Il est vrai, il y a sûrement un petit message dans cette pièce
De Beaumarchais et qu'on devine rien qu'au titre : dans un couple, si la femme donnait naissance à un enfant illégitime, elle était nécessairement coupable — sous entendu, la dernière des traînées — tandis que si c'était l'homme qui semait des rejetons un peu partout, c'était pour ainsi dire une marque de bonne santé, d'esprit, que sais-je ?, de qualité, presque.
Il est vrai, il était hardi, osé, peut-être pour l'époque, de prétexter qu'il y avait là dissymétrie de traitement — mais
Beaumarchais, contrairement à ce qu'il avait fait par la passé, n'allait plus, dans cette pièce, jusqu'à condamner publiquement l'injustice, ni réclamer une évolution immédiate des pratiques sociales qui eût pu rééquilibrer moindrement cet état de fait.
Bon, c'est vrai tout ça, mais au-delà de ça, je la trouve tout de même un brin faiblarde cette pièce, surtout comparée à ses quelques brillantes devancières, elle m'apparaît chétive, poussive, craintive…
Beaumarchais s'est vendu.
Beaumarchais l'impertinent, ne l'est plus du tout ici. Lisez simplement les superbes et brûlantes répliques de Marceline dans la scène XVI de l'acte III du Mariage de Figaro et vous constaterez la différence.
Alors l'auteur s'en donne à coeur-joie contre un méchant, ostensiblement désigné comme tartuffe, reprise de l'archétypal fourbe, vicié, calculateur, toujours prêt à semer la discorde et à nuire à autrui pour alimenter la source de son propre intérêt. Bon, OK, pourquoi pas. Mais est-ce traité d'une incomparable façon ? Je ne crois pas : le Tartuffe de
Molière était franchement plus coloré, savoureux, en deux mots, mieux écrit.
Suzanne et Figaro ont vieilli, on les sent moins frais, moins pétillants, moins espiègles. Un peu comme des acteurs matures qui s'évertueraient à jouer des rôles de jeunes premiers. La mayonnaise ne prend plus trop...
Il y a de l'eau dans le gaz entre le comte et la comtesse.
Beaumarchais nous refait le coup de la lettre ancienne découverte — par l'entremise de qui vous vous doutez — mais entre temps Les Liaisons dangereuses sont passées par là, et sa petite lettrounette de rien du tout nous laisse franchement de marbre.
Alors Bégearss, ledit tartuffe, s'insinue, tel le serpent, dans les fissures du couple, escomptant déshériter le fils illégitime au bénéfice de la fille illégitime relégitimée dans le but de s'octroyer à la fois le gîte et le couvert (entendez, le mariage avec la fille et la fortune du comte).
Et c'est alors que nous chantons tous en choeur : « Aaah ! Figarrro, Figarrro, Figarrro ! » Et c'est là, précisément, que moi, je m'ennuie un peu. Je n'en garderai pas un souvenir calamiteux mais l'inverse non plus. le plus probable, c'est que je n'en garderai pas de souvenir du tout. Ceci dit, à partit de maintenant, c'est à vous de voir si vous souhaitez ou non tenter l'aventure de
la Mère coupable.