égard du fascisme, leur hypocrisie sur les événements de la seconde guerre mondiale, leur incapacité à en tirer les conséquences, la « récupération » de grandes figures de la gauche, telle la socialiste Clelia Trotti, dont la cérémonie pompeuse et hypocrite du transfert des cendres dans le cimetière de Ferrare, est l'occasion pour le jeune socialiste Bruno Lattes, de se souvenir des dernières années de celle-ci, de ses entretiens avec cette vieille dame et de son incorrigible espoir de changement de la société, alors qu'elle est astreinte à ne pas sortir de chez elle, et qu'elle est constamment sous surveillance.

Il y a enfin le thème de l'exclusion, magnifiquement décrit dans l'admirable longue nouvelle Les lunettes d'or, dans laquelle la révélation publique de l'homosexualité du Docteur Fatigati, spécialiste ORL , l'homme aux lunettes d'or, jusqu'alors médecin renommé et respecté, le conduira à la perte de sa clientèle, de son poste en Faculté, de ses relations avec la bonne bourgeoisie ferraraise, et enfin à un acte désespéré, alors que dans le même temps, le narrateur, jeune étudiant juif, voit s'installer les lois raciales envers sa communauté.

Il y aurait encore beaucoup à dire, par exemple la finesse psychologique formidable avec laquelle l'auteur décrit ses personnages, aussi le caractère récurrent de certains d'entre eux qui, comme chez Balzac ou Zola, réapparaissent d'un récit à un autre. Bassani fait même une évocation des Finzi-Contini, les héroïnes et héros de son célébrissime roman.

En conclusion, à mon avis et la part de subjectivité qu'il implique, encore un livre exceptionnel de Bassani, un écrivain qui, comme peu d'autres savent le faire (je pense à Balzac ou Proust), sait révéler l'âme humaine dans sa complexité.
Et le constat que la lecture des bons livres est un des moyens qui nous permettent de prendre du recul devant l'abjection de ces sombres jours.
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Le docteur Fadigatti est un médecin réputé dans sa belle ville de Ferrare. Il renvoie une bonne image, fait son travail correctement et rentre dans les bonnes moeurs de la société de l'époque: l'entre-deux guerres. Mais un beau jour, des bruits courent à son sujet: le docteur serait homosexuel et aurait des relations avec un étudiant. On crie au scandale, les regards deviennent insistants, les lois raciales apparaissent également. le docteur tente de continuer sa vie, jusqu'à sa mort où il est retrouvé dans les eaux du Pô, sans que l'on sache si c'est un accident, un meurtre ou un suicide. Giorgio Bassani, issu de la bougeoisie juive ferraraise retranscrit tout le trouble de la société prise dans l'engrenage du fascisme, des préjugés et de la moindre gêne. Un livre qu'il faut lire absolument!
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La première partie du livre campe le décor : Ferrare, ville de province italienne, à l'avènement du facisme. le Docteur Fadigati, praticien renommé, discret, apprécié de tous, généreux, entre-deux âges n'est toujours pas marié. Sa vie est rythmée entre ses aller-retour à l'hôpital et sa clinique privée en ville. Ses soirées sont toujours les mêmes bien qu'un peu mystérieuse. On peut l'apercevoir sortir de chez lui aux environ de 8h, 8h30 et se promener parmi la foule des rues commerçantes et bondées de la ville. Toujours seul, il fait une apparition au cinéma à 10h du soir et se mèle au "petit peuple" du parterre au lieu de réserver une place au balcon comme le voudrait son statut de notable.

Son célibat étonne la bonne bourgeoisie de la ville, d'autant qu'il est déjà âgé d'une quarantaire d'année, et qu'il a une situation financière plus que confortable. Comment se fait-il qu'il ne songe pas à fonder un foyer, et chacun d'y aller de ses suppositions allant jusqu'à le suspecter d'avoir une liaison inavouable avec une femme de condition sociale inférieure. Il n'en faut pas plus pour que les Ferrarais se mettent en chasse d'une fille susceptible de lui convenir.

Puis, un jour, on ne sait d'où vint la rumeur, des bruits commencèrent à courir comme quoi le Docteur n'aimait pas les femmes. Les Ferrarais sont surpris mais satisfait d'avoir découvert le secret de Fadigati. On s'étonne, car depuis 10 ans qu'il exerce dans la ville, on ne s'est aperçu de rien. On lui pardonne, en raison de sa réserve, de son style. Toutefois, on finit par se comporter différemment lui : On le salue brièvement le jour, et on fait semblant de ne pas le reconnaître la nuit. Car ce n'était pas un secret que l'on avait surpris, mais un terrible vice. On le disait en "affaire", avec un agent de police, un huissier de mairie marié, un ancien footballeur, rapports soigneusement clandestins. de fait, le secret de Fadigati commence à ne pas plaire du tout.

Au fur et à mesure du récit interviennent d'autres personnage dont le narrateur - on ne sais pas bien qui il est, ni son nom, hormis qu'il est juif ce qui dans l'Italie faciste aura des répercussions - qui fait partie d'un groupe d'étudiants faisant chaque jour le trajet de Ferrare à Bologne et que le Docteur Fadigati ne tardera pas à rejoindre dans leur wagon de 3ème classe. On fait leur connaissance, notamment celle d'un certain Deliliers qui le qualifie de "vieille tante". le Docteur essaye d'entrer dans leur groupe et se montre bienveillant envers eux, sauf Deliliers qui se montre agressif et grossier alors que les autres étudiants nouent avec lui une relation amicale. Puis, avec le temps, le groupe commençe à lui manquer de respect. Tension et disputes éclatent.

Dans la seconde partie du livre : on retrouve la famille du narrateur qui passe ses vacances à Riccione sur la côte de l'Adriatique et ce, comme tous les étés précédents. Station balnéaire fréquentée par la haute bourgeoisie Ferraraise. A peine arrivé, il entend parler de l'amitié scandaleuse que le Docteur Fadigati entretien avec Deliliers - le couple improbable. On ne sait pas vraiment ce qui les unit et/oui ce qui les a rapprochés - qui s'affiche d'hôtel en hôtel sur la côte. Deliliers se pavane dans une voiture de sport rouge offerte par Fadigati, qui n'est plus le Docteur Fadigati, ni même Fadigati, ni même Docteur, mais un amoureux transi, un simple pantin qu'on peut humilier à volonté. le soir, il passe ses soirées à boire pendant que Deliliers s'affiche avec les jeunes filles, les femmes les plus élégantes et les plus en vue, les faisant danser et les raccompagnant au volant de la voiture rouge.

Le scandale finit par éclater, lors d'un dîner dans la salle du restaurant de l'hôtel, alors que Fadigati reprochait à son jeune ami sa conduite, celui-ci lui assèna son poing en pleine figure pour finir par partir avec l'argent et divers biens du docteur, en quête d'une autre vieille femme ou homme à plumer.

Parallèlement à ces évènements d'autres tous aussi tragiques se jouent. Mussolini calquant sa politique raciale sur celle d'Hitler fait promulguer ses premières lois raciales sous l'indifférence de la haute bourgeoisie et des juifs de la bonne société tous adhérants de la première heure au parti et qui croient que cela n'ira pas plus loin...

A la fin de l'été, au retour à Ferrare le narrateur comme Fadigati se retrouve dans un destin commun, fait de relégation, d'humiliation, d'opprobre, de dégoût et de solitude. Ils se revoient un soir, par hasard, il apprend que le poste que le docteur occupait à l'hôpital lui a été retiré. Il lui propose de partir, mais Fadigatti répond qu'il ne sert à rien de fuir. Les deux hommes se retrouvent en quelque sorte dans la même situation. L'un homosexuel avec le risque d'être déporté, l'autre juif avec le même avenir. Tout deux dénigrés. Fadigatti désabusé et épuisé trouvera une porte de sortie....

J'ai bien aimé ce livre, malgré que la première moitié soit assez lente, beaucoup de descriptions pas vraiment nécessaires, ce livre n'étant pas historique, mais un roman qui se déroule à une période donnée de l'histoire, celle-ci, en étant la toile de fond. La seconde moitié du livre était plus captivante, plus dynamique, dans le sens ou on entrait dans le vif du sujet.

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Le roman met en scène un respectable médecin de Ferrare, le Dr Fadigati, cultivé et membre de la communauté juive, mais aussi soupçonné d'homosexualité. Dans le train qu'il prend pour enseigner à Bologne, il rencontre des étudiants, dont un jeune voyou à la beauté du diable, Deliliers, qui lui fait perdre la tête. Durant l'été, quand tout Ferrare va en "villegiatura" dans la même station balnéaire, il s'affiche avec le jeune homme, avec qui il a une scène orageuse en public, scandale qui le déshonore à jamais et le contraint au suicide.
Le récit douloureux, par la voix d'un tiers, de la fin de la respectabilité et de la chute d'un homme honorable dans une société conformiste, qui ne tolère qu'hypocritement l'homosexualité. le thème n'est pas sans rappeler Mort à Venise de Th. Mann, mais il s'agit là davantage de la peinture d'une société repliée sur ses certitudes et les convenances, et qui n'admet pas la différence.
Lu en V.O.
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En 1937, un étudiant juif qui vit à Ferrare raconte son quotidien avec ses compagnons d'université et sa famille. Parmi les personnages qu'il côtoie on trouve également le docteur Fadigati, un homme d'un certain âge, bien inséré dans la société grâce à son métier,
Sur le fond on perçoit aussi l'ombre du régime fasciste, avec l'arrivée des lois raciales à l'horizon.
Un très beau livre, qui met en scène l'exclusion progressive de deux catégories de personnages, l'une de fait , et l'autre par le regard .
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
incipit
Le temps a commencé à les disperser et pourtant on ne peut pas encore dire qu'ils soient peu ,à Ferrara ,ceux qui se souviennent du docteur Fadigati , sûr qu'ils évoquent l'oto-rhino-laryngologiste qui avait son cabinet et son habitation rue Gorgadello ,à deux pas de la place des Herbes ,et qui finit si mal,pauvre homme , si,tragiquement, lui qui, justement, quand il vint s'établir dans notre ville ,venant de sa Venise natale,avait semblé destiné à la plus régulière,la plus tranquille et,pour cela, la plus enviable des carrières.
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Le sentiment de solitude qui m'avait toujours accompagné durant ces deux derniers mois,devenait,si possible,juste maintenant,encore plus atroce: total et définitif. de mon exil,je ne reviendrai jamais,moi. Plus jamais.
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la gente non mi laciava vivre non avevo piu il diritto di essere un questo mondo , per loro sono comme un mostro . e per questo che non puo stare qui .
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Il n'est rien de plus que le légitime vouloir maintenir séparés, dans sa propre vie,ce qui est public de ce qui est privé, qui excite la curiosité indiscrète des petites sociétés bien pensantes.
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Non, entre partir et rester, l'alternative n'existait plus. Il n'y avait plus qu'une seule route : celle qui menait tout le monde, sans exclure personne, à la rencontre d'un inévitable avenir. Et alors, puisque maintenant le piège s'était déclenché et que toute évasion était impossible, autant valait continuer par la route où l'on s'était déjà engagé, en participant volontairement, ne fût-ce que par pitié et par humilité, aux rêves solitaires, aux passe-temps désespérés, aux tristes et misérables rêves de prisonniers, qui étaient le lot de ses compagnons de voyage.
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