Lorsque les rêveurs ont voulu changer le grand ressort de l’activité humaine, pour substituer la fraternité à l’individualisme, qu’ont-ils imaginé ? Une contradiction doublée d’hypocrisie. Ils se sont mis à crier aux masses : « Étouffez dans votre cœur l’intérêt personnel et suivez nous ; vous en serez récompensés par tous les biens, par tous les plaisirs de ce monde. » Quand on essaye de parodier le ton de l’Évangile, il faut conclure comme lui. L’abnégation de la fraternité implique sacrifice et douleur. « Dévouez-vous, » cela veut dire : « Prenez la dernière place, soyez pauvre et souffrez volontairement. » Mais sous prétexte de renoncement, promettre la jouissance ; montrer derrière le sacrifice prétendu le bien-être et la richesse ; pour combattre la passion, qu’on flétrit du nom d’égoïsme, s’adresser à ses tendances les plus matérielles, — ce n’était pas seulement rendre témoignage à l’indestructible vitalité du principe qu’on voulait abattre, c’était l’exalter au plus haut point, tout en déclamant contre lui ; c’était doubler les forces de l’ennemi au lieu de le vaincre, substituer la convoitise injuste à l’individualisme légitime, et malgré l’artifice de je ne sais quel jargon mystique, surexciter le sensualisme le plus grossier. La cupidité devait répondre à cet appel.
[Harmonies économiques]