De l'exposé méthodique et comparatif que nous venons de faire, il résulte clairement que le passé a obéi, en architecture, à deux ordres d'idées absolument différents : l'un, dans l'antiquité et le moyen âge, a dirigé, développé la puissance créatrice de l'artiste, l'autre, à partir de la Renaissance, l'a réduit à imiter, à répéter les résultats obtenus précédemment. Aujourd'hui l'architecte est contraint de choisir entre ces deux voies ; celle qui doit le conduire au but que détermine l'esprit moderne, paraît tout indiquée, mais il doit, avant de s'y engager, pouvoir compter sur une éducation et un enseignement capables de le soutenir utilement, de lui fournir de véritables principes. En quoi consistent ceux-ci, où, et comment se manifestent-ils de façon à donner une direction permettant d'échapper au procédé commode d'imitation si fatal à l'architecture ?
Les Égyptiens avaient à leur disposition la pierre et l'argile : les calcaires et le granit pour les temples et les tombeaux, la matière argileuse réservée aux habitations. Ces dernières offrent assurément un intérêt de curiosité, mais c'est dans la réalisation des temples qu'il faut chercher la méthode de composition qui a guidé ces premiers constructeurs, dont le sentiment artistique a atteint une si haute et si impressionnante puissance.
Ce qu'il fout surtout envisager dans les œuvres du passé c'est, d'une part, l'organisme des éléments de structure qui détermine les dispositions générales et les proportions des édifices ; d'autre part, les formes de détails et de décoration. A ce propos j'observe que souvent on se sert indifféremment des adjectifs architectonique et architectural. Ces deux mots ont cependant une signification bien différente. L'œuvre est architectonique dans sa structure et elle ne devient architecturale que lorsqu'elle est complétée par les formes et la décoration.
L'architecte utilise, sans doute, tout ce que la science et l'industrie apportent de nouveau, mais il le fait après coup, sans en avoir tenu compte dans la conception première, dans l'étude des plans et des moyens de construction; tout alors s'exécute sans direction réelle, et sans unité de travail. Aussi l'architecture s'exerce-t-elle dans une incohérence inutilement coûteuse, sans profit pour l'art et sans aucun ordre.
Tant que les sociétés nouvelles furent dominées par la monarchie, cette façon de concevoir le rôle de l'architecture s'explique historiquement, mais le jour où la puissance démocratique s'affirma, notamment en France, à la suite de la Révolution, il est évident que l'art devait se mettre, petit à petit, au service de conditions et d'exigences nouvelles qu'il lui était impossible de satisfaire par la copie du passé.