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Citations sur Slumberland (13)

Le Noir est maintenant officiellement humain. Tout le monde le dit, y compris les britanniques. Et si personne n'y croit vraiment, ça n'a pas d'importance; nous sommes aussi médiocres et banals que le reste de l'espèce. Les âmes errantes de nos morts sont aujourd'hui libres d'être véritablement elles-mêmes sous cette patine primitive moderne. Joséphine Baker peut retirer l'os qu'elle a dans le nez, et son squelette aux genoux cagneux retrouver ses deux cent six os initiaux.
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Mais je savais qu'aucun aficionado de jazz Berlinois n'avait envie de m'entendre dénigrer leurs théories romantiques de l'oppression blanche comme procréatrice du génie musical noir.
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Outre le fait que j'ignorais à quoi ressemblait le Schwa, je réalisai soudain que je ne savais pas non plus s'il était mort ou vif. Compte tenu de l'intemporalité de sa musique, la chanson du baiseur de poule pouvait être vieille de vingt ans ou de vingt minutes.
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J'ai toujours soutenu que l'on pouvait considérer la femme blanche comme étant le personnage le plus bafoué sur terre. Comme Pandore et Eve, les femmes blanches n'ont été portées au pinacle, présentées comme des parangons de vertu et de beauté, qu'afin d'être injustement blâmées pour tous les maux du monde quand elles décident de descendre de leur piédestal pour faire valoir leurs droits et agir en être humains.
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Jamais vous ne croiriez que nous autres, les hommes noirs, avons peur de plein de choses, parmi lesquelles la police, l'eau et l'épreuve de math à l'examen d'entrée à l'université; mais ce qui nous colle la frousse plus que tout le reste, c'est que parmi les quatre cent cinquante millions d'autres hommes noirs habitant cette planète, il y a un multirécidiviste qui n'a pas été appréhendé, un type deux fois pire que Stagolee et moitié moins sympa, un Négro en cavale genre plus-un-geste-enculé-ou-je-t'explose-la-tronche qui nous ressemble comme deux gouttes d'eau.
Le fait d'emménager à Berlin a réduit pratiquement à néant la peur d'être pris pour quelqu'un d'autre. J'ai cessé de faire ce rêve récurrent où je suis au bureau de poste face à un avis punaisé sur un tableau d'affichage : RECHERCHE POUR VOL QUALIFIE, TRAITE DES BLANCHES ET CRIMES CONTRE L'HUMANITE. Les photos d'identité judiciaires de profil et de face ne me ressemblent pas, et pourtant c'est moi tout craché.
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Aucune des tribus germaniques n’a eu de dieu du Soleil. Païens comme des professeurs de philosophie, les Visigoths, les Francs et les Vandales se gardèrent bien de croire en quelque chose qu’ils ne voyaient pas. Râ, Hélios, Huitzilopochtli – mon nom pour le soleil, moi, c’est Charlie. Je me faufile parmi les piétons et j’imagine quelque Hun flâneur, deux mille ans plus tôt, chaussé non pas de Birkenstock mais de sandales de paille, empruntant le même sentier en quête de traces solaires dans cette nature désormais bétonnée. Mais je ne capte que des éclats de la divinité jaune, la couronne chatoyante à travers les feuilles des arbres en fleurs du parc de Tiergarten, le lustre herbalescent du shampoing dans les mèches raides hippies d’une grande blonde, peut-être un reflet dans la façade glaciale d’un gratte-ciel. Ces apparitions ne sont jamais plus que des éclipses partielles ; parapet de château ou clocher d’église, il y a toujours quelque chose qui empêche de voir correctement.
Sachant que les Égyptiens n’ont rien accompli de remarquable depuis trois mille ans, les ingénieurs civils de Berlin ont dû emboîter le pas aux Anciens. De même que les hommes de science de Gizeh construisirent les pyramides de Kheops de façon qu’elles soient dans l’axe du pôle céleste, les urbanistes de Berlin ont établi un code de répartition en zones qui semble stipuler que toute structure, qu’il s’agisse d’un bâtiment, d’un panneau d’affichage, d’un lampadaire ou d’un nid d’oiseau, soit érigée à une hauteur telle, ou de manière telle, que toute personne de stature normale se tenant n’importe où à l’intérieur des limites de la ville ne puisse avoir une vue dégagée, non obstruée, du soleil.
J’abandonne toujours commodément ma quête sur la Winterfeldplatz, tandis que les cloches de Saint-Matthias retentissent dans le crépuscule, marquant la fin de la chasse. Le ciel s’assombrit. L’odeur âcre de pita carbonisée et de shawarma flotte dans l’air. Un vieil homme passe sur un vélo deux-vitesses tout grinçant. Une femme maudit sa fille peu coopérative. Les lumières à l’intérieur du Slumberland Bar s’allument en un clignotement. Depuis le temps que je vis ici, j’ai vu un et un seul coucher de soleil. Et sans la réunification de l’Allemagne, il n’y en aurait même pas eu autant que ça.
La sonnerie retentit, mais avant même que je commence à me redresser, la réceptionniste règle la minuterie pour un quart d’heure supplémentaire, remet ma chanson, et me fait signe de me rallonger. En retournant s’asseoir, elle écoute la musique, un coin de bouche retroussé en un sourire fort impressionné. Soudain, ce coin s’abaisse en une moue songeuse. Ses doigts cessent de danser. Ses pieds cessent de taper. Elle veut savoir pourquoi. Pourquoi je me fais bronzer. Pourquoi je suis venu en Allemagne. Je lui dis qu’il me faudra plus d’un quart d’heure pour répondre à cette question. Il faudra qu’on ait une bonne vieille liaison à l’horizontale, nous deux, du genre que la verticalité au quotidien des rendez-vous, des joggings et du lèche-vitrines finit par détruire au bout de deux ans. J’en serais déjà à lui envoyer des cartes postales avec des haïkus accidentels griffonnés à la hâte au verso…
Au lit repos. Un baiser.
Bientôt comme mon pied touche sol –
La merde décolle.
… que sa question demeurera encore sans réponse, puis je l’appellerai en pleurnichant : « Je t’ai envoyé une carte postale, je t’en prie, ne la lis pas. » Elle voudra se séparer de moi, mais ne mènera pas le processus à son terme car elle ne saura toujours pas pourquoi.
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Slumberland. J’avais beau placer mes doigts bien serrés autour des yeux, je n’arrivais pas à voir l’intérieur du bar. Une lumière rouge vaporeuse filtrait à travers les stores en bambou toujours tirés. La vitre vibrait avec le murmure de la conversation bruyante et de la musique reggae. A en juger par le tremblement de la vitre, je supposai que a chanson était une de mes ballades préférées, « On and On » d’Aswad, une reprise profondément respectueuse du tube easy-listening de Stephen Bishop. J’entrai dans le bar. Et effectivement, c’était « On and On » qui passait ; j’étais plus que content de moi. J’avais l’impression d’être un super héros venant de découvrir ses pouvoirs. Ma capacité à identifier une chanson à la façon dont sa rythmique faisait trembler les carreaux ne sauverait pas le monde d’une invasion extraterrestre ou d’un météore fugitif, mais je pouvais envisager de remporter quelques paris dans les bistrots.
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- C'est vrai ça, tu pourrais tout à fait être son-melier, fit elle le plus sérieusement du monde. Il n'y a jamais personne pour réfléchir suffisamment à ce qu'il y a dans le juke-box. C'est toujours les mêmes morceaux, cinquante CD de Greatest Hits, une médiocre anthologie Motown, les inévitables Billy Joël, un échantillon des singles du top 40 des deux dernières années, deux CD des Los Lobos et ce putain d'album de Bob Marley.
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On devrait peut être classer les mammifères selon leur indice de protection solaire.
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- Je m'imaginais de retour au pays.
Elle me relâcha le bras et me demanda comment c'était vraiment, l'Amérique.
Je lui racontai qu'une fois j'avais entendu un comique dire que si vous mettiez une pomme à la télévision tous les jours pendant six mois, puis la placiez ensuite en vitrine à la galerie commerciale, les gens s'approcheraient en disant : Oooooh, regarde, c'est la pomme qu'on a vu à la télévision.
L'Amérique ressemble beaucoup à cette pomme.
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