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EAN : 9782246811640
88 pages
Grasset (14/01/2015)
3.41/5   74 notes
Résumé :
« Je suis sorti de la tranchée et tout de suite ses yeux m’ont fixé : deux prunelles de cendre. C’était une chèvre, une pauvre chèvre que nous n’avions pas vue, enchaînée sur la plaine, face au pylône et à la bombe. Un chevreau semblait s’abriter derrière elle, sur ses pattes tremblantes. Tous deux étaient comme cuits. J’ai abandonné mon compteur, et la chèvre s’est mise à hurler. Le chevreau était tombé sous elle. Il y avait ce cri, mécanique, sans être, un cri à n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Le premier essai nucléaire français fut réalisé en 1960 dans le Sahara sous le nom de code "Gerboise bleue".
C'est joli une petite gerboise, c'est mignon tout plein... mais ce qui s'est passé lors de cet essai l'est nettement moins.
Des hommes ont servi de cobayes humains pour étudier les effets de l'exposition aux radiations.
Ils ont été envoyés tout près de là où l'explosion devait avoir lieu, et naturellement sans qu'on les ait informés des dangers potentiels.
Pas de la chair à canon, mais de la chair à bombe.

À travers son personnage de fiction, Christophe Bataille donne la parole à tous les sacrifiés, à tous ceux à qui on a menti et dont on a détruit les vies.
"Quand tout a commencé, j'avais vingt et un ans." : le rédacteur anonyme du journal que le lecteur a sous les yeux était un tout jeune homme. Il avait la vie devant lui ou du moins, il aurait dû l'avoir, mais la Grande Muette en a décidé autrement.
Naïf au début, le malheureux cobaye deviendra pleinement lucide : "À vingt et un ans, je suis devenu un résultat."

Ce court ouvrage (moins de quatre-vingt pages) est saisissant.
Il se compose de tout petits paragraphes et le narrateur alterne le récit de la journée de l'explosion, des souvenirs du passé et diverses réflexions.
Christophe Bataille donne une description très imagée de l'explosion : les couleurs, les lumières, les sensations. C'est très beau, et cette beauté contraste cruellement avec l'horreur produite.
La concision du texte lui donne une grande force et j'ai terminé cette petite heure de lecture toute secouée.

Je ne veux pas clore cette "critique" sans ajouter une réflexion personnelle qui me semble indispensable sur le sujet.
La bombe qui explosa lors de l'essai dont il est question dans ce livre développa une puissance de 70 kilotonnes. Une folie inventée par l'homme, hélas peu en manque d'imagination pour concevoir des moyens de destruction.
Cette utilisation militaire du nucléaire n'a rien à voir avec ce que l'on nomme le "nucléaire civil" et qui nous sert à produire de l'électricité à bas coût.
Ce nucléaire civil est, en France, rigoureusement encadré et contrôlé en permanence. de multiples niveaux de sécurité existent, fonctionnant comme des couches de protection qui seraient superposées.
Les terribles accidents de Tchernobyl et Fukushima sont à la base liés à des défaillances matérielles mais surtout humaines : manquements aux règles élémentaires de sécurité, prise à la légère des risques potentiels, volonté de faire des économies au détriment de la sécurité...
Il fut un temps où la France était à la pointe dans le domaine du nucléaire civil, où les Français bénéficiaient d'une électricité peu onéreuse, où la France était indépendants énergétiquement et où elle exportait une partie de sa production, ce qui lui rapportait des bénéfices non négligeables : grâce à nos ingénieurs, à leur travail, à leur savoir-faire, la France était dans ce domaine leader mondial.
Ce temps-là est, hélas, révolu parce que des politiciens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et qui ne prennent des décisions qu'à l'aune du nombre de voix qu'elles peuvent leur rapporter ont jugé bon de fermer des centrales et de tout bonnement saborder la filière nucléaire.
Tout ça pour engranger les votes écolos alors que l'argument écologique ne tient pas debout : l'énergie nucléaire est non polluante et totalement décarbonée, tandis que depuis ces choix honteux nous importons de l'électricité produite dans des centrales à charbon, immenses sources de pollution et de CO2.
Tapez dans un moteur de recherche "Qui est responsable de la fermeture des centrales nucléaires françaises ?" et vous saurez à qui vous devez actuellement vos délirantes factures d'électricité !
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Tout comme le titre de ce roman, découvrir l'écriture de Christophe Bataille fut pour moi une véritable expérience. Certes, pas avec autant d'enjeux que ce que vit le personnage de cet ouvrage mais toujours est-t-il qu'ayant un avis mitigé sur cette première découverte, je ne suis pas sûre de prolonger l'expérience encore longtemps...on verra bien, il ne faut jamais dire jamais !

Ici, le lecteur se retrouve en plein désert alors de la guerre d'Algérie prend fin. le protagoniste a été choisi comme cobaye pour tenter une nouvelle expérience, celle de savoir quel effet aurait sur les hommes le fait d'être exposé à une explosion nucléaire, même en étant protégés dans des bunkers ou profondément enfouis dans des tranchées.K Pourquoi notre homme se retrouve-t-il ici ? Si je vous dis que c'est parce qu'il a trébuché sur les Champs Elysées lors du défilé des militaires, vous n'allez pas me croire ? Vous auriez peut-être raison...quoique...Bref, à vous de voir !

Un livre bien écrit, cela je ne le contexte pas mais avec lequel je n'ai pas vraiment accroché ! Était-ce à cause du thème abordé ici ? Je ne saurais dire. Un ouvrage qui se lit très vite donc, histoire de me contredire par rapport à ce que j'ai dit en guise d'introduction, je vais peut-être retenter l'expérience avec un autre ouvrage de cet auteur, voir ce que cela donne...A découvrir !
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L'expérience est un court texte romancé qui traite d'une expérience vécue par un cobaye, sous la forme de son témoignage écrit. Pas n'importe quelle expérience: une exposition directe à une explosion nucléaire menée par la France dans le désert algérien. L'objectif était d'observer les effets sur l'humain.

La plume de Christophe Bataille est ciselée, tranchante, sans concession. Bien sûr le sujet fort s'y prête bien. La texte juxtapose des courts paragraphes transcrivant les idées du narrateur, souvenir du passé, réflexions philosophiques, récit détaillé de cette journée atomique.

C'est très bien écrit, le ton est juste, la documentation est étayée.

Par sa concision, cette lecture d'une heure est aussi une expérience de lecture assez intense, prenante et au contenu historique édifiant.

(Merci à Babelio et aux éditions Grasset de m'avoir fourni gratuitement ce livre dans le cadre de l'opération Masse critique de Janvier 2015).

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" Il y a eu un flash gigantesque. Ce n'était pas la lumière, ni même la foudre, ce n'était pas l'arc-en-ciel, c'était après la lumière." C'est avec ces quelques mots laconiques que le narrateur décrit l'expérience qui a fait de lui un cobaye, un survivant, un irradié sacrifié sur l'autel de la science dans le désert du Sahara en 1961 lors des essais nucléaires de Reggane.

Dans cette fiction, un narrateur anonyme livre un témoignage inédit sur un sujet cadenassé par le secret Défense. Mais pas de place pour le pamphlet violent et explosif ; ce récit étant moins un combat pour la vérité qu'une suite de fragments spontanés qui se cristallisent autour d'un sentiment. Celui d'avoir vu se briser prématurément dans le nuage de sable une part de lui-même et l'innocence d'un jeune homme de vingt et un ans.
Il n'y a donc pas de volonté d'informer ou d'expliquer, c'est un roman où souvenirs et impressions se confondent sous la forme d'un compulsif d'images et de pensées désordonnées. Nulle intrigue mais un arpentage au fil des confessions qui dessine le portrait d'un inconnu qui a participé à quelque chose qui le dépasse.
L'auteur a ainsi fait de cette fiction un roman de la mémoire mais non de la nostalgie. A la rondeur des mots, l'ampleur des phrases ou la tonalité profonde des souvenirs, Christophe Bataille préfère une écriture sèche, dépouillé, qui condense à l'extrême pour ne pas masquer la brutalité des faits. Cela n'empêche pas d'offrir un récit serein, la vieillesse approchant de son terme.
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"Vous êtes ingénieur. La guerre n'est pas pour vous. Alors venez quelques jours avec moi. Nous faisons des expériences intéressantes dans le Sahara. Des bombes nouvelles. Puis... Vous serez libre. Rendu au monde civil. Très vite."
Ce jeune soldat de 21 ans va en effet participer à des expériences, mais en tant que cobaye. Au début des années 60, en pleine guerre froide, avec la menace d'une troisième guerre mondiale, chaque pays tripotait l'atome dans son coin : "Les Etats-Unis avaient réalisé plusieurs expériences comme celles-là, mais ils refusaient de nous en communiquer les résultats". (p. 45)
Quatre essais nucléaires aériens ont ainsi été menés en 1960 et 1961 à Reggane, dans le désert algérien. Plus de deux cents ont suivi jusqu'en 1996, en Algérie puis en Polynésie française, impliquant officiellement environ 150 000 civils et militaires.

Christophe Bataille relate cette expérience de quelques heures et les souvenirs de ce soldat plusieurs décennies après les faits. Ceci en moins de cent pages très aérées, dans un style dépouillé, elliptique, où priment les sensations - bruits, lumières, chaleur, peur.
Lecture instructive, dérangeante sur le fond (forcément !) et sur la forme - saccadée, désagréable, mais adaptée au propos.
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critiques presse (3)
LeFigaro
06 février 2015
Texte dense et poignant où s'élucident de secrètes injustices, L'Expérience est constitué de séquences courtes naturellement accordées à la brutalité du propos: le sacrifice conscient, par la hiérarchie militaire française et les laborantins fous du Commissariat à l'énergie atomique, de dizaines de cobayes chargés d'évaluer le niveau de radiation supportable par le corps humain…
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
04 février 2015
Héritier de Boileau («Ajoutez quelquefois, et souvent effacez»), Christophe Bataille a eu l’intelligence d’écrire un texte bref et foudroyant, d’une effrayante blancheur, comme l’éclair atomique. Le lire, c’est s’y brûler.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
07 janvier 2015
Ce très beau texte de Christophe Bataille approche la lumière au plus près : celle de la bombe atomique et, plus sûrement, celle que perçoivent les hommes entre la vie et la mort.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
La preuve, c'est moi. Elle n'ira plus très loin. Je voudrais dire encore que je suis fier, je voudrais crier vive la France. Or je ne peux plus. Ma langue est paralysée. Je respire encore, mais pour combien de temps ? Bientôt je serai sifflement, poussière, vent de sable, lumière transparente dans un corps qui n'est plus.
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Il n'y a pas de chefs : il n'y a que des petits garçons. Donnez-leur un uniforme et un poignard. On dirait qu'ils sont à la tête de leur vie. Voilà ce que nous étions, alors, mes hommes et moi : des petits garçons à la tête de leur vie.
Mais j'ajoute ceci : la possibilité de percer le coeur d'un homme ne fait pas un homme.
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On n'a menti. On nous a menti. On a été poussés, bien sûr. Forcés. On a menti aux ouvriers, aussi. A ces pauvres habitants du désert. Certains se sont installés non loin, des années plus tard.
Eux n'ont pas vu l'éclair mais la maladie. Les tôles de certains blockhaus ont été utilisées, volées, vendues dit-on, mais par qui, et où, et pourquoi à ces Touaregs qui en ont fait des toits? Drôles de maisons de mortier et d'aluminium. Mais rien ne passe: la bombe a frappé, elle frappe.
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"[...] l'oubli est diabolique ; le souvenir est diabolique. Il faudrait ne pas aimer, disait-elle. Et ne pas avoir vécu. Alors ceux qui ont peur, qu'ils s'écartent..."
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En 2002, le ministre des Armées de l'époque, vieux et légendaire dans son costume à galons, expliquait dans un autre journal : "Nous voulions surtout évaluer le niveau de radiations subi par les hommes afin de définir les distances de sécurité." Puis : "Les Etats-Unis avaient réalisé plusieurs expériences comme celles-là, mais ils refusaient de nous communiquer les résultats".
J'ai défini les distances de sécurité. J'ai fait l'expérience et les résultats. J'ai été un cobaye. Quant à toi, Pierre Messmer, dans ton bureau de 1961, dans ton silence de 2002, sans regret, sans geste, sans un mot pour nous, les petits garçons désarmés dans la tranchée, puis dans ta tombe de 2007, je ne te maudis même pas.
.... tu es mort sans rien connaître : c'est moi qui ai vu Reggane et le monde d'après.
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Videos de Christophe Bataille (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Bataille
L'éditeur et romancier Christophe Bataille publie "La brûlure" chez Grasset. Ce roman raconte la vie d'un élagueur d'arbres soudain attaqué par des centaines de frelons asiatiques. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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