Jean-Jacques Becker a codirigé une "Encyclopédie de
la Grande Guerre" (Bayard, 2004) et il a écrit plusieurs ouvrages sur
Georges Clemenceau : "Clemenceau, l'intraitable" (Liana Levi, 1998), "Clemenceau en 30 questions" (Geste Editions, 2001), etc ... Il est vice-président de la Société des amis de
Georges Clemenceau. Aussi il était la personne la plus adéquate pour nous livrer la synthèse (120 pages) de ce que fit
Georges Clemenceau en rapport avec le conflit et ses suites entre juin 1914 (attentat de Sarajevo) et l'élection présidentielle de janvier 1920.
Jean-Jacques Becker n'oublie de consacrer en plus cinquante pages à la vie de Clemenceau depuis le Second Empire jusqu'à la Belle Époque et un peu moins de trente à la vie de son personnage entre 1920 et 1929 (année de sa mort).
L'auteur ne fait pour autant une apologie du Tigre et il montre bien qu'entre août 1914 et septembre 1917, il a légèrement tendance à être contre tout ce qui est pour, et pour tout ce qui est contre. Ceci de manière parfois non perspicace, comme dans son désir de faire arrêter tous les Français fichés comme "à surveiller pour leurs opinions pacifistes" (ceux du carnet B) alors que quasiment tous sont partis sinon la fleur au fusil, du moins le fusil sur l'épaule. Dans le lot d'ailleurs un bon paquet d'instituteurs socialistes.
Il est certain que dans le choix de ce tire "
Clemenceau chef de guerre", ce n'est pas le rapport de G. Clemenceau dans sa complexité avec
la Grande Guerre qui est abordé, mais uniquement son action politique de sénateur et président du Conseil. Un autre ouvrage plus épais et plus universitaire, faisant l'impasse sur tout le reste, a été écrit par ce même auteur, il s'agit de "
Articles et discours de guerre : 1914-1918 de
Georges Clemenceau". Il est sorti six mois plus tôt sous la plume du même auteur.
Il serait intéressant de voir comment G. Clemenceau mène de pair ses fonctions de journaliste et de sénateur pendant un peu plus de trois ans. Ainsi ce dernier (en tant que président de la commission de l'Armée du Sénat) est le premier jour de l'offensive Nivelle à l'observatoire du moulin de Roucy près du front (à la limite de l'Aisne et de la Marne), en compagnie des parlementaires Renaudel, Fabre et Loucheur. Cela lui permet d'écrire un article très optimiste au tout début de l'offensive dans son journal "L'Homme enchaîné". Deux semaines plus tard ce même Clemenceau arrive enfin, du fait de l'échec de cette action, à porter le coup fatal à celui qu'il juge "le responsable de cet affaiblissement de la volonté du pays (…) le ministre de l'Intérieur Malvy". Dans cette affaire de traque des traîtres,
Jean-Jacques Becker ne fait pas l'impasse sur certains aspects très tortueux de cette affaire.
Globalement l'ouvrage montre que, de
Georges Clemenceau, il est à retenir son réalisme et son énergie à mener aussi bien la conduite de la Guerre que les négociations de la paix. Sur ce dernier point l'ouvrage donne un coup de canif dans la légende noire qui colle dans certains livres sur les résultats catastrophiques des traités de paix par son fait. On doit d'ailleurs à
Georges Clemenceau cette formule : « Nous aurons beau avoir la meilleure frontière, le Rhin lui-même, que vaudra-t-elle si nous faisons une politique qui nous affaiblisse, moralement et physiquement ? ». Par ailleurs l'auteur relève que son personnage avait dénoncé l'incohérence du système électoral qui se mettait en place pour les législatives de novembre 1919. Ceci sans d'ailleurs se douter qu'il allait se traduire par une arrivée confortable de députés ayant une pratique catholique et lui coûter son élection à la présidence de la République.
Accessoirement ceux qui n'aimaient pas le Weygand de la Seconde Guerre mondiale verront qu'en 1919 il est l'âme damnée de Foch, le poussant à se mêler du contenu des traités de paix et en particulier à réclamer l'annexion de la Sarre et le démantèlement de l'Allemagne en diverses entités (dont un état rhénan, vassal de la France).