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Critique de jeandubus


Aurais-je été résistant ou bourreau ?

Voilà une excellente question à laquelle Pierre Bayard ne répond pas. Même transporté par « uchronie » en 1941 à la place de son père dans la zone libre près de Bayonne il ne se donne à aucun moment le choix de décider d'être l'un ou l'autre en n'imaginant pas un seul instant qu'il aurait pu être autre chose que résistant.

C'est donc assez inutile de se raccrocher à la détestable expérience de Milgram à l'université de Yale où il est vérifié que 60% des individus dans le rôle du bourreau ont appliqué la peine maximale (une décharge de 450V) à des individus dans le rôle de la victime censés répondre correctement aux questions qu'ils leur posaient, bourreaux et victimes ne se connaissant pas. (Les victimes étaient des acteurs jouant ce rôle et des scientifiques poussaient les bourreaux à agir leur promettant l'impunité).

C'est également inutile, du moins pour répondre à la question éponyme, de digresser vers le Cambodge, le Burundi ou la Bosnie Herzégovine dans la mesure ou Pierre Bayard ne s'y rend pas, par uchronie, par métalepse où par un quelconque moyen de transport freudien.

Non, finalement le brillant professeur de littérature est entré au milieu des années 70 à Normal Sup pour « faire plaisir à ses parents » (sic), prestigieuse école devant laquelle papa Bayard a échoué. Et transporté en 1941 Pierre aurait préparé Hypokhâgne à Bayonne ou à Bordeaux et poursuivi ses études tranquillement dans l'établissement délocalisé sous Vichy et même trouvé un boulot de bibliothécaire dans les murs pour éviter les STO (même pas besoin de se planquer comme l'avoue tristement Jean Lacouture qui se considère lui-même comme un résistant par défaut et regrette de n'avoir pas rejoint le maquis).

L'acmé d'une vie bourgeoise a dans ce contexte un côté particulièrement dérangeant. Et la référence à Lacombe Lucien de Patrick Modiano (et Louis Malle 1974) montre d'où viennent certaines inspirations …aurais-je été quelqu'un ou quelqu'un d'autre ?

On a l'impression que le prologue a été écrit à postériori en constatant à la relecture que la question était restée sans réponse et qu'il fallait malgré tout justifier les 150 pages d'illustration magistrale (dans le sens scolaire) qui a sa place dans la réserve d' un amphithéâtre plus que dans ma bibliothèque.

Très déçu par ce livre je comprends mieux ce sentiment de frustration ressenti à la lecture de « aurais-je sauvé Geneviève Dixmer » qui échoue sur le même obstacle sans le franchir.

Pierre Bayard semble fasciné par le chemin qu'il a pris avec ces deux essais dans la collection « paradoxe » - Un bon titre- des éditions de minuit et se prend les pieds dans une racine.

Un gros valdingue s'ensuit.
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