AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Manuel Berri (Traducteur)
EAN : 9782823602166
528 pages
Editions de l'Olivier (06/05/2021)
3.48/5   21 notes
Résumé :
Université de Harvard, 1995. Selin, une jeune Américaine d'origine turque, entame des études de lettres et de langues. Selin se sent à part. Elle ne maîtrise pas les codes, sa gaucherie lui fait honte et ses amours avec Ivan, un étudiant en mathématiques hongrois, sont rapidement déçues. Pétrie d'illusions, elle envisage sa vie au miroir de la littérature, en particulier les romans russes, dont elle raffole. Don Quichotte des temps modernes, Selin comprend peu à peu... >Voir plus
Que lire après L'idioteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ne vous fiez pas aux apparences. La jeune Selin, qui vient d'intégrer Harvard, peut ne pas sembler très futée lorsqu'elle est confrontée à ses contemporains. Passionnée par la littérature russe, apprenant accessoirement le russe (cette ‘idiote' ne serait-elle d'ailleurs pas un clin d'oeil à un roman du célèbre Fiodor Mikhailovitch), elle est totalement déboussolée lorsqu'elle tombe en amour pour Ivan, un étudiant Hongrois. Mais la vie n'est pas écrite comme un livre, ce que semble uniquement connaître notre amie…

Dans ce roman de formation, Elif Batuman nous convie à réfléchir sur les relations humaines. C'est rafraichissant et plein d'humour, et l'auteur sait admirablement manier l'autodérision.


Commenter  J’apprécie          480
Décidément les turcs en 2021 !..
A mes yeux deux dates significatives et déclinantes, avril et mai de l'année !

Un lien profond unit deux artistes turcs pour lesquels il semble que la littérature les a sauvés, et la littérature seule : l'une Elif, l'autre Ahmet, comme presque dans une contradiction de parcours différents.

Elif Batuman, l'auteur admirable des Possédés, finaliste pour l'Idiote du prix Pulitzer en 2018 dont il est question ici, qui nous enseigne que pour elle dans ce gigantisme américain qui lamine les particularités culturelles et broie les hommes , la littérature est venue lui apporter un souffle d'espoir et de reconnaissance. La traduction française de l'Idiote vient d'être publiée.

Ahmet Altan, qui vient d'être libéré de prison après avoir purgé une peine de 4 ans 1/2 contre toute attente par la conjonction de deux facteurs, l'intervention de la CEDH en faveur de la relaxe et celle de la Cour de Cassation turque qui vient d'infirmer le jugement qui condamnait l'écrivain a dix ans de prison. Ce dernier entrait à mon avis dans une zone dangereuse pour sa santé mentale, physique et que ce n'est que grâce à la littérature que le fil qui le reliait au monde lui a été salutaire.(*)

La Turquie honore de belle façon la littérature universelle.

J'y vois donc à travers ces deux exemples d'artistes turcs, une communauté de destins où l'activité littéraire a joué un rôle prépondérant pour leur survie, suffisamment prégnante pour être signalée.

A mon avis il faudra vraiment primer ce livre L'Idiote de Elf Baluman qui est une sorte de parcours initiatique d'une artiste turque ayant choisi l'exil aux Etats-Unis, et penser déjà au livre à paraître de Ahmet Altan qui touche la deuxième partie de sa vie carcérale. S'il sera de la même veine que le précédent, je n'ai aucune raison de douter de l'impact qu'il aura dans le monde des lettres..

J'allais oublier de mentionner une chose avant de clôturer cette page : tous deux sont passionnés de littérature russe.

(*) Je sais que je vais choquer, mais je m'en fous je le dis quand même, il me semble que le temps de la peine est d'une importance considérable. Tout dépend évidemment des conditions d'incarcération. Mais ici, c'était tout de même sévère, ça nous laisse imaginer pour les droits communs en Turquie ! Pour Ahmet, on entrait dans une zone dangereuse comme quand on entre en anorexie, il arrive un moment où les séquelles deviennent irréversibles. Ici, c'eût été quoi, + de 5 ans, 6 ans, sept ans .. Il y a vraiment à un certain moment, une bascule dans l'inconnu qui devient préjudiciable pour celui qui emprisonne et pour la sante mentale du condamné. Il semble ici que des instances supérieures aient tranché ce noeud gordien, mais pour combien d'autres qui n'ont pas cette chance, qui ne s'appellent pas Ahmet Altan, la peine est très lourde de conséquence.
Commenter  J’apprécie          133
Selin Karadag vient de quitter son New Jersey natal pour entrer à la prestigieuse université d'Harvard. Venant d'une famille d'origine turque, attachée aux traditions, elle découvre avec effarement un nouveau monde et ses codes, qu'elle ne maîtrise pas. (Pourquoi les étudiants boivent-ils autant, se demande-t-elle?) Elle découvre aussi ses thèmes d'étude, apprend le russe, effectue de petits boulots (des cours particuliers).
Comme dans la littérature russe qui la passionne, il est souvent difficile dans ce roman, pour la narratrice comme pour nous, de comprendre la psychologie des personnages - hormis celle de Selin qui s'épanche longuement sur ses émotions. Nous assistons à des conversations insolites (ses élèves notamment), à des rencontres surréalistes, avec ses colocataires, avec Ivan l'étudiant hongrois qui lui plait... Nous nageons comme elle en plein brouillard... sauf que nous, on rit beaucoup. C'est donc une sorte de roman initiatique, plein d'humanité et surtout d'humour, quoiqu'un peu longuet.
Traduction presque irréprochable de Manuel Berri (quelques bugs de temps un peu gênants).
LC de septembre 2021: "Première rencontre"
Challenge USA : un livre, un État (Massachusetts)
Commenter  J’apprécie          90
J'ai mis du temps à m'attacher à Selin, cette étudiante en pleine recherche d'elle-même, qui semble plus spectatrice qu'actrice de sa propre vie.
Elle se laisse porter par le cours des choses, parfois en les subissant, et quand elle prend une décision, c'est sans vraiment comprendre pourquoi et comment.

Pendant les deux cent premières pages (soit la moitié du livre), je n'ai cessé de me demander où l'auteure souhaitait m'emmener et pour quelle raison. J'étais un peu dubitative...et pourtant, j'ai continué sans me poser de questions (un peu à la manière du personnage principal), emportée tout de même par ce sentiment d'attente et par la fluidité de l'écriture.

Et le résultat final est beau, sensible et réaliste.
Selin, c'est le reflet du premier émoi amoureux - celui qui arrive sans même qu'on s'en aperçoive, et dont la force éclipse tout - c'est la gaucherie et la naïveté des premières années d'indépendance.
Commenter  J’apprécie          00
Un roman de formation envoûtant mettant en scène le parcours d'une jeune étudiante d'Harvard qui se sent constamment en décalage dans son nouvel environnement. Plus que ses origines turques c'est son enfance passée dans une modeste banlieue du New Jersey qui lui donnent cette constante et désagréable impression. Il lui manque les codes de cette société à part, et c'est auprès des étudiants étrangers qu'elle se sent le plus à son l'aise, elle, l'américaine ! Entre les cours alambiqués sur le langage elle entreprend d'apprendre le russe, s'embarque dans une histoire d'amour compliquée qui la conduira en Hongrie... Il n'en faut pas moins pour devenir adulte.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Svetlana prétendait que je me prenais pour un robot uniquement capable d'actions négatives. Que mes considérations vis-à-vis du langage étaient cyniques. "Tu conçois le langage comme une fin en soi. Tu crois qu'il ne signifie rien. Enfin, non, tu ne le crois pas, c'est juste que tu te fiches de le savoir. A tes yeux, une langue forme un système autosuffisant.
- Mais c'est le cas.
- Non, mais tu t'entends ? Voilà comment tu en es venue à t'acoquiner avec l'incarnation du diable. Ivan a bien senti ton état d'esprit. Il cultive le même cynisme que toi, voire davantage, à cause des maths. Tu l'as dit toi-même : les maths sont un langage initialement d'une grande abstraction, d'une abstraction supérieure aux mots, et qui est soudain devenu très concret. Grâce aux maths, on a su fabriquer la bombe atomique. Ce qui était un langage abstrait te laisse désormais des brûlures au troisième degré. Voilà qu'il existe dorénavant un langage spécifique avec lequel on peut tout contrôler, tout manipuler, et si tu fais partie de l'élite qui parle ... eh bien tu peux à ton tour tout contrôler.
Commenter  J’apprécie          181
Avant d'entrer à la fac, j'ignorais ce qu'était un e-mail. J'avais déjà entendu ce mot et, sans trop comprendre, je savais que j'en "aurais" un. "Tu vas être à la pointe, avec tes zii-mails", m'avait dit la soeur de ma mère, mariée à un ingénieur informaticien. Elle insistait toujours sur le "e" de "e-mail".

Cet été-là, j'entendais parler d'e-mails de plus en plus souvent. "Tout change si vite, estimait mon père. Aujourd'hui au boulot, j'ai surfé sur le web. J'étais au Metropolitan Museum of art de New York, puis la seconde d'après, à Anitkabir." Anitkabir, le mausolée d'Atatürk, se trouvait à Ankara. Je n'avais pas la moindre idée de ce que mon père racontait : ça n'avait aucun sens , il n'avait pas "été" à Ankara ce jour-là ; je n'ai donc pas accordé davantage d'attention à ses propos.

Mon premier jour à l'université, j'ai fait la queue devant une table pliante pour finalement obtenir une adresse e-mail et un mot de passe temporaire. Dans cette adresse, il y avait mon nom de famille, Karadag, tout en minuscules et sans le g bref muet, propre au turc. Toute petite, j'avais compris que c'était bizarre, un g qui ne se prononce pas. "Le g ne se prononce pas ", précisais-je, avec une lassitude qui ne manquait jamais de faire rire. Je ne comprenais pas en quoi l'adresse e-mail était une adresse, ni même un raccourci...


"Je n'ai donc pas accordé davantage d'attention à ses propos". Nous voilà embarqués dans "L'Idiote", roman autobiographique de 525 pages paru aux Editions de l'Olivier en mai 2021 dans sa traduction française. Monument littéraire d'une jeune turque exilée aux Etats-Unis qui va devenir professeur d'université. Immanquablement, cette fille de culture profondément attachée à son pays la Turquie, mais pas seulement, la Russie aussi, la Hongrie va rebondir positivement dans ce pays d'accueil où la diaspora s'organise pour en fait espérer vivre dans cette Amérique si différente à ses yeux. Plutôt que l'abattement, les états d'âme, truculence et sensibilité occupent ce roman, les situations d'une drôlerie infinie émaillent ce pavé qui a failli décrocher le Pulitzer 2018. On nous annonce une suite à ce fabuleux texte, c'est avec la plus grande ferveur que j'accueille cette intention ; bien sûr que mon expectative jouera encore comme elle l'a fait pour la suite après les Possédés de 2015. Comme on dit au point de me lasser de cette expression : L'Idiote tient toutes ses promesses dans mon esprit. J'y retrouve ici totalement cette tonalité intelligente, féminine, altière où les références culturelles s'empilent comme de l'or dans la tête de cette jeune dame ; la plume est alerte, délicate. Et la chance qui nous est donnée à la lecture de ce livre est cette empathie pour la jeune auteur qui se retrouve aisément dans les fossés existants entre la culture littéraire et notre monde bruyant de plus en plus insupportable, sauf peut-être que pour Elif Batuman la culture littéraire, artistique apparaît comme un salut au détriment de tout le reste qui n'est pas ici d'être née sur place où elle devra pas à pas faire précisément sa place ..

Comme l'indique la 4eme de couverture : "Au terme de ce magnifique roman d'apprentissage plein d'humour et d'autodérision, une jeune femme trouve sa voix dans l'écriture, unique manière raisonnable, selon l'auteur, de supporter le monde réel". Qu'ai-je à ajouter à cela, peut-être son talent d'artiste immense qui investit entre deux eaux d'une puissance torrentielle un monde qui ne lui était pas acquis.

Si le troisième ouvrage qui se profile sera du même tonneau, alors je peux dire dès à présent qu'il faudra compter avec Elif Batuman pour être la grande ambassadrice de la culture exilée contemporaine à travers le monde et un écrivain de premier plan. Mais je suis prêt à parier que mon voeu sera exaucé !
Commenter  J’apprécie          46
La façon dont Svetlanan pouvait avoir autant d'avis sur tout était pour moi un mystère. N'importe quelle information semblait instantanément générer une opinion chez elle. Alors que pour moi qui allais de cours en cours, lisais des centaines, des milliers de pages de substantifiques idées des grands penseurs de l'humanité, rien ne se produisait. Au collège j'avais un avis sur tout, mais le collège avait été pour moi comme une prison synonyme d'opposition et d'ostacles. Une fois ces obstacles derrière moi, le sens des choses sembalit également s'évaporer.
Commenter  J’apprécie          330
Qui choisit ce qui nous est donné à voir ? Il s'est mis à parler des musées qui pour nous étaient des ambassadeurs de l'art, alors que c'en étaient les censeurs. Chaque musée possédait dix, vingt, cent fois plus d'oeuvres qu'il n'en exposait. Le conservateur, tel le surmoi, refoulait quatre-vingt-dix neuf pour cent des pensées derrière l'obscurité d'une porte comportant un écriteau PRIVE. Le conservateur disposait d'un pouvoir consistant à faire ou défaire un artiste.- à l'éprouver ou le réprouver. (p. 34)
Commenter  J’apprécie          140
Au fond de moi, je savais que Whorf avait raison.Je savais que je ne pensais pas de la même façon en turc et en anglais, non pas que la pensée et la langue soient identiques, mais parce qu'une langue vous force à tenir compte de différentes choses. Par exemple, en turc, il existe un suffixe -mis qu'on ajoute au verbe quand on rapporte un fait dont on n'a pas été le témoin direct. On confère donc toujours aux choses son degré de subjectivité. On y pense constamment, dès lors qu'on ouvre la bouche.
Commenter  J’apprécie          140

autres livres classés : littérature turqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (80) Voir plus



Quiz Voir plus

Tête de Turc !

De quelle pièce de Molière cette réplique est-elle extraite ? Que diable allait-il faire dans cette galère ? Ah maudite galère ! Traître de Turc à tous les diables !

Le bourgeois gentilhomme
Monsieur de Pourceaugnac
Les Fourberies de Scapin
La jalousie du barbouillé

10 questions
61 lecteurs ont répondu
Thèmes : turquie , turc , littérature , cinema , humour , Appréciation , évocationCréer un quiz sur ce livre

{* *}