Sur la peau

V. était très jolie. Elle le savait, mais avait le talent rare de faire croire le contraire, avec beaucoup de naturel et sans doute de vraie modestie. Blonde aux longs cheveux sans raideur, les yeux bleus, un corps bien fait dont la minceur accentuait la souplesse. Un sourire botticellien, les lèvres gourmandes d’un chat. Et une peau astrale. Tissée du chanvre le plus sauvage, voilée de l’organdi le plus mousseux, veinée du réseau le plus fin. Transparente sans fragilité. Lumineuse sans diaprure. Éclatante sans morgue. Une vraie peau de belle blonde qui ignore sa beauté comme si elle allait de soi. Qui ignore sa force parce qu’elle est masquée, et sa fragilité parce qu’elle est languide. Éblouissante union de génie génétique et de chance. Une peau d’aurore, de zénith et de crépuscule qui se bousculent en chahutant chaque jour pour fabriquer le jour suivant.

Nous partagions nos sanglots, nos cafards, nos fous rires quand les confidences échangées sur les exploits timides, avortés, fanfarons ou indécents de nos petits amis nous rendaient cruelles. Nous partagions les insomnies d’intimité où les larmes de l’une consolaient les chagrins de l’autre, où nos rires effarouchés étouffaient les inquiétudes de nos bonheurs futurs.

Nous partagions tout. Les bonnes notes, les mauvaises, le plaisir des insolences acides qui font sortir de leurs gonds les profs les plus placides, les insoumissions, les cabrements instinctifs devant l’autorité, la noirceur du défini, du bien-pensant, de l’ennuyeux, de l’orthodoxie, du stupide.