Dans ces études du cheval de ses débuts, Géricault ne cherche pas à réaliser une version synthétique de cet animal sans cesse en mouvement, comme il le fera plus tard, quand il sera devenu spécialiste de la peinture équestre. Sa démarche est analytique; ses oeuvres sont le fruit d'une observation attentive; il cherche à faire vrai: ses coursiers sont quelque peu inertes et sa méconnaissance de l'anatomie du cheval lui fait commettre de nombreuses erreurs; parfois, en peignant une bride, il en oublie certaines éléments.
A cette date, Géricault avait certainement une expérience personnelle du cheval, comme le prouve le magnifique coursier de Y Officier de chasseurs. C'est donc en quelque sorte par jeu qu'il a reproduit cette cavale frémissante de son maître. En 1846, Michelet, sans citer ses sources, dit que Géricault dans l'intervalle des leçons de l'atelier de Carie Vernet, s'en allait à la caserne de Courbevoie faire des études de chevaux d'après nature. Cette information n'a pas été retenue par ceux qui ont étudié Géricault qui, en revanche, ont tous donné beaucoup de crédit au propos de Clément.
Gros eut aussi une influence sur Géricault, car, en dehors de ses tableaux de bataille, il peignit ou dessina le cheval pour lui-même et particulièrement le cheval arabe qu'il affectionnait plus que tout autre et qu'il montrait avec son cavalier mameluk, car il restera profondément imprégné des longues études qu'il avait dû faire pour ses représentations des combats de cette campagne d'Egypte dont il s'était fait l'historiographe: Aboukir, les Pyramides, Nazareth. Pour n'en être pas moins nerveux que ceux de Carie Vernet, ses chevaux sont plus réels, ils ont de vrais membres et non des pattes d'araignée, et c'est un pas vers le réalisme de Géricault.
Germain Bazin L'époque impressionniste.