Citations sur Les couleurs de la liberté (10)
Comment condamner d'aussi jeunes vies alors qu'elles sont pleines de promesses ? Il est de notre devoir de les éduquer. C'est plus difficile que de les enfermer, mais tellement plus beau.
A Sheridan, tout allait si vite ...
Depuis la petite enfance, on courait pour apprendre, être accepté, admiré.
L'épreuve validait vos aptitudes, et vous vous lanciez dans la course au travail.
La course à celui qui obtiendrait un boulot valorisant, réputé, épanouissant.
Alors, perdre du temps avec les gens qui ne vous apporteraient rien, c'était bien beau, mais ...
Mais elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait reçu cette épreuve, de peindre sa famille en chassant les ombres. Et pourquoi une silhouette inconnue était née de sa propre main, justement, quand elle s'était mise à l'ouvrage.
Peut-être qu'elle ne se posait pas assez de questions et ne cherchait pas suffisamment à remettre en cause ce qu'on lui avait inculqué ...
- C'est moi qui ai fait ça ?
- Oui, répondit Iwo.
- Mais je ne voulais pas attaquer ma sœur !
Je n'arrive pas à me retenir, vous savez ...
C'est comme quand Mogeiro a voulu nous attaquer avec son couteau, juste avant qu'on arrive ici. Je n'ai pas réfléchi, je lui ai foncé dessus. Uncia n'était pas très contente, mais je n'ai pas fait exprès.
(...) Puis Iwo reprit d'un ton plus doux :
- En ce moment, la violence te dépasse.
Mais tu vas apprendre à grandir.
- Quand même, je voudrais bien savoir pourquoi je suis mauvais ...
- Je remarque surtout que tu as deviné ce dont nous parlions, sans qu'un seul mot soit prononcé ...
Et tu sais, tout le monde a une partie sombre en soi.
Il était exact qu'elle avait toujours jugé les gens sur les colliens. C'était tellement facile! Dès le premier coup d'oeil, on se rendait compte si on avait affaire à quelqu'un de réfléchi ou d'impulsif , à un séducteur ou à un rêveur... Elle-même avait passé des heures à s'examiner devant un miroir, depuis sa naissance. A observer la maturation trop lente des teintes, à espérer de nouveaux éclats, à se comparer avec ses amies. Oui, à Sheridan, le collier était fondamental. Et puis, c'était aussi un outil pratique pour cerner les gens avant même de leur avoir adressé la parole. Si vous n'aimiez pas les dominateurs, hop, vous évitiez les colliens rouges.
La Valtavie était un continent à part.
On disait que ses habitants, peu nombreux, avaient pris leurs distances par rapport à l'emprise du collien.
Leur civilisation était moins moderne qu'à Sheridan.
C'était une zone de montagnes désertiques et arides, où les voleurs et les originaux de tout poil pullulaient.
Du moins, telle était sa réputation.
C'était ce qui attirait Juliaca, cette manière d'aborder la vie autrement, de ne pas être englué dans un quotidien rassurant, mais sans saveur.
C'était en Valtavie aussi que les Inspirés avaient installé leur domaine.
A ce sujet, les opinions étaient partagées.
Certains leur prêtaient une indéniable sagesse, d'autres les traitaient de fous.
- Tu le sais au fond de toi. Ton frère est en danger. Son collien vire au brun.
- Alors les colliens bruns existent vraiment ? Et mon frère en aurait un ?
- Le brun est un signe de volonté dominatrice.
Ouro va vouloir balayer tout ce qui lui résiste et mener le monde d'une main de fer. Tu sais que notre société ne peut accepter de telles tendances.
Nous ne voulons pas de tyrans. Les tyrans sont à proscrire.
Le collien d'Ouro s'était nettement assombri et les médecins s'étaient montré préoccupés
- Si un seul domine ses instincts et admet la vie en société, alors nos efforts sont récompensés. Et depuis que nous sommes ici, nombre d'entre eux ont été sauvés !
Comment condamner d'aussi jeunes vies alors qu'elles sont pleines de promesses ? Il est de notre devoir de les éduquer. C'est plus difficile que de les enfermer, mais tellement plus beau.
- Allez, s'il te plaît ! Je n'ai jamais vu un collien aussi lumineux. Tu as un orangé si intense ! Je ne voudrais pas te faire trop de compliments, mais ceux qui possèdent des couleurs aussi lumineuses, à Sheridan, sont les plus charismatiques. Les liseurs, les chanteurs célèbres ...
- Chez toi peut-être, répondit Cascavel d'un ton bougon.
Ici, les colliens n'ont pas autant d'importance.
Juliaca se tut et médita cette phrase. Il était exact qu'elle avait toujours jugé les gens sur leurs colliens. C'était tellement facile ! Dès le premier coup d'œil, on se rendait compte si on avait affaire à quelqu'un de réfléchi ou d'impulsif, à un séducteur ou à un rêveur ...
Elle-même avait passé des heures à s'examiner devant un miroir, depuis sa naissance. A observer la maturation trop lente des teintes, à espérer de nouveaux éclats, à se comparer avec ses amies.
Oui, à Sheridan, le collien était fondamental.
Et puis, c'était aussi un outil pratique pour cerner les gens avant même de leur avoir adressé la parole. Si vous n'aimiez pas les dominateurs, hop, vous évitiez les colliens rouges.
- Moi ça ne m'intéresse pas de chercher des gens qui seraient comme moi.
J'aime découvrir des personnes différentes, et je me moque de la couleur de leur collien. Pas toi ?
Juliaca avait toujours peint dans sa chambre, parfois avec Sofia, quand elles étaient plus jeunes et partageaient les mêmes jeux.
Elle posait sa feuille sur le tapis, qui gardait quelques traces indélébiles de ces séances d'art sauvage. Ses pinceaux encombraient une étagère entière.
Depuis l'annonce de l'épreuve, ses parents avaient transformé en atelier la pièce inoccupée sous les toits. Ils lui avaient aussi offert la panoplie de la peintre parfaite, pour l'encourager à réussir le tableau exigé.
Ils voulaient ainsi faire taire les regrets de leur fille, embourbée dans ce qu'elle considérait comme une insurmontable corvée.
L'annonce de l'épreuve revenait avec insistance dans la tête de Juliaca.
La grande déception qui avait suivi. Les jours passés à somnoler en essayant d'oublier. Les balades dans la ville "pour trouver l'inspiration".
L'amertume qui ne s'en allait pas. Les crises de pleurs en secret.
Et Ouro qui envahissait l'espace, trépignait et exigeait. (...)
Dessiner sa famille en chassant les ombres !
La jeune fille ne pouvait s'empêcher de penser qu'on se moquait d'elle.