Traitres à la nation ?

Comment aller au-delà du traumatisme qui a suivi l'échec de l'équipe de France lors du Mondial de football en Afrique du Sud en 2010 ? Comment dépasser la furia médiatique qui a suivi la grève des Bleus au cours de cette compétition internationale ? Et, surtout, comment analyser les causes – non pas de l'échec sportif – mais du manque de cohésion de l'équipe française et de son entourage ? Toutes ces questions, Stéphane Beaud propose de les soumettre au regard du sociologue.
L'ouvrage se lit très facilement, l'écriture est fluide, l'approche convaincante. La vraie difficulté, pour moi, se trouve dans mon ignorance du jeu, des joueurs et de leur parcours. Quand Stéphane Beaud compare les équipes du Mondial 1998 et 2010, les parcours sociaux et professionnels des joueurs, leur origine sociale, leur lieu de résidence, tout cela est très intéressant, mais j'ai un peu de mal à jongler avec les noms car, à quelques exceptions près (Zidane, Ribéry), ils ne m'évoquent que peu de choses. Peu importe, je peux quand même suivre la démonstration générale de l'auteur et elle est riche en perspectives.
Pour Beaud, trois ou quatre éléments semblent se détacher pour expliquer le fiasco de l'équipe de France. Tout d'abord, la plus grande hétérogénéité sociale des joueurs. D'une équipe de 1998 qui se recrutait essentiellement parmi les classes moyennes et populaires, on passe à une équipe de 2010 où l'origine socio-professionnelle des parents est beaucoup plus diverse, d'où des tensions entre les joueurs qui ont eu des modes de socialisation parfois très éloignés les uns des autres. Deuxièmement, cette hétérogénéité s'accompagne d'un poids des joueurs issus de l'immigration africaine dont les modèles d'identification sont plus communautaires que nationaux. D'où la difficulté pour joueurs et entraîneurs à se retrouver sur les mêmes valeurs. Enfin, l'intégration très précoce des joueurs aujourd'hui dans les centres de formation, l'internationalisation rapide de leur carrière modifient leur comportement, ils plus éloignés de la réalité, confrontés très jeunes à la starisation : de ce fait, la « loi » de l'équipe nationale est plus facilement contestée.
Même si vous êtes loin d'être des passionnés de football, la lecture de ce livre vous permettra de mieux comprendre les rouages d'un sport dont la professionnalisation a profondément modifié l'éthique et la pratique.

Cet essai revient sur un fait sportif célèbre, celui de la grève des bleus lors de la débâcle de la Coupe du Monde en Afrique du Sud en Juin 2010. Les bleus d'alors refusent de s'entraîner, acte motivé par un sentiment de trahison de leur fédération qui quelques jours plus tôt excluait du mondial Nicolas Anelka (injures à l'encontre de Raymond Domenech). Cet acte jugé irresponsable par les politiques qui s'emparent de l'affaire a été vivement commenté et des sanctions à l'encontre des joueurs ont été prononcées. le sociologue Stéphane Beaud tente d'analyser les raisons de ce fiasco et explique à travers diverses comparaisons (notamment avec l'équipe de France 98) pourquoi cet acte est bien plus qu'une simple rébellion entre « caïds immatures » et fédération dépassé. Son développement très pertinent nous permet de prendre du recul avec les violentes accusations d'alors et donnent à ce groupe surmédiatisé, fissuré de l'intérieur et en rupture avec son sélectionneur bien des circonstances atténuantes.