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EAN : 9782070711772
154 pages
Gallimard (13/11/1987)
3.57/5   22 notes
Résumé :
Combien de temps l'archéologue a-t-il encore à vivre ? Étendu sur la terrasse, face au Nil, il parle. Il parle de lui-même, de la vie, de la mort, de quelques personnages qui ont traversé sa vie aux quatre coins des vieux continents où il a travaillé à reconstruire les temples séculaires : un vieux Nubien, un conteur cambodgien, un musicien allemand à Bali, une femme, jadis, près d'une église romane. Il parle de musique aussi : celle d'Orient, celle d'Occident, cell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Faute d'avoir pu recevoir à temps l'injection qui l'aurait peut-être sauvé, un homme se meurt sur sa terrasse au bord du Nil, mordu par un cobra royal dans les sables du désert. Combien de temps, combien d'heures lui reste-t-il à vivre ? - nul ne le sait, pas même le médecin ami venu en toute hâte l'accompagner dans son dernier voyage.

Hier encore il avait mis à jour une tombe, dénudé une momie de ses linges protecteurs, arraché un homme “à sa demeure d'éternité, qu'il avait construite avec plus de soin que sa maison”. Aujourd'hui, à son tour, l'archéologue doit affronter la mort qui lui fait signe et son éternité. Face aux ténèbres glacées qui peu à peu l'envahissent tandis que le venin progresse lentement jusqu'à son coeur, l'archéologue rêve tout haut, raconte et se souvient.

Et nous l'accompagnons à notre tour, emportés par la langue superbe de Philippe Beaussant, nous cheminons à ses côtés jusqu'au Cambodge, jusqu'au temple de Vat Preah Theat - la grande oeuvre de sa vie d'archéologue. Cambodge, Laos, Égypte, Indonésie… de l'Orient à l'Occident, aux quatre coins du monde, au gré de ses voyages, de ses rencontres, de ses souvenirs - visages aimés, parfums d'enfance, instants de bonheur partagés, chants des flûtes dans l'air du soir - nous suivons l'archéologue, pas à pas.

Nous écoutons ses mots profonds et graves, sa parole qui se confie à nous, pressante, pressée - le serpent a frappé, l'avenir s'évapore, le temps n'est plus qu'une ombre -, sa parole qui interroge, qui fouille le sens caché des choses et de la vie, de son métier surtout qui “profane l'ordre des choses” au nom de l'histoire et de la science, violente le sacré, offense la nature et les dieux… et où toujours revient le serpent, créature divine, figure ambivalente, présente depuis l'enfance comme un présage, comme la juste punition par avance destinée aux violeurs de secrets. “Docteur, je crois que je voudrais maintenant pleurer, je crois qu'il y a des larmes dans ma gorge”...

Monologue profond et déchirant, méditation lente et splendide sur la vie, sur la mort, sur l'harmonie du monde et sur l'ordre des choses, sur la musique aussi, très présente et presque audible dans ce très court roman, "L'archéologue" de Philippe Beaussant est une oeuvre de haute littérature, hypnotique, envoûtante, dont chaque ligne fut pour moi un bonheur et une émotion intense.

Un petit bijou - trop peu connu - de la littérature française, une pépite comme il y en a peu, à découvrir absolument, et pour moi un vrai coup de coeur ! ❤❤❤

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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« Il n'y a de musique possible que si le son n'est pas un bruit. Il n'y a d'art possible que si la danse n'est pas la marche, que si les mots du poème ne sont pas ceux de la vie. »

Voici une vraie pépite ! Et je dois absolument remercier sibemol qui a attiré mon attention sur ce livre si remarquable. Sans sibemol, et sans Babelio, c'est sûr que je n'aurai jamais lu ce livre.

Nous écoutons ici le long (parce qu'il dure tout le roman, mais jamais je n'ai souffert de cette longueur) monologue d'un archéologue qui se meurt, quelque part en Egypte. L'homme nous raconte sa vie, la perte de l'innocence, la découverte de la musique, les rencontres avec des peuples « primitifs », où les traditions, les chants et la musique viennent de la nuit des temps. Il y est aussi beaucoup question de musique mais je vous rassure tout de suite, pas besoin d'être musicien ou musicologue pour apprécier ce roman.

C'est délicieusement écrit, vraiment, avec beaucoup de sensibilité et de poésie. Un vrai voyage sensoriel, depuis les descriptions d'Angkor et de sa forêt luxuriante jusqu'au désert égyptien, en passant par Bali.

C'est un livre aussi sur la transmission au-delà des mots, la mort et sa signification, le passé, Dieu, … Bref un vrai bonheur d'intelligence et de sensibilité.
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En déambulant entre les étals de la librairie Passages, à la recherche du Bleu est une couleur chaude, mes yeux se sont arrêtés sur le mot du libraire accompagnant L'archéologue de Philippe Beaussant. Accroche-regard nécessaire pour une couverture plutôt neutre, voire insignifiante (cf. image jointe). Accroche ambitieuse aussi puisque le libraire en question n'hésitait pas à utiliser le terme de « chef-d'oeuvre » pour qualifier ce tout petit livre. Mot valise ou véritable perle ? J'ai choisi de faire confiance au libraire en espérant qu'il n'abuse pas trop du poids de certains mots.

Ce court récit se présente comme le long monologue d'un architecte, devenu archéologue. Mortellement blessé, il revient sur les souvenirs marquants de son existence, essentiellement des rencontres faites au quatre coins du monde, au détour de l'une ou l'autre mission archéologique, rencontres-témoins de l'évolution des civilisations qu'il étudie, ou traces inaliénables de la constance de la nature humaine. Les grandes questions de l'humanité sont abordées, finement et concisément, en s'appuyant sur ces événements fondateurs d'une vie : la mort, l'amour, l'art, la musique, l'architecture, la chute ou le salut, le sens de l'existence, la condition humaine.

Je ne sais pas encore exprimer ce que je cherche en littérature mais il est évident que je l'ai retrouvé ici. Une amorce de réponse au sens de la vie, sans doute, là où Kafka, Sartre ou d'autres Camus pointeraient l'absurde pour me laisser désemparée. J'ai lu L'archéologue de Philippe Beaussant après avoir terminé la Légende des siècles. Victor Hugo est l'un des mes auteurs fétiches et il m'est souvent difficile d'enchaîner sur une lecture « à la hauteur » lorsque je referme l'un de ses livres. A l'échelle de mon panthéon littéraire, L'archéologue et L'homme qui rit s'accommodent volontiers du même barreau, et plutôt dans les étages supérieurs.

Véritable chef-d'oeuvre et point de mot-valise aujourd'hui ! Il est parfois bon de suivre les conseils de nos libraires ;)

Cette chronique relève également de ma participation au Challenge ABC Critiques de Babelio 2014/2015.
Lien : http://synchroniciteetserend..
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Voici un petit livre précieux écrit par un académicien musicologue dont j'avoue avoir ignoré jusqu'à ce jour l'existence. Je savais qu'un de mes amis tenait en haute estime ce court ouvrage, aussi ai-je eu plaisir qu'il me le prête.

Un homme meurt d'une morsure de serpent royal et mythique. le médecin que l'on a envoyé chercher n'arrivera pas à temps ; le mourant le sait et nous délivre dans un vertigineux monologue ses réflexions sur son passé. Archéologue, il a travaillé dans le désert et dans la jungle et, tout récemment encore, a découvert une momie qu'il délivra de ses bandelettes avec tendresse, effrayé par les siècles qui le séparent de l'objet de son étude et, simultanément, plein de respect et d'empathie pour cet homme "de son âge".

On admire le contraste entre le désert égypto-soudanais qui conserve les traits d'êtres ensevelis il y a quatre mille ans et la forêt cambodgienne dont la végétation étouffante va jusqu'à effacer dans la pierre les traces laissées beaucoup plus récemment par l'homme.

Il y a dans ce court texte une profondeur impressionnante. La pierre et la flûte, l'architecture et la musique, le temple antique et la modeste chapelle romane, le vieux sage et le fidèle serviteur, le souffle et le rythme, la beauté sublime du visage d'une jeune fille et l'insondable profondeur de la sagesse d'un vieillard s'y mêlent harmonieusement et nous sont donnés à méditer dans l'écrin d'une langue superbe et profonde.

L'archéologue passe avec déchirement du sorcier khmer au danseur arabe, contemple des mondes qui s'ignorent l'un l'autre, tente de les remonter "l'un et l'autre de la nuit des temps et de l'obscurité de l'oubli", mais "se vide lui-même dans cette tentative".

"Le monde n'est pauvre que pour ceux qui n'attendent rien." et "Les choses sont précieuses à proportion que l'esprit s'est aiguisé à déceler leur richesse".

Ce livre est d'un rare éclat.
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Sur une terrasse au bord du Nil, un vieil homme attend la mort. Alors qu'il remuait les pierres de la frise aux cobras, tel un éclair la morsure du serpent l'a surpris ; elle ne lui laisse aucune chance. Sachant ses heures comptées, il égraine ses souvenirs. Lui, l'architecte que rien ne destinait à passer sa vie au milieu de monuments en ruines, fait revivre le passé.

De l'occident à l'orient, sa vie a la couleur de la pierre, le parfum des rencontres, le son d'un chalumeau. Une petite église romane quelque part en France, un temple envahi par la végétation au Cambodge, un village perdu au nord du Laos, une maison pleine d'instruments de musique à Bali, et partout des visages : celui de la femme aimée, d'un conteur cambodgien, d'un musicien allemand, d'un vieux nubien... autant d'épisodes qui s'enchaînent, se croisent, se bousculent en attendant le dernier souffle.

De ces rencontres, de ces pays, l'archéologue conserve un trésor : des flûtes dont chacune a une histoire qu'il veut transmettre avant de mourir. "Voyez-vous cette petite flûte que je tiens dans ma main ? dans le coffre à droite de ma table, vous trouverez les autres. Je vous les laisse. Je les aimais. Ne les dispersez pas. J'ai joué au long de ma vie sur toutes ces flûtes, sauf une, qui est brisée : elle est en terre cuite, elle a été trouvée à Tletecpatl, dans un tumulus...".

En nous parlant de pierres et de musique, l'archéologue nous parle aussi d'hommes et de civilisations, de mythologie, de rites et de traditions. Il suffit de se laisser porter par ses mots pour, soudain, se sentir ailleurs et contempler "un temple dans la forêt, des débris de pierres en désordre au bord du Nil".
Lien : http://livredailleurs.blogsp..
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Un jour, les gens du village m’ont accueilli de manière étrange. Ils parlaient fort et faisaient de grands gestes de dénégation. Ils m’ont escorté bruyamment jusqu’à sa maison, mais je savais déjà : elle était morte un mois plus tôt. J’ai acheté sa flûte à Thao Sy, son petit-fils : personne n’aurait pu s’en servir désormais, n’est-ce pas ? J’en tirais des sons qui pour moi seul contenaient la poésie de Nang Suy, la vieille folle. Elle va mourir avec moi, tout à l’heure. Plus personne, plus personne, plus personne jamais ne saura qui était Nang Suy, la vieille Orphée. Moi, je savais. C’est un peu sot, n’est-ce pas ? de se dire qu’avec moi, quelque chose d’elle vivait toujours, qu’elle n’était pas morte tout à fait, que le souvenir… Eh bien, il y a plus bête encore. Docteur, je crois que je voudrais maintenant pleurer, je crois qu’il y a des larmes dans ma gorge, et qu’elles ne sont pas pour moi-même qui suis en train de crever devant vous, mais pour une vieille bonne femme dont je ne savais même pas la langue , et à qui je n’ai jamais parlé. C’est absurde. La mort est la mort. C’est une chose bien claire et bien simple. Quand vous détectez avec vos appareils que rien ne bouge plus, que rien ne bat plus, que tout est désormais bien inerte, que la petite usine a résolument cessé de fonctionner, de produire, de transformer, c’est bien la fin. Le reste, c’est de la poésie. C’est un rêve de vivants. Folie, n’est-ce pas , cette Egypte, ces milliers, ces millions de cadavres dans le sable raidis dans leurs bandelettes, avec leurs trésors, leurs yeux d’onyx et de cristal ouverts dans l’obscurité, ces peintures de danseuses exquises, de moissons et de festins que personne ne verra jamais, si ce n’est moi, l’archéologue qui fouille le sable …
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Il transmettait son savoir par bribes, par lambeaux, qu’il fallait mettre lentement bout à bout, assembler, composer. J’ai passé, au cours des années, des heures dans sa maison, tandis qu’il travaillait, qu’il parlait, qu’il enseignait la musique. Des semaines, de mois passaient entre une phrase ou un dicton et un autre qui lui donnait son sens. Des fragments s’appelaient, que je devais aller chercher dans ma mémoire, des mots qu’il avait dits et que je retrouvais, érodés, et polis par le temps, pour les accorder à d’autres qu’il me livrait, par hasard, ou qu’il livrait à un enfant. Il était accroupi sur ses talons, dessinant du bout de son pinceau, sur la pièce de cuir posée au sol, la figure de Sita, d’un trait infaillible, une courbe que son père, que son grand-père avaient tracée sans doute avant lui avec la même grâce et la même justesse.
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C’est beau, la science. C’est précieux. Moi, c’est autre chose. J’ai violé son secret. C’est moi qui ai violé sa tombe. C’est moi qui l’ai dépouillé. Je lui ai ôté les textes magiques qui devaient le protéger pour toujours. J’ai détruit sa chrysalide. Je l’ai arraché à sa demeure d’éternité, qu’il avait construit avec plus de soin que sa maison. Cet homme a vécu ses cinquante ans de vie dans une demeure faite de palmes et de boue séchée, et sa mort dans une tombe de pierres jointoyées avec un art ineffable, décorée de peintures que nul ne devait jamais voir. Quelle est cette foi absurde qui lui faisait emporter dans le néant son lit, ses sandales, son arc, ses bijoux, tout ce qu’il avait de beau et de précieux, ce qu’il avait aimé, et qui lui faisait dire : lève-toi vivant ?
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Cette forêt sonore autour de moi, chaque nuit, dont la voix me parvenait par toutes les ouvertures, par tous les interstices, dans l’obscurité de ma chambre : ce n’est pas un tissu d’arbres immenses et de laines enlacées. C’est l’élément. C’est la racine des choses. C’est la mère. Tout ce qui existe vient d’elle, vit d’elle, meurt d’elle. On vit pour un instant distinct et séparé, et puis l’on retourne se fondre dans le grand Tout indifférent, les choses comme les êtres. Vat Preah Theat ne nous appartenait plus : ni à lui, Cambodgien, ni à moi, le Blanc, ni à aucun homme. Le grand Nâga, le serpent de pierre les en avait chassés lui-même. Il avait rendu le temple à sa destination première, qui était de disparaitre dans l’énorme florescence primordiale, de se noyer dans le grand Tout indistinct, la forêt.
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C’est une flûte magique. Après des années, le mystère de ce qui se passe à l’approche de mes doigts se renouvelle chaque fois que je la touche. Elle capte tout l’insaisissable, l’indéfinissable entre deux sons. On peut tout dire avec ses quatre notes. Non, pas tout : pas Mozart. Très loin, très profond très ancien, inaccessible à la pensée, l’Asie. L’autre Asie, celle d’avant l’Inde, d’avant la Chine, d’avant Angkor, immémoriale, à la racine de l’homme. Le sorcier ne voulait pas que je l’emporte. Il craignait même d’abord que je la touche. La musique qu’il faisait était la voix des dieux, c’était le souffle des ancêtres. En me la donnant, il livrait la voix des ancêtres. Pourquoi la lui ai-je prise ? Entre quatre notes, avec une évidence envoûtante parce qu’elle ne peut pas se dire, quelque chose de l’homme, du mystère de l’homme aujourd’hui, transmis, semblable depuis vingt mille ans, et que personne ne peut dire avec des mots. La peur, le désir, le désespoir, l’appel, la peur surtout, et à l’opposé de la peur, lié à elle, l’ordre du monde édifié sur la peur, construit sur elle, apprivoisant sur une flûte le chaos …
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Vidéo de Philippe Beaussant
"Le Passé est-il présent ?" par Philippe Beaussant, délégué de l'Académie française Séance de rentrée des cinq Académies 2013, Institut de France
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