Ecrit juste avant le Premier conflit mondial – et revu en 1928, lors de sa reparution –, ce texte à destination des « écoliers de France » exalte précisément la France, depuis ses métiers, quelques grandes figures, ses fêtes religieuses jusqu'à ses conquêtes et ses batailles dans les contrées lointaines d'Amérique, d'Afrique et d'Extrême-Orient.
Certes, à notre époque, on peut être décontenancé par ce ton déclamatoire et très chrétien, mais il faut replacer ledit texte dans son contexte, c'est-à-dire à une époque où l'amour de sa patrie n'était pas aussi suspect que de nos jours.
Toutefois, des phrases sonnent étrangement juste. Comment, par exemple, à la lumière de la désertification de nos campagnes, ne pas adhérer à ce compliment adressé au facteur : « Il y aurait sans vous, dans le monde, moins de fraternité » ?
Oui,
Jeanne d'Arc et Jean-François Millet y sont encensés pour leur ferveur religieuse, Pâques, où l'on doit avoir « l'âme fleurie, comme les genêts », est aussi vanté, comme le christianisme en général, mais en ce temps-là on ne niait pas nos origines.
Oui, encore, on peut s'étonner de lire autant d'incitations au sacrifice de sa vie pour son pays à destination d'enfants – affirmant que « c'est au coeur des jeunes que les idées héroïques germent le plus vite » –, mais il est des phrases qui résonnent encore aujourd'hui avec force et qu'il faudrait rétablir dans les écoles : « L'habitude de penser à la France est un secours humain qui a soutenu beaucoup de bons Français, même en dehors des champs de bataille, aux heures de lassitude, dans l'épreuve exceptionnelle ou commune. »
René Bazin aime charnellement la France et entend le faire savoir aux plus jeunes, tantôt solennellement, tantôt joyeusement en faisant danser les fuseaux des dentelières : « Votre bruit est aussi plein de promesses que le bruit des moulins. »
Et puis il y a la France glorieuse, que l'auteur met en avant – dans l'attente, sans doute, d'un conflit avec l'Allemagne qui se précise de plus en plus à l'époque –, citant ces exemples de soldats valeureux du Sahara ou de Pékin – pendant la révolte des Boxers, qui étaient cependant légitimes à vouloir chasser les colons de chez eux. Car, se dirait le plus retors des lecteurs, peut-on, dans le même livre, défendre Jeanne chassant les Anglais et ne pas comprendre que d'autres l'imitent, même si c'est à nos dépens ?
Ce qui n'interdit pas de tordre le cou à certaines idées reçues, une note rappelant que la France ne s'est pas invitée en Algérie pour le seul plaisir de conquérir un territoire : « C'est en 1830 que Charles X prit la décision d'éradiquer à sa source le problème des pirates barbaresques qui désolaient les rivages de la Méditerranée, par la conquête de l'Algérie. »
Bazin réclame par ailleurs à cor et à cri le retour de l'Alsace-Lorraine – alors allemande – dans le giron national. Une Alsace-Lorraine dont l'auteur chante le sentiment français et « qui n'a de révolté que son idéal ; qui demande la liberté d'aimer ce que nous aimons, et de se souvenir de nous ». Lors de la réédition de la Douce France, il se félicitera du retour en France de ces « magnifiques » provinces, restées fidèles à la Mère-patrie, écrit-il.
Il y a aussi les regrets, ceux notamment d'avoir délaissé et perdu les territoires français d'Amérique (histoire narrée par
Alain Dubos dans
L'épopée américaine de la France: histoires de la Nouvelle-France).
C'était un autre temps, avant que l'Europe ne s'effondre, depuis les tranchées jusqu'aux plages du Débarquement, et se laisse ensuite diluer dans une mondialisation qui détruit les identités des peuples au profit d'une poignée de milliardaires. Et ce temps-là, si nous nous sentons assez français – quelle que soit la couleur de notre peau ou notre origine –, nous ne pouvons que le regretter.
Ce remarquable roman national mérite enfin d'être lu parce qu'il dit combien la France est grande, malgré ce que de vulgaires détracteurs, vivant à ses crochets, prétendent !