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Critique de Corboland78


Paul Beatty, né en 1962 à Los Angeles, est un écrivain afro-américain. Diplômé d'un Master of Fine Arts du Brooklyn College en écriture créative, il a également obtenu une maîtrise en psychologie à l'université de Boston. En 1990, il est couronné Grand champion de slam du café des poètes de Nuyoricana et gagne à cette occasion un contrat d'édition pour la publication de son premier recueil de poésie, Big Bank Takes Little Banka. Son deuxième livre de poésie, Joker, Joker, Deuce, suit trois ans plus tard. Son premier roman, American Prophet, date de 1996 et vient d'être traduit en français.
Parenthèse liminaire, le titre original de l'ouvrage The White Boy Shuffle a été traduit en français ( ?) par American Prophet ! Non seulement le ridicule ne tue pas mais il a encore de beaux jours devant lui.
Quand le roman débute, Gunnar Kaufman son jeune héros, est le dernier descendant d'une longue lignée de Noirs américains dont il nous rappelle les grotesques mésaventures, comme cet aïeul qui migra vers le Sud en pleine période d'esclavagisme ou cet autre qui courut s'enrôler dans les troupes des Etats Confédérés durant la guerre de Sécession, bref une famille jamais du bon côté du manche de l'Histoire en marche. Et il faut que croire que la malédiction les poursuit puisque Gunnar, sa mère et ses deux soeurs, déménagent de Santa Monica quartier chic et Blanc vers Hillside, ghetto de Los Angeles.
Dans cet environnement difficile dont les codes lui sont inconnus, le jeune Gunnar va devoir se faire une place au milieu des gangs entre Bloods et Cripps. Lui qui ne rêve que de poésie, se révèlera aussi basketteur de talent, s'ouvrant les portes des Universités mais aussi les coeurs des petites frappes de son quartier. Entre ses deux potes, Nicholas Scoby, fan de jazz et Psycho Loco leader d'un gang, Gunnar va tenter de se trouver une place dans ce monde. Contre sa volonté il va se retrouver porte-voix, prophète donc, « d'une ethnie à l'abandon » après avoir pris conscience de sa condition à l'annonce du verdict dans le procès de Rodney King, « ce jour-là, pour la première fois de ma vie, je me suis senti comme un moins-que-rien. ».
Un bien beau et bon roman en vérité. Passées les toutes premières pages qui assomment un peu le lecteur surpris par le style de l'écrivain, le reste du livre se dévore avec une hâte retenue. Hâte, car poussé par la tchatche et la faconde de Paul Beatty vous êtes embarqué par une lame de fond dont l'origine remonterait au jazz pour se poursuivre avec le rap ; retenue, car il vous faudra ingurgiter les nombreuses références au vécu des Noirs américains, références historiques ou culturelles, obligeant à ralentir la lecture pour mieux en appréhender le sens.
Mais rassurez-vous, Paul Beatty sait y faire. Rien n'est lourd ou chargé d'un bien-pensant convenu, au contraire. L'écrivain qui a également publié dans le passé une anthologie de l'humour afro-américain l'utilise ici plus souvent qu'à son tour, en faisant de l'autodérision cette arme typique des minorités pour retourner en leur faveur des situations défavorables. On rit souvent devant ses propos peu enclins au politiquement correct, ses réflexions incongrues.
Drôle, vachard mais lucide avec sa communauté « l'Amérique noire a renoncé à ses besoins dans un monde où les espérances ne sont qu'illusions », instruit aussi, le roman fourmille de détails ou informations historiques et au-delà l'humour, l'auteur sait utiliser les mots et la langue pour nous donner un texte de très grande qualité.
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