Bastianelli articule son livre autour de la mort mystérieuse du musicien , intervenant neuf jours après avoir dirigé , pour la première fois, sa
Symphonie pathétique dont l'adagio lamentoso final serait , pour certains un prélude à une mort annoncée .
Il émet l'hypothèse que cette fin survenue prématurément et brutalement à l'âge de 53 ans serait due peut être à un suicide, -
Tchaïkovski, homosexuel, aurait fait des avances au neveu du duc Steinbock
Fermor , l'aristocratie russe aurait eu connaissance de ces agissements et aurait menacé de le dénoncer au tsar . Pour échapper à l'opprobre, il se serait donc suicider en absorbant un verre d'arsenic-
Pour d'autres , ce décès serait consécutif au bacille du choléra, maladie endémique, ayant déjà causé la mort de sa soeur Sacha
Peut être aussi aux dégâts causés par l'addiction au tabac et à l'alcool.
Mais pour l'auteur, la thèse de la maladie reste la plus vraisemblable.
Le livre s'orchestre à partir de cette symphonie pathétique et autour de l'oeuvre du compositeur pour tenter d'expliquer sa vie. (la vie expliquant l'oeuvre et l'oeuvre sa vie!)
Nous apprenons que du sang français – du côté maternel - coule dans les veines de
Tchaïkovski ( ancêtre réfugié en Russie après la révocation de l'Édit de Nantes, plus vraisemblablement après la révolution de 1789) , qu'il a eu une nounou jurassienne , Fanny Durbach à qui il rendra visite peu de temps avant sa mort.
La France où il séjourne plusieurs fois (1861, 1876, 1883,1886) et sa culture qu'il aime vont lui inspirer quelques pages célèbres : l'opéra Iolanda , qui se déroule à la cour du « bon roi René », la chanson « Vive Henri IV »se retrouve dans « la Belle au bois dormant » et « Cadet Roussel » dans « Casse Noisette ». Il introduit dans son orchestre le célesta ,
instrument de musique de la famille des percussions, muni d'un clavier. Inventé en 1886 par Auguste Victor Mustel , un français (1842-1919),( c'est un hybride entre le glockenspiel et le piano, les marteaux actionnés par les touches du clavier frappant des lames métalliques. le son obtenu, riche en harmoniques, est d'une très grande pureté qui n'est pas sans rappeler les antiques boîtes à musique. Dans l'orchestre, c'est un des instruments les plus aigus. Il monte jusqu'au contre ut du piccolo, et dans la douceur, alors que le flûtiste ne peut donner cette note extrême que fortissimo.)
Sa mort fut vécue en Russie comme une tragédie nationale même si plus tard, les Soviets au pouvoir eurent quelques difficultés avec ce compositeur qu'ils jugeaient décadent et dont son talent servait la bourgeoisie réactionnaire. Cependant, le centenaire de sa naissance va offrir au régime l'occasion d'inverser son point de vue pour contenter le public qui se pressait toujours plus nombreux,aux concerts affichant ses oeuvres. Il fut dès lors présenté comme un prérévolutionnaire.
Serge Diaghilev prétend que sans les ballets de
Tchaïkovski, il n'y aurait pas eu les Ballets russes.
Ayant dès son plus jeune âge étudié le piano , ce n'est que tardivement que
Tchaïkovski reprit des études musicales au conservatoire à 23 ans , après avoir suivi un cursus de droit et occupé une place de fonctionnaire au ministère de la Justice
Il se marie avec Antonia Milyukova mais quelques jours après la cérémonie , il s'enfuit loin de sa femme, il entretient une relation épistolière ( une seule fois ils se croiseront) pendant de nombreuses années avec la baronne Nadejda von Meck qui va l'aider financièrement
Ce petit ouvrage fourmille d'anecdotes qui révèlent véritablement la personnalité de ce musicien exceptionnel « Russe, Russe, jusqu'à la moelle des os », il est émaillé de nombreuses références à son oeuvre et donne véritablement envie de réécouter ou de découvrir ses compositions.
Mais nous découvrons aussi que la critique peut être féroce, acérée, émanant de certains musiciens ou critiques musicaux (l'ego est particulièrement développé dans ce milieu artistique!)
Paul Dukas « longueur redondante des développements », pour d'autres, «
Tchaïkovski, est un névrosé qui s'abandonne sans réserve aux impulsions de son tempérament lyrique, mélancolique et pathétique » « interminable et mal- cohérente ouverture » »fadeurs, banalités,vulgarités qui nous choquent », « oeuvres indigestes et de mauvais goût » « les symphonies de
Tchaïkovski n'occupent pas pleinement ou longuement un esprit adulte » « emphase alliée à la mollesse »
Certains chefs d'orchestre refusent de jouer la moindre note de
TchaïkovskiPierre Bourdieu déclare « qu'affirmer son enthousiasme pour
Tchaïkovski revient à jouer avec le feu en raison des connotations sociologiques que cela implique , cette transgression du bon goût serait une condescendance réservée aux « consacrés », à ceux dont le raffinement ne peut être mis en doute. En somme avouer ,son amour pour
Tchaïkovski serait un jeu dangereux – à l'inverse, le critiquer deviendrait un critère de distinction ».
Pour les passionnés du musicien, les critiques sont dithyrambiques
Julien Green écrit « Si le diable faisait de la musique, ce serait elle de
Tchaïkovski, séduisante, habile et vulgaire. Elle a des langueurs qui troubleraient un instant les auditeurs les plus froids. Tout à coup, la voilà folle de plaisir, o propos de rien, et comment ne pas la suivre et se laisser emporter par ce tourbillon ? » Selon Stravinski, «
Tchaïkovski possédait au plus haut point trois qualités la simplicité, l'absence d'artifices et la spontanéité » En 1984, un musicologue écrit « Ces adagios éperdus sont autant de trouvailles musicales qu'on ne peut qualifier simplement de sentimentales mais qui sont de véritables sanglots de composition, des moments d'émotion sans cesse renouvelables .
Mais lui aussi peut se montrer , tour à tour violent ou passionné pour une oeuvre qu'il affectionne. Parlant de la danse bohémienne de
Claude Debussy il écrit « C 'est une très jolie petite pièce mais trop brève. Aucune idée n'est exprimée jusqu'au bout. La forme est confuse et dépourvue de sens
Si la musique est sensée adoucir les moeurs, elle peut aussi provoquer des réactions intempestives et violente !
Bastianelli affirme pour contenter et justifier les propos de chacun « Pourquoi la musicologie ne serait-elle pas une discipline aussi scientifique que la microbiologie ? »
En guise de conclusion, une citation de Piotr
« A travers la musique , je me suis efforcé d'exprimer la douleur et les délices de l'amour »
C'est ce que je vous invite, au final à retenir !