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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lu dans le cadre de la « voie des Indés »

« American prophet » est le premier roman de l'américain Paul Beatty, poète et slameur confirmé, couronné Grand champion de slam du café des poètes de Nuyorican en 1990. Sous la forme d'un roman d'initiation déjanté, « American Prophet » raconte la vie de Gunnar Kaufman, de son déménagement à Hillside, un ghetto de Los Angeles, à son involontaire élévation au statut de nouveau prophète de la communauté Noire mondiale.
Cela donne un roman bourré d'humour grinçant, d'une tonalité caustique dévastatrice et irrésistible comme une punchline bien sentie. « American Prophet » recèle également son lot d'exubérance. le trait est simplement un peu forcé, comme dans une farce tragi-comique, une fantaisie du ghetto.

L'autre force de ce roman c'est bien entendu sa justesse d'analyse. On aurait tort de réduire ce livre à sa dimension sociologique mais on ne doit pas pour autant la taire. C'est un grand livre sur la condition des Noirs aux Etats-Unis. Un livre dans la lignée de « S'il braille, lâche-le » de Chester Himes ou « Effacement » de Percival Everett. Paul Beatty pulvérise dans des pages assassines et drolatiques les idées reçues sur les Noirs ou le Ghetto. Les préjugés raciaux et sociaux, des racistes haineux comme des bourgeois bohèmes progressistes et propres sur eux, ressortent en miette de ce roman imparable.

« American Prophet » est un roman tragi-comique qui allie fulgurance poétique et pertinence d'analyse. Il parvient, par son humour caustique et une galerie de personnages hauts en couleur, à nous faire rire et à nous émouvoir. En somme une très recommandable lecture.
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«Chez les Noirs, d'habitude, on réserve les lamentos pour les funérailles. J'ai vu des gosses se prendre sans moufter des coups de matraque, des pare-chocs et même des balles. Car seules deux occasions vous autorisent à verser une larme : manquer d'un seul petit numéro la grosse cagnotte du loto ou perdre un proche. Deux cas dans lesquels pleurer est acceptable, mais une fois et une fois seulement. Pas le temps de broyer du noir, parce que le lendemain, le nègre, y doit retourner marner.»

Et Gunnar Kaufman, broyer du noir c'est pas son truc (jeu de mots facile j'avoue). Messie-en-devenir, descendant d'une famille d'afro-opportunistes, basketteur-poète et doué d'une intelligence sans borne, Gunnar son truc, c'est plutôt de broyer les préjugés, la servitude et de renvoyer les manipulateurs de la "négritude" dans les champs de coton !
«Et l'Histoire a ajouté mon nom à la bande de messies déjantés qui répondent présent à l'appel de Satan: Jim Jones, David Koresh, Charles Manson et le général Westmoreland. Toute la bande et puis moi. Les pages qui suivent constituent mes mémoires.»

Ce «moi» c'est Gunnar Kaufman donc, enfant au «coeur en fer-blanc emballé dans un placage en cuivre bruni.» Sa condition de «noir cool» de la "white middle class" de Santa Monica ne plaisant guère à sa maternelle, celle-ci aura vite fait de le catapulter lui et ses deux soeurs, dans le ghetto de Los Angeles. Là, au milieu de consoeurs blacks, gangsters latinos et autres épiciers coréens, les premières raclées lui apprendront sans concession à devenir un nègre véritable et fier!

De cette prise de conscience sur sa condition de nègre, on assiste alors, dans une mélopée jazzy, à la naissance de cet American Prophet, un brin fêlé, guidant une ethnie perdue vers cette Terre tant Promise. Entre épisodes de préjugés racistes et réalité du ghetto, la poésie est à l'oeuvre. Non seulement parce que le personnage de Gunnar est un poète, mais surtout parce que Paul Beatty, l'auteur, est un slameur confirmé et sait, de ce fait, jouer avec les mots. On saute d'une phrase à l'autre d'un langage soutenu à un dialecte des rues pour le moins argotique. Et cette alliance, plus qu'alternance, est pure merveille !
(bravo donc à la traductrice Nathalie Bru qui a su retranscrire cela.)

«Picoti Picota tape le nègre et puis s'en va.»

Dans une fresque de personnages décalés qui accompagnent ce Luther-King-revu-et-corrigé, la prose se veut tour à tour cynique et optimiste, émouvante et violente, engagée et innocente. Paré de réflexions idéologiques sur la condition et le devenir de l'homme noir dans la société nord-américaine, le texte et truffé de références au Mouvement des droits civiques et à la culture afro-américaine notamment, dont un "lexique" d'une quinzaine de pages à la fin du livre s'avère particulièrement utile et éclairant.

Roman coup de poing de cette rentrée, American Prophet est un hymne à la tolérance où les préjugés, autant sur les petits blancs proprets que les blacks bagarreurs du ghetto prennent une sacrée dérouillée.

Et comment passer à côté du graphisme de la couverture, tout simplement superbe !
American Prophet de Paul Beatty, c'est sorti le 5 septembre, au Passage du Nord Ouest

«Comme le bon révérend King
"J'ai fait un rêve" moi aussi,
mais en me réveillant
je l'oublie et
je me souviens que je suis en retard au travail.»
Lien : http://vagabondssolitaires.w..
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Los Angeles dans les années 90. Gunnar Kauffman passe son enfance avec sa mère et ses deux soeurs à Santa Monica, une enfance middle-class dans des écoles truffées de petits blancs proprets où il devient le « noir cool ». Alors que sa mère veut leur faire connaître la culture afro-américaine, lui et ses soeurs s'exclament qu'ils ne veulent pas rencontrer ces gens qui « ne sont pas comme eux ». Ni une ni deux, voilà la petite famille de Gunnar qui emménage dans les quartiers chauds de Hillside, où il va devoir apprendre à être un vrai noir pour ne pas se faire tabasser par les autres jeunes du quartier à chaque coin de rue. Plus que ça, Gunnar va lier des amitiés très fortes avec Scoby, basketteur de génie et amateur fini de Jazz, et avec l'un des plus dangereux psychopathes et chefs de gang du quartier, Psycho Loco, qui vont tous deux bouleverser définitivement sa vision du monde, de son héritage, de sa famille et de son futur. Peinturlurant les murs du quartier de ses haïkus endiablés, dribblant de son mètre quatre-vingt-dix comme une furie dans les terrains du quartier, il va devenir le poète afro-américain le plus reconnu des Etats-Unis, et le nouveau prophète de la communauté noire malgré lui.

Ce qui impose, dans ce roman, c'est la prose de l'écrivain. Comme je disais, Paul Beatty est un écrivain mais surtout un slameur reconnu depuis longtemps aux Etats-Unis, et dans son style tout sonne juste, comme si chaque mot et chaque phrase s'ajustaient avec un naturel confondant. Pourtant Paul Beatty mélange langage soutenu et argot de rue, verlan et belles tournures de phrases, mais contrairement à d'autres auteurs dont le langage semble éructer les phrases avec maladresse, les siennes coulent de source, s'élancent poétiquement, même dans la situation les plus cocasses et les plus violentes.

Alors voilà, American Prophet est un roman coup de poing qui bouscule les préjugés, ordonne les esprits et porte un message social fort et important. Et ça, Paul Beatty réussit à le faire sans verser dans la caricature (à ce point-là ses personnages, bien que complètement dingues, semblent plus vrais que nature), sans tomber à côté de la plaque, avec adresse et excellence. On sourit et on rit, on se laisse embarquer par ce destin hors norme d'un héros atypique. C'est remarquable, ça ébranle sans être dérangeant (ce n'est pas le cas de tous les romans engagés comme celui-ci qui tendent à embarrasser le lecteur par trop de ferveur), c'est un roman de génie.

(je développe un peu plus sur le blog)
Lien : http://www.lalibrairiefantas..
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"Ton problème

Comment…

Le témoin de Jéhovah, le scientologue,
le politologue, le sociologue,
le savant fou, l'édito des journaux,
les infos, l'animateur à la radio,
l'urbaniste, l'inspecteur d'académie
le psychologue, le pasteur, le sans-abri
le conseiller spécial du président
le pape, le chauffeur de bus, le commerçant
le gesticulateur du soir à la télé

peuvent-ils prétendre connaître mon problème
s'ils ne connaissent même pas mon nom ?"


Entre poésie et fiction, ce roman touchant par son réalisme nous propose une vision toute différente du ghetto et de la vie qu'il engendre aux Etats-Unis.

Bienvenu dans une Amérique où le noir est encore un animal, où le blanc domine, effraie, s'embourgeoise alors que le nègre, n'ayons pas peur des mots, crève sous des yeux satisfaits.

Dans ce décors retrouvons le jeune Gunnar Kaufman, poète à ses heures perdues et à l'intelligence sans limites. Il est, dit-il, de ces nègres que personne ne peut se piffrer. Sa jeunesse fut une longue peine jusqu'à son adolescence. Ce qui l'a sauvé ? le ghetto, les clans, les gangs… Et le basket. Il mesure 1m95, mais se rajoute volontier 3cm devant les jeunes filles. Il est grands, costaud, et il joue divinement bien. Ses sauts sont dignes des plus grands basketteurs.

Après deux ou trois raclées dont il se souviendra, par lesquelles il faut passer, pense-t-il, il finit par s'accoquiner avec la terreur de la cité. Sa mère s'efface alors doucement du texte dans lequel elle a son importance dés les premières pages.

Gunnar va alors devenir un icône, une star des noirs américains. Il sera pris en exemple, on suivra ses conseils, il sera le nouveau messie que l'Amérique attendait tant.

Entre clichés démontés, terreur et cruauté, le roman est construit sur les bases solides de l'histoire, pas si lointaine, d'un continent à la dérive.

Gunnar est avant tout un poète, ne l'oublions pas, et comme tout poète il va voir le monde avec des yeux différents, avec des réflexions bien à lui. Ce n'est pas un hasard si c'est dans sa peau qu'on se retrouve, si c'est dans ses veines que l'on voyage.

"Noir

Noir, c'était détester les beignets de poulet avant même d'apprendre que j'étais censé les aimer. Noir, c'était être un négre qui ne fréquente pas les autres négres. Les seuls Noirs que je connaissais par leur noms étaient soit des sportifs, soit des musiciens : Jimi Hendrix, Slash de Guns'Roses [...].

Se demander "à quel point" Tony Grimes le skateur pro du quartier était noir, ça aussi c'était noir."

C'est avec des anecdotes comme l'essayage de chaussures en magasin, l'accusation de la police dés le plus jeune âge, les fantasmes collectif autour du ghetto, que l'auteur nous met face à certaines folies imaginées par la "bourgeoisie", la classe supérieur.

Quand un jeune noir passe d'une classe remplie de noirs à un lycée rempli de blanc, le choc est frontal, le choc est brutal. C'est avec une frénésie non dissimulée que les scènes sont écrites, démembrées d'une réalité certaine.

C'est avec des clichés comme Oncle Tom, le goût prononcé des bananes et l'odeur des noirs que le narrateur fait des pichenettes aux lecteurs. Pichenettes qui énervent et dérangent bien souvent.

Avec la musique jazz dans les oreilles, des images psychédéliques dans la tête et une photo de David Sanborn contre le mur, il est difficile de ne pas ressentir toute cette puissance qui sort du récit, toute cette vie anarchique, décalée et anti-conformiste qui transpire de chaque page.

Le jazz et la poésie, deux arts qui s'accouplent parfaitement, même dans un roman sur les noirs où les clichés sont dénoncés.

C'est à lire avec plaisir, à écouter avec joie, et à se souvenir, évidement. Car c'est ici une partie de l'histoire qui est écrite. Une partie ségrégationniste où le peuple noir commence à se lever et suivre le chemin que propose Gunnar. Aussi loin ira-t-il.

Ouvrage disponible dans les éditions du Passage du Nord-Ouest à partir du 6 Septembre 2013.
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J'ai beaucoup ri durant cette lecture.
Ayant déjà lu les aventures d'un autre personnage noir et masculin de Paul Beatty (Tuff), je partais avec quelques a priori.

Mais au final, je trouve ce livre bien meilleur que le précédent. A travers les yeux de Gunnar, nous partons avec humour à la découverte du ghetto américain, avec ses minorités relayés dans les quartiers et les écoles les plus pourris, leur tchatche comme meilleur arme de défense.
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Brillant!
Époustouflant!

Et émouvant.

Totalement captivée tant de sa plume vive, alerte, rythmée, l'auteur sait nous embarquer dans les pas, la vie de Gunnar, celles de ses ancêtres, de sa famille aussi bien que celle de ces gangs qu'il aura à connaître.

Oui, c'est déjanté, incroyablement étourdissant tant les mots dansent en nous comme une musique!

Et, cependant, grâce très certainement à ce tempo puissant, ce livre est remarquable car, débordant, sous couvert d'humour, de cette "auto-dérision noire" à laquelle il se réfère , de tristes et sombres vérités.

Une lecture que je ne peux que recommander xxx!
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« Mon nom est Kaufman, Gunnar Kaufman. Je suis l'Oreste noir dans la maison des Atrides. Voué par un ADN mou du genou à traîner les pieds dans le sillage d'une longue et veule fil de nègres, d'oncles Tom et de fidèles domestiques bamboulas ». le décor ainsi planté, Gunnar nous raconte son enfance dans un quartier doré de Santa Monica où il est le « Noir cool et marrant » de sa classe. Mais quand sa mère se rend compte que lui et ses soeurs ne se considèrent plus comme noirs - « ils sont pas comme nous » -, ni une, ni deux, toute la famille déménage à Hillside, ghetto noir super craignos de Los Angeles où vivent « des Nègres, des Latinos, des Bridés qui ne peuvent prétendre qu'à un petit quart d'heure de soleil par jour en été et qu'à un mini-éclat de rayon pour le solstice d'hiver ». Là, Gunnar devra trouver sa place et comprendra par la manière forte le prix de sa couleur de peau.

Superbement écrit (et remarquablement traduit), absurde, drôle (parfois même quasi burlesque), mais aussi très dur, ce livre est un ovni. On y apprend beaucoup sur l'histoire des droits des noirs aux USA, de l'abolition de l'esclavage aux blacks panthers en passant par les émeutes de LA. On s'attache à sa galerie de personnages - Gunnar le poète prodige, sa mère, ses amis Scoby le basketteur surdoué et Psycho Loco le chef de gang, Yochiko la japonaise barrée, Betty et Veronica les terreurs de bac à sable…
Paul Beatty nous parle de l'identité noire, du racisme, de la vie dans le ghetto, loin des clichés ou du politiquement correct, avec un flow hilarant ponctué de ‘nègres' et ‘négros'. Même si on rit beaucoup, on en ressort ébranlé par le fond du propos et sa conclusion dérangeante... Et on enrage de voir que les questions qu'il soulève (en 1996) sur l'identité noire aux USA sont toujours d'une actualité brûlante aujourd'hui.
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