On n'en aura jamais fini avec la guerre d'Algérie. Cette guerre qui a duré 8 ans mais qui ne fut ni glorieuse, ni victorieuse. Pas de grand défilé, de monument ni de beaux discours pour commémorer cette guerre-là. Massacres de milliers de civils, actes de barbarie, des années de terreur, d'iniquité, de cruauté, de misère; guerre de libération pour les uns, actions de "pacification" pour les autres, à coup d'arrestations arbitraires, d'enlèvements, d'exécutions sommaires, de justice bafouée, de torture organisée. Pinochet n'aurait pas fait pire.
La France des Lumières est loin, mais elle va se mobiliser autour du procès de
Djamila Boupacha, militante de 22 ans, incarcérée et torturée, vouée à être condamnée à mort pour actes terroristes. Un combat de femmes mené par une avocate qui n'a pas froid aux yeux. Elle se rend à Alger, elle, la Juive tunisienne, pour rencontrer sa cliente. Elle se reconnait dans cette jeune femme qui n'a pas hésité à devenir résistante au sein d'un réseau de combattants. Avec d'autres femmes,
Sagan, Beauvoir,
Duras, Giroud, Tillon, elle se fait lanceuse d'alerte: pour Djamila et contre ce crime qui fait honte à l'Etat, la torture.
Affolés par l'ampleur de cette mobilisation, d'illustres ministres (
Malraux, Debré, Messmer) essaient de discréditer ou d'étouffer l'affaire. Censure, déni, mensonges politiques, paralysie judiciaire, tout est bon pour les faire taire. le Monde où figure l'article
De Beauvoir est retiré de la vente à Alger. Mais
Gisèle Halimi est tenace; pour la vie de sa cliente mais aussi pour dénoncer une situation de guerre civile dont les atrocités ne seront révélées que tardivement.
Halimi sera ensuite accusée d'avoir instrumentalisé Djamila aux fins de propagande anti-gouvernement ou de recherche de publicité. Peu importent ses motivations personnelles,
L Histoire retiendra dans cette affaire de femmes peu ordinaires que la force des mots, que le talent des journalistes et des écrivains, pouvaient faire obstacle aux geôliers et aux brutes galonnées. Que la parole courageuse des femmes avait ouvert une brèche dans la Raison d'Etat.