AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,69

sur 340 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
"Le Marchand de Venise, hein ! Voilà une pièce, monsieur ! le génie ! Merveilleux, monsieur, c'est merveilleux ! Prenez tous les personnages, et où trouvez-vous quelque chose de semblable ? Prenez Antonio, prenez Sherlock, prenez Saloonio...
- Saloonio, colonel ? Ne feriez-vous pas erreur ?"
(S. Leacock, "Saloonio : une étude de critique shakespearienne")

L'histoire humoristique de Stephen Leacock parle de l'astucieuse tactique du colonel Hogshead, qui veut éblouir un ami par sa connaissance de Shakespeare. Plutôt qu'accepter qu'il se trompe, il va établir une vision radicalement novatrice de l'ensemble des pièces du célèbre dramaturge, à travers le métaphysique personnage de son invention, l'insaisissable Saloonio. C'est évidemment très drôle...
Le bon colonel n'a probablement jamais lu "Le Marchand de Venise". Il est tout aussi possible qu'il ait complètement oublié, ou qu'il en ait seulement entendu parler par un tiers.
Sans peur et sans reproche, Pierre Bayard examine toutes ces situations, en se posant la question si on peut vraiment parler des livres que l'on n'a pas lus, comment s'y prendre, et surtout à quoi bon.

Le titre délibérément provocateur est déjà susceptible de déstabiliser le lecteur potentiel : soit il va se jeter dessus en espérant un poilant canular, soit il se sentira vexé par son impertinence. Dans les deux cas, c'est un bon coup de marketing. Si Bayard a vraiment conçu son livre comme une vaste blague, mea culpa, je n'ai rien compris, car je n'ai pas ri beaucoup. S'il l'a écrit dans le but de susciter une polémique, alors c'est une réussite. Une déclaration d'amour à la littérature présentée comme une apologie de la non-lecture : un paradoxe dont on s'arracherait les cheveux ! En tout cas, j'ai bien lu "Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?" et je cherche en vain comment en parler, ou même à savoir ce que j'en pense vraiment.

Pour commencer, j'ai bien apprécié la première partie.
Elle parle des problèmes de mémoire de Michel de Montaigne, des "hommages" de Paul Valéry à Anatole France (qu'il n'a pas lu), du "bibliothécaire idéal" de Robert Musil qui n'a jamais lu un seul livre de l'immense bibliothèque impériale de la Cacanie... et des nombreux autres exemples de la savante non-lecture.
La question si "le livre que l'on a lu et dont on a oublié le contenu, ou pire, on a oublié qu'on l'a déjà lu" peut encore être considéré comme un "livre lu" vaut largement la réflexion à plusieurs autour d'une bouteille de prune à 65°. Et comment ne pas être d'accord avec l'évocation de l'importance de l'"aperçu général", qui englobe forcément les ouvrages importants que l'on n'a pas lu et que l'on ne lira probablement jamais ? Bayard encourage son lecteur à se déplacer dans le panthéon littéraire selon ses envies et sans culpabiliser, glaner des informations et créer des liens, et à réfléchir sur de nombreuses possibilités dans la perception de nos lectures, ce qui est une bonne chose. Ceci dit, il ne découvre pas l'Amérique en nous révélant qu'il est impossible de lire tous les livres du monde, ni de se souvenir de tout ce qu'on a lu.
Etrangement, le plus grand attrait de ce chapitre sont les extraits des romans qui parlent de la non-lecture. Ils font sourire, interpellent, donnent véritablement envie de lire Musil, Eco, Greene ou Siniac, et par ce fait contredisent l'idée même de l'essai de Bayard.

C'est ici que les choses se corsent.
Oui, on peut en effet très bien parler des livres qu'on n'a pas lus. C'est d'ailleurs souvent le cas, et vu le nombre décourageant de titres qui se présentent à nous, on ne peut pas faire autrement. Si on prend "Ulysse" de Joyce, que Bayard appelle au secours pour soutenir sa théorie, on sait que peu de lecteurs ont réussi à le lire jusqu'au bout, et pourtant on ne peut pas nier son importance dans l'histoire littéraire. Certes, mais il me vient une hypothèse (sans doute complètement saugrenue) que la non-lecture avertie d'"Ulysse" (ou de n'importe quel autre livre) n'est possible que grâce aux lectures pertinentes des autres qui la précédent. Ces lecteurs mis au bûcher, la communauté des non-lecteurs érudits périra avec eux, dans les flammes de leur propre ignorance.
Les citations De Wilde amusent beaucoup ("Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer !"), mais je ne suis pas convaincue qu'avec leur deuxième degré, elles suffisent pour soutenir les bases de ce qui va suivre.

La deuxième partie de l'essai décrit toutes sortes de situations qu'un hardi non-lecteur peut rencontrer en société. Rencontre d'un professeur avec un étudiant, rencontre avec un auteur, ou avec un être aimé. Dans ces cas, selon Bayard, rien de plus charmant que de commencer à inventer ses "propres" livres. Ses recommandations m'ont fait fortement penser au proverbe tchèque "la tête effrontée apporte plus qu'un riche domaine". N'ayez pas peur d'exprimer ce qui vous passe par la tête ; on ne sait jamais si par hasard vos observations ne seront pas justes.
L'auteur découvre une autre Amérique en rappelant que chaque interprétation d'une oeuvre littéraire reste subjective, et chacun peut y voir autre chose :
"Le titre de l'oeuvre, sa place dans la bibliothèque collective, la personnalité de celui ou celle qui l'évoque, l'atmosphère qui s'instaure alors dans l'échange oral ou écrit, sont, parmi beaucoup d'autres possibles, ces prétextes dont parle Wilde, permettant de parler de soi-même sans trop s'attarder sur l'oeuvre".
Rien de plus simple que d'en déduire que personne ne sera plus en position de nous reprendre sur un discours le plus idiot qu'il soit.

Ceux qui pensent que la gradation de la théorie a atteint ici son climax se trompent. L'auteur n'a pas peur d'aller encore plus loin, en qualifiant les hâbleries de ce genre de louable "acte créatif" (par opposition à la lecture passive), qui propulse la critique littéraire dans les sphères d'un art autonome, en la "libérant" de sa secondaire et dégradante fonction de commenter un livre lu.
Je ne sais pas, les amis... il ne vous est jamais arrivé de changer d'opinion sur un livre après l'avoir lu ? Ou d'être énervé par l'insupportable jargon universellement omniscient des journalistes qui n'ont (probablement) pas eu envie de lire l'ouvrage qu'ils doivent critiquer ?

"Comment parler des livres que l'on n'a pas lus" complète parfaitement l'image de l'époque où il est important de parler, peu importe le sujet, qui se transforme idéalement en évocation de "moi-même". Il sera apprécié par ceux qui se sentent, pour des raisons différentes, gênés pour s'exprimer sur les sujets dont ils ne savent rien, qu'ils ne comprennent pas, mais ont tout de même envie d'apporter un peu de leur farine au moulin.
Instruisons-nous chez les autres lecteurs, n'ayons pas peur d'avouer qu'on n'a pas lu tel ou tel fameux classique (ce qui n'empêche pas d'en parler, évidemment), mais pas au détriment de la lecture ! Même nos avis les plus subjectifs doivent être basés sur quelque chose de concret, sans parler de l'irremplaçable richesse cachée dans un bon roman. Il se pourrait aussi que dans ce roman - écrit par quelqu'un d'autre - vous ferez tellement de découvertes surprenantes sur "vous-même" que vous n'aurez plus du tout envie d'en parler, ou alors bien autrement que prévu.
Le paradoxal essai de Pierre Bayard m'a autant plu que déplu, je vais donc trancher par les philosophiques 3/5, tout en me demandant si ce billet serait encore plus long s'il était basé sur la non-lecture du présent ouvrage.
Commenter  J’apprécie          7664
Un essai très intéressant ''Comment parler des livres que l'on n'a pas lu ?". le titre prête à sourire et l'essai est tout autant savoureux.
De nombreuses références littéraires et cinématographiques illustrent parfaitement les propos de l'auteur.
Un bon moment de lecture que ce livre découvert lors de l'animation d'un de mes cafés littéraires !
Commenter  J’apprécie          110
Comment parler les livres que l'on n'a pas lus?
On peut lire les critiques sur Babelio par exemple... ;-)
Commenter  J’apprécie          60
Ne plus avoir honte.
Contrairement aux idées reçues, Pierre Bayard, professeur de littérature française à l'Université de Paris VIII et psychanalyste, démontre qu'il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu. Il désacralise la lecture et surtout la culture (on peut être cultivé en n'ayant lu que très peu de livres à condition d'avoir une « vue d'ensemble » sur la littérature c'est-à-dire savoir situer un livre ou un auteur par rapport aux autres. le contenu précis d'un livre (son texte ou le détail de son histoire) compte peu ; l'essentiel est de savoir replacer l'ouvrage dans son contexte (son époque, le mouvement littéraire dans lequel il s'inscrit...) et de connaître en partie son contenu (de quoi parle le livre, dans les grandes lignes).

Cet essai montre qu'il faut changer notre relation au livre : ne pas avoir honte de ne pas avoir lu tel ou tel livre et qu'il faut oser parler des livres que l'on n'a pas lus. Il montre également que parler des livres non lus est une véritable activité de création. Malheureusement, l'enseignement d'aujourd'hui ne désacralise pas la lecture et les étudiants n'osent pas parler d'un livre s'ils ne l'ont pas lu. Pourtant, la « vraie » culture, c'est de pouvoir parler d'un livre que l'on n'a pas lu, en sachant s'exprimer non sur le contenu détaillé qu'il renferme, mais sur le contexte dans lequel il a été écrit, sur la place qu'il occupe dans la littérature ou dans l'histoire. Parler des livres que l'on n'a pas lus, c'est enfin être libre et commencer à créer ou à écrire.

Cet essai est construit autour de nombreux exemples puisés par Pierre Bayard dans les oeuvres de grands auteurs de la littérature : Robert Musil, Paul Valéry, Umberto Eco, Montaigne, Balzac, David Lodge ou Oscar Wilde..
Commenter  J’apprécie          60
J'ai une relation conflictuelle avec les éditions de Minuit...
Le titre est intriguant et provocateur, il marque les esprits et on se demande comment un éditeur si prestigieux, quoique révolutionnaire, peut promouvoir la non-lecture ?
Je pensais m'amuser, ça m'a déprimée.
Ça m'attriste de pas me souvenir assez de mes lectures et de ne pas avoir une mémoire encyclopédique capable de me souvenir de TOUT et de TOUT connaitre (le passage sur Montaigne m'a fait beaucoup de peine).
Je pars du principe que pour pouvoir donner son avis sur une histoire, un livre, il faut avoir tout lu. Que l'oeuvre, peu importe sa qualité, mérite qu'on la respecte suffisamment pour la considérer dans son entièreté (ou à défaut, assumer ne pas l'avoir lu ou préciser qu'on l'a lâché en cours de route).
Et, ce livre dit presque que ça ne sert à rien de lire, car dans tous les cas personne ne s'y attache réellement et puis à la fin, on s'en souvient plus.
Le livre partait bien avec sa table des abréviations, mais il y a beaucoup trop de citation et d'exemple tiré d'autres livres pour quelqu'un qui fait l'éloge de la non-lecture et nous montre clairement qu'un commentaire de surface avec des jolis mots suffit à donner l'impression de s'y connaitre.
Autrement, on peut dire que j'ai apprécié ou du moins trouvé intéressant les réflexions sur le contexte et la bibliothèque collective qui prime sur le texte en lui-même, aussi sur la subjectivité du livre-écran et la représentation personnel que l'on a de chacune des histoires. L'idée de désacraliser la culture (et la culture de la lecture) part d'une bonne intention, mais je la trouve mal orchestrée (je préfère Daniel Pennac et ses 10 droits du lecteur ~).
Je ne sais pas à quoi je m'attendais, après tout, je déteste l'hypocrisie. Moral de l'histoire : il faut avoir la confiance d'un homme blanc pour réussir dans la vie.
Commenter  J’apprécie          51
Je l'ai lu et je n'en parlerai pas...
Commenter  J’apprécie          52
Armé d'une argumentation tripartite, Pierre Bayard amorce dans cet essai une réflexion autour des livres que l'on n'a pas lus et la façon d'en parler (comme nous l'indique si bien le titre !)
Il nous entraîne ainsi dans une explication sur les manières de ne pas lire un livre (allant des livres que l'on ne connaît pas aux livres qu'on a parcourus en passant par les livres lus mais oubliés et les livres dont on a entendu parler) afin d'expliquer qu'il existe plusieurs degrés de non lecture de livres.
S'ensuit une démonstration -oeuvres littéraires à l'appui - de certaines situations où il est possible de parler de livres que l'on n'a pas lus sans pour autant se couvrir de honte ou de ridicule.
Enfin, dans la dernière partie de ce titre, Pierre Bayard nous donne les quatre clés pour réussir ce que le titre nous promet : ne pas avoir honte, imposer ses idées, inventer les livres et parler de soi.

Pour ma part, j'ai lu cet essai. Et malgré l'apologie de la cessation de la lecture énoncée et revendiquée, je l'ai lu de bout en bout sans en sauter une ligne (heureusement pour Pierre Bayard, certains lecteurs comme moi continuent de lire sans appliquer ses méthodes, sinon personne n'aurait compris la démarche intellectuelle présentée ici).
Si j'ai pris un certain plaisir à réfléchir aux divers degrés de non lecture d'un livre - m'interrogeant par là-même sur mes propres pratiques et souvenirs de lectures- je dois avouer avoir moins été transportée dans la deuxième et troisième partie de cet essai. Les exemples de situation tirées de livres m'ont parfois ennuyée tandis que les quatre recettes magiques données dans le dernier chapitre m'ont rappelé les précédents essais que j'avais lus de cet auteur.
Bref, une lecture moins enthousiasmante que Qui a tué Roger Ackroyd ? et L'affaire du Chien des Baskerville que je ne regrette en rien car j'en étais très curieuse, mais qui me laisse sur un sentiment d'inachevé une fois la dernière page tournée...
Lien : http://bouquinbourg.canalblo..
Commenter  J’apprécie          40
Je n'ai pas trouvé ce à quoi je m'attendais dans "Comment parler des livres que l'on n'a pas lus", mais c'était tout de même intéressant.

Pierre Bayard a découpé son livre en trois parties : les différents types de livres non lus (livres dont on a entendu parler, livres oubliés, etc.), les situations dans lesquelles on est amené à parler de livres que l'on n'a pas lus et, enfin, de quelle manière procéder.

J'ai apprécié de voir des exemples tirés de livres, certains auteurs ont mis leurs personnages dans des situations assez cocasses ! Certains extraits m'ont fait sourire... Mais je n'ai pas vraiment appris à parler des livres que je n'ai pas lus, l'auteur évoque en effet des situations qui ne me concernent pas : vie mondaine, discussion avec des professeurs universitaires ou avec l'auteur du livre, etc. J'ai même un peu décroché pendant la dernière partie de l'ouvrage...

C'est une lecture en demi-teinte mais qui décomplexe quand même !
Commenter  J’apprécie          30
Souvent provoquant, cet essai aborde un tabou de notre culture : celui de la non-lecture. Au delà d'un pseudo-guide pratique de conversation autour des livres que l'ont a pas lus (mais aussi de ceux que l'on a oubliés...), l'auteur propose une nouvelle théorie de la lecture autour de concepts tels que livres-écrans, bibliothèque intérieure, livres-fantômes...
Le tout est accompagné dans les notes de bas de pages d'un nouveau type de citations bibliogrpahiques, assez décapantes!
Commenter  J’apprécie          30
On s'entend, c'est un titre intrigant! Mon but n'était certainement pas de le lire pour apprendre les trucs promis par le titre. Finalement, ce n'est pas ce que je croyais. En fait, l'auteur ne divise pas les livres selon les lus et les non lus, mais plutôt en quatre catégories : les livres qui lui sont inconnus, les livres qu'il a parcourus, les livres dont il a entendu parler et les livres qu'il a lus, mais oubliés. Si bien que, pour lui, un livre qu'on n'a pas lu, ce n'est pas seulement un livre que l'on n'a jamais ouvert, mais c'est aussi les livres dont on a tellement entendu parler qu'on est persuadé de les avoir lu et ceux qu'on a lu, mais dont on a oublié le contenu. Ces descriptions sont parsemées d'extraits de livres démontrant ces situations. Comme : comment parler avec l'auteur de ce livre non lu? En fait, Pierre Bayard ne nous dit pas quoi faire, il nous expose seulement des extraits de la littérature qui expose ces situations. Cet essai est donc ludique et intéressant, mais il ne répond pas à la question : ai-je vraiment lu ce livre avant d'en parler?
Lien : http://www.libellul.com/?p=2..
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (916) Voir plus



Quiz Voir plus

Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?

Un des chapitres débute avec la phrase : « L’idéal, pour séduire quelqu’un en parlant des livres qu’il aime, sans les avoir lus nous-mêmes, serait d’arrêter le temps ». Pierre Bayard étaie cette hypothèse en évoquant le film …

Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre)
Un jour sans fin (Groundhog Day)

7 questions
167 lecteurs ont répondu
Thème : Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? de Pierre BayardCréer un quiz sur ce livre

{* *}