Le souvenir de Gravité s'améliore comme le bon vin, il reste à découvrir la suite du Cycle des Xeelees. Rendez-vous donc dans l'espace d'ici quelques millénaires, où les Qax, des extraterrestres pourtant pas spécialement redoutables, ont réduit la Terre en esclavage, puisqu'on était tellement bleus qu'on ne connaît rien du vaste univers autour de nous. En effet la plupart des civilisations spatiales sont infiniment plus puissantes qu'homo sapiens, et recherchent toutes des atrefacts laissés par les Xeelees, à côté de qui elles ne sont que des nains…
C'est donc dans ce contexte pour le moins pittoresque que Jasoft Parz, ambassadeur humain auprès des Qax, apprend la terrible nouvelle : un groupe de rebelles s'est enfui dans le passé pour empêcher les Qax de nous avoir envahis. Il faut donc à notre tour manipuler le temps pour les en empêcher… Attendez, non, si on existe toujours, c'est qu'ils ont échoué… Bah, peut-être que c'est pas encore arrivé parce que la durée s'écoule pour les êtres de notre présent de la même manière où qu'ils se situent dans le temps !
Sauf que ce n'est jamais expliqué clairement, contrairement à bon nombre de détails scientifiques et autres dissertations sur les réelles intentions des mystérieux Amis de Wigner. Ainsi Parz se retrouve-t-il dans le passé avec un Qax surpuissant qui compte bien en finir avec l'Humanité, tandis que deux joyeux lurons, l'ingénieur Michael Poole et son père, découvrent ce qui va leur tomber dessus. Clairement, si vous trouvez qu'on en fait déjà des caisses dans Interstellar niveau explications, c'est rien face au raz-de-marée d'informations que vous vous prenez ici dans la tronche. Tout a été bien pensé, est vite et bien vulgarisé, mais le nombre d'éléments à prendre en compte est énorme, d'autant plus qu'il n'y a pas grand-chose à quoi se raccrocher derrière le délire scientifique.
Car oui, si Baxter est brillant pour extrapoler la physique, on se doute qu'il a moins envie de raconter une histoire universelle. Ce qui rend son texte aride et exigeant, pas autant que Diaspora, mais quand même. Jasoft est intéressant pour son rôle de collabo qui loin de profiter de sa situation tente de faire vivre tout le monde en bonne intelligence, Michael et son père échangent quelques moments forts. Mais en-dehors de ça, on ne peut pas en vouloir sur ce coup-ci aux détracteurs de Baxter quand ils considèrent que les personnages sont avant tout là pour expliquer ce qui va se passer dans l'Univers. Alors, pourquoi est-ce que je vous conseille ce livre quand même ?
La réponse est on ne peut plus simple pour un livre de hard-SF : le sense of wonder. Si vous aviez été impressionnés par les high concepts de Gravité, sachez que ce n'est rien face au gigantisme qui est dévoilé ici. À quasiment chaque chapitre il se passe un truc plus spectaculaire que le précédent, et c'est pas du bigger is better à la
Roland Emmerich, Baxter cherche plus à explorer l'Univers qu'à montrer des extraterrestres taper sur les gens. Si vous voulez voir des vaisseaux organiques d'un kilomètre et demie explorés jusque dans leur flore intestinale, des anneaux géants contre lesquels se précipitent les galaxies, des vaisseaux-fleurs indestructibles ou bien d'autres surprises, il y a tout ça et bien plus encore, jusqu'à un final à la 2001 nous donnant un aperçu de la Fin des Temps. le tout avec un style pas forcément à la ramasse : j'ai encore un souvenir fasciné de cette ouverture mélancolique où la Terre malmenée donne ses derniers restes à contempler depuis l'espace !
Bref, Singularité est un plaisir impossible à bouder pour les amateurs d'univers baroques : tout y est, le plus merveilleux comme le plus ignoble, le plus incroyable devenant crédible, le tout avec une bataille épique, les luttes de différentes factions avec des personnages partagés. Mais le trop-plein de dialogues et la pauvreté de certains passages repousseront le plus gros du public. Si je suis un peu plus mitigé, je ne perds pas espoir pour le reste du cycle, Baxter restant un écrivain cher à mes yeux. Et puis bon, c'est pour votre culture…
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