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Citations sur Les aigles puent (8)

Nous sommes des sacs.
À l"intérieur sont entassés tant bien que mal des machines molles qui nous organisent. Cette machinerie nous autorise à bouger, à cligner des paupières ou à marcher, elle s'arrange pour qu'à aucun moment nous n'oubliions de respirer, elle nous permet de reprendre conscience après le sommeil, et elle nous oblige à persister coûte que coûte et quelles que soient les circonstances, même si les circonstances sont ignoblement insupportables. Elle nous oblige à persister coûte que coûte jusqu'à ce que sonne l'heure de la mort.
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Le cri primal du bébé avait été couvert par le grondement du sol, les détonations des bouteilles de gaz dans les étages, le vacarme des murs d'immeubles qui se couchaient sur la chaussée.
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Ici Maryama Koum, fière et intraitable créature des ghettos, combattante, merveilleuse, capable de placer une balle dans le front d’un ennemi à deux cent mètres, a brûlé pendant des heures avec ses trois enfants, Sariyia Koum, quatorze ans, Ivo Koum, quatorze ans également, et Gurbal Koum, leur aîné, quinze ans, allant de l’un à l’autre au milieu des flammes et de la rumeur atroce des écroulements, les consolant avec des contes et des chansons, les incitant à mépriser l’adversité, leur promettant un avenir radieux, essuyant avec sa salive et ses mains noires leur corps que la suie rendait illisibles, leur donnant rendez-vous dans un autre monde.
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Les jours de cérémonie officielle, les humains choisissaient au hasard parmi nous quelqu’un qui tiendrait le rôle de garde rouge rescapé des poubelles de l’histoire. Il fallait s’inscrire pour participer au tirage au sort mais, dans les faits, les humains ne se souciaient pas de respecter les résultats de leur propre loterie et, la veille de la cérémonie, plutôt que de manipuler les bulletins crasseux sur lesquels quelques poignées d’entre nous avaient épelé leurs noms illisibles, ils arrivaient aux abords d’un de nos repaires et ils happaient le premier venu afin de l’habiller en garde rouge et de le faire défiler le lendemain sous les quolibets. J’eus cet honneur. Un soir, alors que, bardé de gamelles vides et tintinnabulantes, j’étais en train de me glisser dans un dépotoir que les humains avaient clos de barbelés, un camion s’arrêta à ma hauteur et il descendit une demi-douzaine d’hommes en combinaison antiallergénique, qui m’expliquèrent sans ménagement que je pourrai, le jour suivant, marcher en pleine rue et vociférer ma haine de l’inégalité sans qu’on me tire dessus à balles réelles.
(« Pour faire rire tout le monde »)
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Renoncer à ce qui suscite la protestation des vivants, à leurs petites indignations qui, la plupart du temps, sont insultantes pour les morts. Accepter le contact épuisé, non poétique, avec les morts.

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Il avait échappé jusque là à l'inexistence; se plaindre d'une sensation d'inconfort aurait eu quelque chose de monstrueux et même d'insultant pour les morts.
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J’aimerais ici donner quelques indications sur ce monde de vertébrés vivants que nous habitions encore à notre manière, sans trop y appartenir en tant que personnes humaines ou autres.
Nous avions perdu sur toute la ligne depuis plusieurs générations.
Aucune lutte n’avait abouti. De temps en temps, pour respecter à la fois la tradition et notre instinct, nous lancions des offensives politico-militaires depuis nos camps, nos centres psychiatriques ou nos ghettos. Elles se terminaient systématiquement en déroute.
La défaite était notre seconde nature. Nous l’avions intégrée à nos comportements, et, lorsque par hasard nous échappions à la captivité, nous préférions habiter les maisons vides, les ruines et les souterrains.
(« À la mémoire de Benny Magadane »)
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– Je n’ai aucune envie de parler, dit le rouge-gorge.
– Ce n’est pas une question d’envie, dit le golliwog. Moi, par exemple, je n’ai jamais eu envie d’être un jouet raciste, que ça date des temps historiques ou de plus tard. L’envie n’a rien à voir avec tout ça. Si tu peux parler, il faut que tu parles. Que tu parles ou que tu te taises.
– Bon, acquiesça le rouge-gorge.
Il se tut.
Ils restaient tous les trois prostrés à l’endroit où le destin les avait rejetés, comme des débris noirs sur une plage après une forte marée, Gordon Koum, le golliwog et le rouge-gorge. Prostrés comme des débris noirs. La ville autour d’eux avait cessé d’être un lieu de rencontre, d’activité humaine, et même de destruction et de mort. C’était simplement un décor obscur dans lequel ils pouvaient tous trois faire preuve d’un semblant d’existence et d’un semblant de connaissances langagières. Un décor sans passé et sans avenir.
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