UN PRINTEMPS DIFFICILE
CANTATE EN RÉ
Suffira l'heure
qui n'est pas. Suffira l'un d'eux.
Suffira la terre. Ta vie
suffira.
Qu'importent où
et quand.
Suffira la note
que tu 'entend pas.
p.21
UN PRINTEMPS DIFFICILE
VISION
Ni l'oiseau tenace
ne sait. Au verger
sous le pêcher sans fruit
l'abri d'un bleu de véronique –
mais tout l'or
de mes yeux que ce jour le reprenne.
Ni le gouffre, le clair, où la pie
bleue, à sa guise
choir encore et défier : en face étaient les prés
de jade. Ni torrent
ni nuit, ni jour.
Sur la montagne
trois chevaux blancs
le poulain dans l'herbe
a basculé – et longtemps son bonheur
le regard ne peut sans détourner.
Mais à présent s'éteint
le ciel de jonquilles fanées, et la lisière
la connaît en aveugle
sous le platane chargé d'or
la vision aux yeux caves, aux gestes doux.
Creusant encore, disloque
doucement et gît –
en solitude se raidissant un peu.
p.30-31
DIDASCALIES I
LA CAGE EST VIDE
volet de bois pourrit : wirbe, werbe !
wirbe
werbe, witt witt
bevist !
Cybèle nue
porte un masque de plâtre
et les pives
les pivotants
les vire-pierres, les casse-guidon, les mange-menu
les trompe-cacheux
au bistrepré du bélébat
volet de bois pourrit, l'obscur
longtemps fixé
s'est recroquevillé, recroquevillé
araignée sèche dans sa toile
et glaibe
et glove
sous imbus de brocais d'empalumes ornaché
debout, à gauche
il n'y a pas d'homme
un lézard nage dans la carafe.
p.110-111
UN PRINTEMPS DIFFICILE
DEVANT NOS YEUX
La brande est à la porte
et plus loin la lisière.
Le vent – les lupins bleu
foncé.
La lande Emily, Etty la lisière,
et non loin
la liberté
de n'être plus fidèle, l'autre vie.
Les lupins
sur les terres à présent désertées, Macha.
Habiter la terre, la
donnée, la
seule.
p.73
UN PRINTEMPS DIFFICILE
PAR LA PORTE DE LA SALLE D'ATTENTE
Et si pouvait quand la page est tournée
se lire encore
au travers la douleur qui ne passe ;
les douleurs de la vie font en nous des balafres
stridentes, sillages
roses et bruns et qui s'effacent, ô si pouvait
ne plus finir
le cri interminable alentour de nos têtes
et dans l'espace
exigu où si peu ressemblants
nos silences s'accolent, si nous pouvions entrer
dans le cri suraigu de la douleur qui passe
et nous connaître.
p.10